Gaza, Palestine et apartheid, par Alain Gresh

« Nous condamnons les tirs de roquettes et les conséquences humanitaires de ces violences et déplorons les victimes civiles. La France appelle instamment à un retour au calme et à la retenue afin d’éviter une escalade qui risquerait de toucher à nouveau des civils. Notre consul général à Tel Aviv se rendra dimanche matin à Ashdod et Ashkelon pour exprimer sa solidarité. »

C’est en ces termes que le ministère des Affaires étrangères français réagissait à l’escalade à Gaza provoquée par un raid israélien et l’assassinat de deux cadres palestiniens. Les opérations ont provoqué la mort d’une quinzaine de Palestiniens, dont deux enfants, mais c’est avec les populations d’Ashdod et d’Ashkelon que la France proclame sa solidarité. Une position similaire à celle exprimée par Susan Rice, ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, ce qui n’étonnera personne.

L’argument israélien pour justifier le raid à l’origine de l’escalade est que les deux hommes visés étaient les organisateurs d’un raid meurtrier en août dernier et s’apprêtaient à perpétrer un autre attentat. Comme toujours, l’armée israélienne ment et contredit ses propres enquêteurs (lire Max Blumenthal, Israel’s bogus case for bombing Gaza obscures political motives, Al-Akhbar, 11 mars 2012.) Mais qui ira contredire l’armée « la plus morale du monde » ?

Ce lundi 12 mars, le Quartet, composé des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et des Nations unies, se réunit une nouvelle fois pour discuter de la Palestine. Une nouvelle fois, on peut en être sûr, il appellera à la reprise sans préalables des négociations entre Israël et les Palestiniens – c’est-à-dire sans aucune base pour la négociation et sans arrêt de la colonisation israélienne -, ce qui est exactement la position de M. Nétanyahou.

Celui-ci, de retour de Washington, où le problème palestinien n’a même pas été abordé, est décidé à continuer sa politique dans les territoires occupés, politique qui ne suscite aucune réaction sérieuse du Quartet.

Dans un article du quotidien Le Monde, Laurent Zecchini raconte un épisode, parmi d’autres, et pas le plus dramatique, de l’action israélienne en Cisjordanie (Hold-up télévisuel à Ramallah, lemonde.fr, 10 mars). Il s’agit d’un raid contre deux stations de télévision.

Il écrit :

« Ramallah est située en zone “A” de la Cisjordanie, laquelle, aux termes des accords de paix d’Oslo II (1995), est sous contrôle exclusif de l’Autorité palestinienne. Rien à voir, en principe, avec la zone “B”, où Israël conserve la responsabilité de la sécurité, et encore moins avec la zone “C”, entièrement sous l’emprise de la puissance occupante. Le siège de l’Autorité palestinienne, c’est la Mouqata’a, au centre de cette ville bourgeonnante de 200 000 habitants (durant le jour), où Mahmoud Abbas a sa résidence officielle.

« Mais le roi est nu : le raid de l’armée israélienne a rappelé que l’État palestinien, dont M. Fayyad s’efforce avec ténacité de poser les fondations, et dont M. Abbas demande qu’il soit reconnu par les Nations unies, est un État croupion, dont la souveraineté est virtuelle, tout comme l’autorité de son président. »

Ce raid a été déploré par les États-Unis comme par la France, comme ils regrettent depuis des années le blocus de Gaza, la colonisation, les incursions illégales en territoire palestinien, etc. mais continuent à demander à l’Autorité de négocier sans préalables.

Il est ironique que le Quartet pose comme condition pour un dialogue avec le Hamas que celui-ci reconnaisse les accords d’Oslo, alors qu’Israël les a enterrés depuis longtemps, poursuivant sa politique d’asphyxie de la population palestinienne.

Même l’eau, comme le rapporte toujours Le Monde, est une arme qui sert l’occupant (En Cisjordanie, même l’eau est une arme, Le Monde, 11-12 mars 2012) ; l’article rappelle le rapport de l’Assemblée nationale de février dénonçant « un nouvel apartheid de l’eau ».

Car c’est la réalité qui s’impose désormais sur le terrain. Au fur et à mesure que s’éloigne la perspective de la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, progresse la réalité d’un seul État, de la Méditerranée au Jourdain, dominé par les Israéliens et dans lequel les Palestiniens sont privés de tous leurs droits. En Afrique du Sud cela s’appelait l’apartheid, comme le rappelle Zackie Achmat, un militant sud-africain convaincu qu’Israël est devenu un Etat d’apartheid (Why I believe Israel is an apartheid state).

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