Yonatan Mendel : Journal – élections en Israël

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Journal – élections en Israël.

Yonatan Mendel, 6 mars 2015

Chaque fois qu’Israël fait la une pour le meurtre massif de Palestiniens à Gaza ou de Turcs civils dans les eaux internationales, je propose un article à la LRB (London Review of Books). La réponse habituelle est que je suis en retard ou qu’une personne plus qualifiée écrit déjà sur le sujet. Ceci n’a jamais lieu avec une élection israélienne. Alors, toutes ces années là, je m’assois pour écrire un article pour la LRB sur un sujet qui semble de moins en moins attractif pour le lecteur comme pour l’écrivain.

Que peut-on dire d’autre sur un pays dont les choix électoraux vont de mal à pire, de la xénophobie au racisme débridé ? Je crois qu’il y a trois blocs principaux. Le premier souhaite le maintien sous sa forme actuelle du conflit entre Israël et Palestiniens, de préférence sans négociations, dans une situation limite entre guerre froide et ouverte. Le second veut danser avec le conflit – pour négocier et négocier comme s’il n’y avait pas de lendemain. Pour le troisième bloc, il n’y a pas de conflit du tout : les élections concernent la TVA, la classe moyenne, et « ce que ça veut dire qu’être Israélien ».

Les prochaines élections ne promettent rien, sont à peine pourvues de sujet, et le fait que j’écris à nouveau ici signifie qu’il n’y a pas grand-chose de nouveau sur quoi écrire. Depuis que Nétanyahou a été réélu en 2009, rien de bon ne s’est produit dans la Terre promise, tant pour ses habitants Juifs que Palestiniens. A Gaza, plus de 2000 personnes ont été tuées lors de la dernière offensive israélienne – l’opération Bordure protectrice – et la destruction est indescriptible. C’était la septième opération militaire israélienne en 14 ans pour traiter d’un problème dont la nature est politique et pour laquelle des solutions politiques – pas des avions de combat – devraient être trouvées. Au cours de l’opération, qui a duré sept semaines, 72 Israéliens furent tués (67 soldats et cinq civils), mais la plupart des Israéliens juifs ont soutenu du fond du cœur l’attaque de bout en bout. Tzipi Livni, qui avec Isaac Herzog du parti travailliste dirige ‘l’alternative’ à Nétanyahou, était sa ministre de la Justice pendant l’attaque. Quand l’ONU annonça qu’elle voulait ouvrir une enquête sur l’emploi excessif de la force par Israël à Gaza, elle eut juste deux mots pour dire : « casse-toi ». Elle était ministre des Affaires étrangères pendant la première guerre de Gaza (2008) après laquelle un tribunal britannique lança un mandat d’arrêt contre elle, elle était aussi au pouvoir pendant la deuxième guerre du Liban (2006). Quand le Premier ministre libanais fondit en larmes pendant un discours devant la ligue Arabe sur les destructions causées à son pays par les avions israéliens, elle dit qu’ « il devrait s’essuyer les yeux et se mettre au boulot. »

Yair Lapid, le leader du parti Yesh Atid et ancien ministre des Finances de Nétanyahou, promet « un avenir meilleur » aux Israéliens. Comme il prend soin de ne rien dire de plus, il nage à l’aise dans les sondages. Parmi d »autres membres du gouvernement sortant qui se présenteront contre le Likoud on compte Naftali Bennett, le chef de Foyer Juif, un parti sioniste national-religieux, qui a dit : « J’ai tué beaucoup d’arabes dans ma vie et il n’y a pas de mal à ça. » Un autre membre de notre gouvernement distingué est le haut diplomate d’Israël, Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères et leader deYisrael Beytenu. Tous ces personnages ont joué leur rôle dans une administration embarrassante qui n’a battu des records que dans le nombre de Palestiniens tués, dans le sable jeté aux yeux de l’administration US (le ministre israélien de la Défense, Moshe Ya’alon, a appelé le secrétaire d’État US « messianique et obsédé… Il devrait gagner son prix Nobel et nous ficher la paix ») et dans le nombre de projets de loi antidémocratiques, réactionnaires et nationalistes passés par la Knesset. Beaucoup de ces lois ont été retoquées par la Cour suprême, ce qui a conduit Ayelet Shaked de Foyer Juif à lancer un autre projet de loi pour autoriser la Knesset à restaurer les lois rejetées par la Cour suprême. D’après elle, la Cour menotte les législateurs. Sans commentaires.

La chose la plus importante à propos de la campagne, dans laquelle les plus grands esprits de tous les partis sont complices, c’est qu’elle ne concerne qu’une seule chose : rien. Les candidats font les plus grands efforts pour polir leur image, ce qui dans le climat politique israélien actuel signifie montrer leur soutien aux Forces de Défense d’Israël, prouver qu’ils ont du chutzpah – du culot – c’est-à-dire qui n’ont peur ni du droit ni de la communauté internationale – et qu’ils dénigrent le peuple arabe en signe de patriotisme. Si vous êtes à la droite de Nétanyahou, il vaut mieux dire aussi que vous « croyez dans le peuple d’Israël, dans la terre d’Israël et dans la Torah d’Israël ». Si vous êtes à la gauche de Nétanyahou, il vaut mieux dire et agir comme si vous n’aviez qu’une seule chose en tête : «On ne peut pas avoir à nouveau Nétanyahou pour Premier ministre. » Et si vous êtes Nétanyahou vous n’avez besoin que de réciter la formule qui a réussi jusqu’à présent – parler de l’Iran, des armes nucléaires, de Daech, de Hamas, marquer une pause, mordre votre lèvre, prendre votre souffle puis dire rapidement « Hamas-Daech-Iran-armes-nucléaires-Hezbollah-le-monde-est-contre-nous » – et voir ce qui se passe.

Tous les partis en Israël (sauf Meretz, qui est contre l’occupation et est aussi progressiste que le lui permettent ses limites sionistes) ont en commun le désir de montrer qu’ils ont le cran de se dresser pour Israël face au droit international, et qu’ils sont anti arabes. Nétanyahou est un maestro pour le premier, avec son grand effort pour faire la preuve qu’il se fout éperdument de la relation Israël-USA. Il a insisté pour parler devant le Congrès alors que personne, d’Obama à l’AIPAC ne voulait l’y voir, parce que ça comptait énormément à son retour : le message était qu’il est un dur et qu’il ne répond à personne. Pour cela, Bennett est aussi bon. Il a publié récemment une vidéo dans laquelle il marche dans Tel-Aviv habillé en baba cool avec une longue barbe rousse. À tous ceux qu’il rencontre il dit : « désolé, je suis vraiment désolé, oh désolé, vraiment, pardonnez-moi, je suis vraiment désolé » – une blague aux dépens des Israéliens de gauche qui s’excusent trop auprès de la communauté internationale pour les violations permanentes du droit international par Israël. Lieberman fit de son mieux pour suivre dans cette voie, mais sa performance fut trop brusque. À la suite d’une attaque par le Hezbollah à la frontière nord d’Israël (une réponse à une attaque israélienne qui tua 12 personnes, dont un général iranien et Jihad Mughniyeh, le fils d’un ancien commandant du Hezbollah), Lieberman dit que « La réponse Israël devrait être dure et disproportionnée ». Livni et Herzog veulent aussi se montrer aussi patriotes et sionistes que possible. Ils ont quasiment laissés tomber le nom du parti de Herzog et font campagne comme Union Sioniste. Ce nom évocateur à la fois repousse les citoyens arabes palestiniens d’Israël et signale au monde que l »alternative’ israélienne n’a rien offrir de nouveau, pas même dans son vocabulaire. Pour assurer qu’ils sont bien antidémocratiques, Livni et Herzog ont décidé de participer aux jeu habituel, de tenter de disqualifier un député arabe, dans ce cas Hanin Zoabi, de candidater au Parlement. Dans leurs calculs, ils savaient que la Cour suprême n’approuverait jamais cette demande, mais ils avaient un rêve caché : Ils savaient aussi qu’en Israël en 2015, si la Cour suprême vous désavoue, ça ne peut que vous bénéficier.

L’affichage de sentiments anti-arabes est une partie vitale de toute campagne électorale. Une vidéo ouvertement antisémite a été récemment publiée par le ‘Conseil des résidents de Samarie’, un groupe de colons, montrant des Israéliens juifs de gauche grippe-sous recevant des dons venant d’Européens décrits comme des Nazis. « Pour eux, vous serez toujours un juif », dit la vidéo, tentant de montrer que les Européens qui soutiennent les mouvements pour les droits humains et les initiatives mixtes judéo-arabes en Israël sont des néonazis. Dans une autre vidéo électorale, Sharon Gal, un candidat du parti de Lieberman, est montré vêtu en jardinier, arrachant des mauvaises herbes du jardin israélien. Il nomme les herbes du nom des députés arabes : « ici je déracine un Tibi envahissant… Et ici je déracine un Zahalka toxique. » Lieberman lui-même est venu avec un joli slogan de déracinement : « Ariel pour Israël, Umm al-Fahm pour la Palestine » (en d’autres termes, annexer à Israël la ville colonies d’Ariel et, ‘en retour’, déraciner 50 000 citoyens arabes d’Israël et les transférer en Palestine). Danny Danon, du Likoud de Nétanyahou, a publié une vidéo dans laquelle, habillé comme un shérif, il se pointe dans un bar du Far West et jette dehors une députée arabe (Zoabi), qui finit au sol inanimée. Dans une autre vidéo du Likoud, des militants de Daech pilotent des jeeps en Israël ; le slogan dit que la ‘gauche’ israélienne, cette entité anonyme mystérieuse, amènera Daech à Jérusalem (la vidéo joue for de la musique arabe, ce qui fait peur aux Israéliens, et c’est ce qui importe). Herzog a publié une vidéo dans laquelle des amis de son unité de renseignement militaire parlent de son héroïsme dans l’armée :

« Herzog a grandi dans le renseignement militaire, ceci veut dire qu’il connaît la mentalité arabe. Il a vu des arabes à plusieurs occasions ; il les a vus de l’autre côté du viseur, et derrière le viseur… L’homme le plus important dans cette affaire, c’est celui qui sait ce que l’État d’Israël doit faire d’une information. Que ce soit tirer une roquette ou envoyer des troupes, ou éliminer ces gens. »

Les partis juifs, malgré leurs nombreuses similarités, peuvent être distingués par leurs approches du conflit. Le premier bloc, mené par Nétanyahou, n’est nullement intéressé à le résoudre : rendre les territoires, stopper la construction dans les Territoires Occupés – tout cela serait un trop grand casse-tête. Bennett fait aussi partie de ce groupe, quoique contrairement à Nétanyahou, il s’oppose ouvertement à la solution par deux Etats. C’est un grand supporter de ce que vous pourriez appeler « la solution par un État et demi » : Israël annexerait la zone C de la Cisjordanie (plus de 50 % du territoire) laissant les Palestiniens avec une semi-autonomie dans un semi-territoire pour leur semi-Etat.

Le deuxième bloc, menée par l’Union Sioniste de Livni et Herzog, adore les négociations. Ils ne peuvent pas attendre de renverser Nétanyahou parce qu’ils rêvent d’un ‘processus de paix’. Oh, le processus ! Pas une vraie paix, évidemment, pas le retour « d’un seul réfugié palestinien » (comme le dit Livni), pas de négociations sur « Jérusalem, la capitale unie et non divisée du peuple juif depuis 3007 ans (à nouveau Livni, ce serait 3014 maintenant), aucun compromis sur le complet contrôle sécuritaire de la vallée du Jourdain par Israël en Cisjordanie occupée, mais quand même – un processus. Dans leurs rêves, Livni et Herzog se voient volant à Washington et serrant la main du président des USA. Ils imaginent le croissant qu’ils mangeront d’abord le matin en se pressant vers une rencontre importante à Paris, et la rencontre à Ramallah avec leurs interlocuteurs palestiniens, où ils feront preuve d’entêtement, de fermeté, d’esprit de décision et de confiance. Ils veulent réhabiliter l’image d’Israël aux yeux du monde, sans aucun moyen concret de faire les choses différemment. La dernière fois que le parti travailliste fut au pouvoir, sous Ehoud Barak, les négociations avec les Palestiniens s’effondrèrent, signalant le début de la fin. C’est sous cette direction travailliste que 13 manifestants palestiniens furent tués par la police israélienne – tous étaient bien sûrs des citoyens arabes d’Israël.

Quand Abdallah Abu Rahma, un des leaders de la lutte palestinienne non-violente de Bil’in (un village de Cisjordanie dont les habitants ont manifesté contre le mur de séparation pendant ces 10 dernières années) fut interviewé par le site Local Call, il n’y eut pas d’arrière-pensées :

« Si le parti travailliste gagne, ce sera pas si bien. Il y a pas beaucoup de différence entre Travaillistes et Likoud. Le parti travailliste a de meilleures relations publiques avec le monde, mais ils font les mêmes choses. Ils ne recherchent pas la paix, ils construisent des colonies et des murs et font des guerres, mais ils en tirent du monde une légitimité. Pour nous dans les Territoires occupés, Lieberman est probablement le meilleur, parce qu’avec Nétanyahou il endommage les relations extérieures israéliennes… Nous ne voulons pas des Travaillistes, comme nous ne voulons pas un autre Peres qui ne fera qu’aider à soulager la pression sur Israël. »

L’Union Sioniste veut renverser Nétanyahou, mais sans offrir d’alternative significative. Je n’ai pas de désir caché de voir Nétanyahou rester au pouvoir, mais ‘se débarrasser de lui’ semble parfois être le seul plan de l’opposition. En réalité, il y a beaucoup de mouvements et de personnes qui souhaitent voir la fin du régime Nétanyahou, y compris un groupe de 200 hommes retraités des services de sécurité – connus comme Généraux pour la Sécurité en Israël – qui disent que Nétanyahou doit partir « pour ramener la sécurité en Israël ». Il ne disent pas comment. V15 (Victoire 2015) est un autre mouvement ‘non partisan’ qui reçoit des fonds de donateurs juifs de la diaspora inquiets de la situation en Israël. Leur slogan est « 17 mars. Simple. Changez les choses » ; leur but déclaré est de détrôner Nétanyahou et de ramener « l’espoir » en Israël. En quoi consiste cet espoir ? Que faut-il faire pour créer un Israël meilleur ? Ces questions sont sans réponse. Elles ne sont même pas posées. Les activistes du mouvement appellent seulement les gens à sortir et à voter pour se débarrasser de Nétanyahou.

La campagne anti Nétanyahou qui s’est répandue dans les médias israéliens ces deux derniers mois est tout aussi vide. Elle ridiculise en permanence Nétanyahou, se moque de ses cheveux mauves foncés, s’interroge sur l’argent dépensé pour des glaces à la pistache dans la résidence du Premier ministre et d’une manière générale le dépeint avec sa femme comme Louis XVI et Marie-Antoinette. Ça peut être drôle, et la campagne a aussi incorporé des critiques sérieuses de sa lamentable réussite sociale, mais il semble que le désir de détrôner Nétanyahou est devenu une fin en soi plutôt qu’un moyen pour réaliser autre chose.

Le troisième bloc est de loin le plus ‘chouette’. Il est dirigé par Yair Lapid et son parti Yesh Atid. À la suite des manifestations pour la ‘justice sociale’ en 2011, Lapid a obtenu des électeurs de penser d’abord à eux-mêmes et à leur propre ‘justice sociale’ et d’oublier l’absence de droits sociaux et politiques des Autres. Lapid a obtenu l’aide du parti travailliste (dirigé alors par Shelly Yechimovich), qui montra sa nouvelle absence de références quand il ‘oublia’ le conflit et se concentra plutôt sur la classe moyenne israélienne. Et effectivement Lapid propose une grande alternative aux Israéliens. Pourquoi se demander s’il y a 400 000 ou 500 000 colons israéliens ? Pourquoi s’inquiéter que Gaza ait été assiégé pendant huit ans et puisse exploser demain ? Pourquoi devrions-nous traiter des difficultés des communautés les plus pauvres en Israël – les citoyens arabes et les ultra-orthodoxes – quand nous pouvons nous plaindre qu’ils nous tirent tous en arrière ? Ce parti est un grand succès en Israël et il y a ceux qui veulent le copier – le parti Kulanu dirigée par Moshe Kahlon (anciennement du Likoud) en est une version de droite. Preuve la plus claire de la décadence israélienne et de la fuite de la réalité, ces partis vendent aux Israéliens un forfait tout compris de « justice sociale » – à l’intérieur des paramètres sionistes et néolibéraux – qui n’inclut ni Arabes, ni conflits, ni réfugiés, ni Jérusalem, ni colonies ou tout autre concept post 1990.

Ces élections sont entièrement sur de la rhétorique, pas sur de l’idéologie ou sur une vision politique. La décision de Likoud de ne pas avoir de manifeste officiel est emblématique. Le parti travailliste – désolé, l’Union Sioniste – aurait pu dire quelque chose de significatif. À la place, ils ont choisi de suivre non pas ce qu’ils croient – qui sait ce que c’est ? – mais ce que leurs spin doctors leur ont dit de dire. Le résultat est un message tout israélien, bleu et blanc et vide dedans, visant à être très semblable à celui de Nétanyahou, mais avec un slogan différent : nous ne sommes pas Nétanyahou ; c’est lui ou nous.

Voila l’histoire en résumé. Nous faisons maintenant l’expérience d’une mascarade gênante dans laquelle divers politiciens disent au peuple israélien qu’avec eux les choses seront différentes de ce qu’elles étaient sous le gouvernement précédent. La chose qu’ils ne soulignent pas, c’est ce qu’ils étaient le gouvernement précédent. Livni était ministre de la Justice, Lapid était ministre des Finances, et son parti était chargé de l’éducation, de la science, de la technologie, de la santé, de l’Assistance Publique et des services sociaux. Bennett, Eli Yishai, Lieberman, Kahlon : ils ont tous dirigé des ministères centraux dont les gouvernements Nétanyahou. L’élection à venir produira une coalition formée soit par Nétanyahou soit par l’Union Sioniste, mais plus vraisemblablement par les deux ensemble, soutenus par jusqu’à quatre partis plus petits, pour constituer un gouvernement qui sera plutôt similaire au dernier.

Cependant, il y a une issue positive possible. Comme dans une bonne histoire de la Bible, Lieberman peut être défait par sa propre machination. Au cours de la dernière Knesset, il a suggéré de monter de 2 % à 3,25 % le seuil électoral, pour exclure les partis arabes. En conséquence, la liste judéo-arabe, l’Assemblée Nationale Démocratique (Balad), la Liste Arabe Unie et le Mouvement Arabe pour le Renouveau (Ta’al) ont joint leurs forces pour se reformer en Liste Conjointe, qui peut devenir la troisième plus grande présence dans le nouveau parlement. Dirigée par un jeune leader charismatique, Ayman Odeh (que, oui, je soutiens) ce parti à une ligne. Il dit qu’il est contre une autre guerre contre Gaza. Il appelle à la fin de l’occupation (et use effectivement du mot « occupation ») en Cisjordanie comme d’une étape vers la paix (et il emploie effectivement le mot « paix »). Il appelle les Juifs et les Arabes en Israël à s’unir contre le racisme et la discrimination – des Arabes comme des Mizrahim – et se situe à gauche (et emploie effectivement le mot « gauche »).

Dans un pays où seuls 17 % des gens soutiennent ouvertement la gauche, c’est un programme plutôt audacieux. Mais leurs principes primordiaux, leur appel à un vrai partenariat dans la lutte pour une société juste et égale, ainsi qu’à une fin pacifique du conflit, devrait faire voter les citoyens juifs et arabes d’Israël pour eux. Pourtant les citoyens juifs, même ceux qui sont apparemment progressistes, ont du mal à traverser le fossé ethnique. C’est peut-être la plus grande réalisation du mouvement sioniste, maintenue par son système d’éducation et ses institutions culturelles. Un troisième terme pour Nétanyahou peut sembler incompréhensible pour les Européens et les Américains qui croient encore en un Israël progressiste qui aurait été kidnappé par des zélotes d’extrême droite. Un succès relatif d’Herzog et Livni sera présenté comme un retour au bon sens et à l’espoir. C’est une idée chimérique. L’époque Herzog-Livni promet la même chose, mais sous une forme plus digeste pour la communauté internationale. C’est la seule différence. La Liste Conjointe est le seul espoir démocratique réel pour le pays. Mais pour qu’elle devienne une partie significative d’une coalition à la Knesset, il faudra que les Israéliens juifs commencent à voir les israéliens arabes palestiniens comme des citoyens égaux et comme des partenaires politiques légitimes. Jusqu’à ce que ceci ait lieu, nous sommes condamnés à plus de guerres et de tueries, et au choix indifférent entre Nétanyahou, Bennett, Lapid, Livni et Herzog.

Source : London Review of Books, Vol. 37, n° 6, 19 Mars 2015

Traduction française : JPB-CCIPPP pour l’Agence Média Palestine

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