Des restrictions pouvant entraîner la mort imposées par Israël aux malades palestiniens

Charlotte Silver – The Electronic Intifada – 27 janvier 2016

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Awatef Abu Daher et son fils Naim, qui est né atteint de malformations congénitales du cœur et d’autres organes ne pouvant être traitées à Gaza.
Khaled Azayzeh – B’Tselem.

La puissante Hasbara – ou propagande – d’Israël ne ménage pas son énergie pour tenter de présenter son armée comme soucieuse de la santé et du bien-être des Palestiniens – que ce soit en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est, ou dans la bande de Gaza sous blocus.

Par exemple, l’année dernière, l’armée israélienne a annoncé qu’elle avait créé une nouvelle unité dont la seule mission serait de fournir des soins médicaux et de l’aide humanitaire à la population palestinienne en situation d’ « urgence ».

« Quand des gens sont dans le besoin de soins, nous ne pouvons pas nous permettre d’être indifférents, » explique le Dr Yishai Lev, commandant adjoint de cette nouvelle unité.

« Indifférente », l’armée ne l’est certainement pas. Bien au contraire : la politique israélienne régente pratiquement la santé de la population qu’elle occupe.

Au cours des dix premiers mois de 2015, l’administration de l’occupation militaire, qu’Israël appelle la COGAT – Coordination des activités gouvernementales dans les territoires –, a refusé à 1035 Palestiniens de la bande de Gaza l’autorisation d’en sortir pour aller recevoir des soins qui leur étaient indispensables, en Cisjordanie occupée, en Israël ou en Jordanie.

Cela représente près de deux fois le nombre de refus opposés au cours de toute l’année précédente.

Dans le cadre de sa politique, Israël n’accorde des autorisations que – mais pas toujours – dans des cas où la vie est menacée, ce qui aboutit à ce que d’innombrables affections et maladies graves ne sont pas traitées.

Mais le système de santé de Gaza, endommagé par les agressions militaires répétées et par un siège de près de neuf années, connaît de « sérieux manques », selon B’Tselem.

Ce groupe israélien de défense des droits de l’homme a rapporté récemment que l’infrastructure de santé de Gaza est devenue incapable tout simplement de « répondre aux besoins de la population locale ».

Un système de santé mis à mal

B’Tselem note que quatre décennies d’occupation israélienne directe, suivies par des années d’un blocus quasi-total, ont fait que les hôpitaux et médecins de Gaza ne sont plus en mesure de soigner correctement leurs malades.

Les hôpitaux manquent de matériel et de fournitures, et les médecins, empêchés d’accéder au monde extérieur de Gaza, ne peuvent plus suivre de formations et développer leurs connaissances.

La politique d’Israël consistant à refuser aux personnes une autorisation de sortie pour aller se soigner, à moins que, et jusqu’à ce que leur état « ne mette leur vie en danger », cette politique peut conduire à une mort prématurée, selon l’organisation Médecins pour les droits de l’homme-Israël.

Parmi ces centaines de personnes en besoin urgent de soins, qu’Israël n’a pas autorisées à quitter Gaza pour être traités, il y a Ali Khader Mumammad Bashir, 46 ans, l’une des personnes dont le profil apparaît dans le rapport de B’Tselem.

Bashir, père de huit enfants, souffre de troubles neurologiques apparents qui provoquent des vertiges débilitants. Ces moments graves entraînent une altération majeure de sa vie quotidienne.

Sans l’accès au diagnostic et à l’équipement d’imagerie médicale nécessaires, les médecins à Gaza n’ont pas la possibilité de déterminer la cause de son état de santé.

Au cours des trois années passées, il a été question d’envoyer Bashir dans des hôpitaux à Naplouse en Cisjordanie occupée, et au Caire, mais il lui était interdit de passer par Israël. Il n’a pas pu se rendre au Caire en raison de la fermeture permanente par l’Égypte du passage frontalier de Rafah.

 

Pas de sortie

Les Palestiniens pouvaient autrefois utiliser Rafah de façon assez régulière. Mais depuis qu’Abdulfattah al-Sisi et l’armée égyptienne ont pris le pouvoir contre le Président Mohammed Morsi, en 2013, la sortie de Gaza vers l’Égypte est fermée quasiment hermétiquement.

Cela a équivalu en réalité à changer dramatiquement la vie des Palestiniens de Gaza : dans la première moitié de 2013, avant le coup d’État de Sisi, en moyenne plus de 20 000 Palestiniens sortaient de Gaza via Rafah chaque mois, et autant y entrait.

En 2014, le nombre des sorties et des entrées a diminué de plus de la moitié, tombant à une moyenne d’environ 8000 par mois, selon Gisha, un groupe israélien de défense des droits de l’homme qui observe le blocus israélien de Gaza.

Ceci porte à moins d’un quart du nombre qui traversait au passage dans les années avant qu’Israël n’impose le blocus.

En 2015, le passage de Rafah a été ouvert pendant seulement 19 jours. La moyenne mensuelle des sorties et des entrées a chuté à tout juste 2500, mais sur quatre mois dans l’année, leur nombre a été de zéro.

 

De nouvelles exigences

Les enfants qui reçoivent une autorisation de sortie pour soins médicaux doivent être accompagnés d’un aide-soignant adulte, lequel doit également subir le contrôle sécurité.

Fin 2015, Israël a relevé l’âge minimum requis pour les aides-soignants de 35 à 55 ans, ajoutant ainsi un fardeau important pour les familles qui essaient d’obtenir un traitement pour leurs enfants malades ou blessés.

B’Tselem note, par ailleurs, que les « contrôles sécurité » sont longs et rarement positifs.

La nouvelle restriction concernant l’âge inquiète les personnes comme Awatef Abu Daher, 41 ans, infirmière du Croissant-Rouge et mère de quatre enfants, qui vit à Deir al-Balah (au centre de la bande de Gaza).

Elle est devenue veuve quand une frappe aérienne israélienne a tué son époux durant l’agression de l’été 2014 contre Gaza. Elle attendait un enfant à l’époque.

Leur fils, Naim, chez qui il avait été diagnostiqué de nombreuses malformations congénitales du cœur, de l’estomac et des intestins, alors même qu’il était encore dans le ventre de sa mère, ce fils est né dans un hôpital israélien. Le bambin a passé la première année de sa vie dans et hors des hôpitaux israéliens. Mais aujourd’hui, sa mère ne peut pas lui obtenir l’autorisation de sortir pour une nouvelle opération que les médecins disent nécessaire.

Après avoir été convoquée pour interrogatoire par l’Agence sécurité d’Israël, connue aussi sous le nom de Shin Bet, Abu Daher est inquiète, craignant de ne pas être autorisée à voyager avec son petit garçon.

Pour la Cisjordanie et la bande de Gaza, le groupe Médecins pour les droit de l’homme-Israël estime qu’Israël refuse les autorisations de sortie à motif médical à environ 20 % des demandeurs.

Mais même selon les critères stricts d’Israël – si totalement imprécis –, les autorités de l’occupation pourraient accepter plus de demandes.

Médecins pour les droits de l’homme-Israël affirme que dans près de la moitié des cas pour lesquels l’organisation intervient, Israël annule son refus initial.

Cependant, ce n’est qu’une fraction de ces refus par Israël qui recherche l’aide de l’organisation.

« Un semblant de « calme » prévaut habituellement, mais ce n’est qu’illusoire », affirme Médecins pour les droits de l’homme-Israël, en parlant de l’étranglement par Israël de la santé palestinienne. « En réalité, le contrôle israélien sur les Palestiniens ne fait que prendre une forme différente, une forme quotidienne et même transparente, mais pas moins douloureuse et mortelle ».

 

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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