Inauguration de l’ambassade américaine : un Who’s Who du commerce d’armes israélien

Seuls 30 pays environ ont pris part à l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem la semaine dernière. Ce n’est pas une coïncidence si les liens d’Israël avec la plupart d’entre eux sont basés sur les ventes d’armes utilisées pour commettre des violations flagrantes des droits humains

Par Eitay Mack – 22 mai 2018

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu prend la parole lors de la cérémonie d’accueil de l’ambassade américaine au ministère des Affaires étrangères, avant l’ouverture officielle de l’ambassade américaine à Jérusalem, le 13 mai 2018.
Photo de Hadas Parush / Flash90

Immédiatement après la fin de la guerre de 1967, l’état d’Israël entama une massive campagne diplomatique visant à convaincre les pays du monde entier de s’opposer aux résolutions qui, dans les forums internationaux, demandaient à l’état juif unilatéralement de se retirer des territoires occupés. Israël a tenté d’acheter les votes de dictateurs meutriers et de juntes militaires en échange contre des armes et de la formation.

Par exemple, en juin 1967 le général Mota Gur fut convoqué à une réunion urgente avec le dictateur d’Haïti. La campagne échoua et jusqu’à 1973, beaucoup de pays coupèrent leurs relations diplomatiques avec Israël. Le soutien de dictatures et de gouvernements militaires, comme le régime de Pinochet au Chili, n’avait aucune importance pratique, puisque ces mêmes pays étaient déjà isolés, et que leurs votes faisaient pâle figure en comparaison avec ceux du reste du monde, qui considérait l’occupation israélienne comme illégale et demandait qu’il y soit mis fin.

Avant la cérémonie de la semaine dernière inaugurant la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, le journaliste d’Haaretz Noa Landau a publié une liste des pays qui déclaraient avoir l’intention d’y assister. Cette liste honteuse atteste de l’échec persistant d’Israël à persuader la communauté internationale de soutenir l’annexion de Jérusalem-Est.

La majorité des pays qui ont assisté [à l’inauguration] n’ont aucune importance géopolitique, et leur participation reflète au plus des intérêts politiques momentanés qui pourraient changer dans le futur. Prenons la Birmanie [Myanmar] et le Soudan du Sud, deux pays dont les régimes sont occupés en ce moment à à commettre un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et n’ont aucune capacité à influencer d’autres pays ou à appuyer l’annexion de Jérusalem-Est.

Le régime instable du président du Guatemala Jimmy Morales, qui soutient l’annexion dans le cadre de sa campagne de flatteries à l’égard de l’administration Trump, afin d’essayer de la convaincre de renier son soutien aux réformes anti-corruption dans le pays. Il se peut que dans quelques mois, Morales soit mis à la porte et se retrouve sous le coup de charges criminelles.

Le commandant en chef de l’armée de Myanmar, Min Aung Hlaing, rencontre le chef de l’état-major des forces de défense israéliennes Gadi Eizenkot au cours d’un voyage en Israël, le 9 septembre 2015.
(SF Min Aung Hlaing
s Facebook)

Les liens d’Israël avec la majorité des pays qui ont assisté à la cérémonie sont basés sur de constantes exportations israéliennes de produits liés à la sécurité, utilisés pour la répression, la persécution politique, le meurtre, le viol et la torture. C’est pourquoi leur soutien à l’annexion de Jérusalem-Est peut changer avec des transformations dans leurs régimes respectifs :

Angola. Israël a soutenu le régime d’apartheid en Afrique du Sud en transférant ses crimes pendant la guerre civile dans l’Angola voisin. A certains moments pendant la guerre, Israël vendait des armes aux deux côtés. Quand la guerre fut terminée, Israël aida à renforcer le régime tyrannique et corrompu de Jose Eduardo Dos Santos, qui s’est récemment retiré en partie du pouvoir.

Cameroun. Pendant des décennies, Israël a fourni des armes au dictateur du Cameroun, Paul Biya. Les deux dernières années, une unité d’élite entrainée par les Israéliens, dont les soldats utilisent souvent des armes venant d’Israël, ont mené une campagne de terreur contre la population locale dans les zones anglophones du Cameroun.

République démocratique du Congo. Israël a aidé le dictateur Mobutu Sese Seko à établir des unités armées entières, tout fournissant armes et entraînement aux forces de sécurité meurtrières et corrompues de la République démocratique du Congo. Les armes, l’artillerie et l’entraînement israéliens ont continué même après le remplacement par Laurent-Désiré Kabila, et plus tard par son fils Joseph. Selon des rapports, les armes israéliennes ont été utilisées dans des massacres dans tout le pays pendant les deux dernières années.

Guatemala President Jimmy Morales and Prime Minister Benjamin Netanyahu seen during a welcome ceremony for the Guatemala embassy at the King David Hotel in Jerusalem, May 16, 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Guatemala. Pendant la guerre civile au Guatemala, Israël a fourni un appui aux juntes militaires pour leur génocide et leurs crimes contre l’humanité envers les populations autochtones du pays. Selon des estimations, le président Jimmy Morales soutient le déplacement des ambassades des Etats-Unis et du Guatemala à Jérusalem dans le cadre de ses efforts pour convaincre Trump d’annuler son appui politique et financier à une équipe internationale qui examine les allégations de corruption dans le pays, et particulièrement les cas de corruption liés à la famille et aux associés de Morales, ainsi qu’au financement de sa campagne électorale.

Côte d’Ivoire. Israël a vendu des armes et fourni un entraînement utilisés dans les diverses guerres civiles au cours de l’histoire du pays, le tout en violant l’embargo du Conseil de sécurité de l’ONU. Les responsables de  l’establishment de la sécurité israélienne sont proches des hauts gradés de Côte d’Ivoire.

Philippines. Israël a soutenu en permanence le dictateur Ferdinand Marcos, qui a dirigé le pays de  1965 à 1986, et les escadrons de la mort et les milices étaient armés et entraînés par Israël. Au cours des quelques dernières années, les forces de sécurité de Rodrigo Duterte, responsable du meurtre d’au moins 7 000 personnes dans le cadre de la  « Guerre contre la drogue », ont souvent été armés des fusils d’assaut Tavor israéliens.

Vietnam. Le pays, qui est devenu une destination centrale pour les exportations israéliennes en Asie du Sud-Est, est dirigé par un régime communiste tyrannique qui persécute et opprime les journalistes, les membres de l’opposition, et les militants des droits humains.

Honduras. Un pays avec une des polices les plus corrompues et les plus dangereuses du monde. La police au  Honduras a des liens directs avec le crime organisé et les cartels de la drogue. L’armée mène ses activités à l’intérieur des frontières du pays et donc ses pouvoirs vont bien au-delà de la simple protection des frontières. En 2013, le gouvernement du Honduras a établi une police militaire qui inclut 3000 soldats armés de fusils Tavor.

En décembre 2016, Israël a signé un accord d’exportation d’armes avec le Honduras, un des plus importants de mémoire récente en Amérique latine. Le président Juan Orlando Hernandez a affirmé qu’il s’agissait d’un accord historique qui renforcerait les forces de sécurité d’une manière inconnue jusqu’alors. Au-delà du besoin d’une aide israélienne qu’a le régime afin de supprimer la dissension interne, Hernandez semble appuyer le déplacement de l’ambassade du Honduras à Jérusalem dans le cadre de sa campagne de lobbying pour convaincre l’administration Trump de continuer à fournir à son régime un soutien politique et économique. C’est particulièrement nécessaire après les allégations de la part de la communauté internationale de fraude sur les votes dans les précédentes élections.

Serbie. Israël a été l’une des plus importantes sources de soutien politique et militaire pour les forces bosniaques et serbo-bosniaques dans les crimes qu’ils ont perpétrés pendant la guerre de Bosnie. Au cours des dernières années, Israël a fourni un soutien militaire et économique aux séparatistes serbo-bosniaques, menant à une instabilité régionale.

 Une fosse commune en Bosnie. (ICTY)

El Salvador. Israël était l’un des soutiens centraux des divers juntes militaires d’El Salvador, qui ont commis des crimes contre l’humanité pendant la longue guerre civile dans le pays. Aujourd’hui, Israël continue à fournir au pays une assistance en matière de sécurité, bien que les forces de sécurité y soient corrompues, violentes, et liées au crime organisé  et aux cartels de la drogue.

Rwanda. Israël a vendu des armes au meurtrier régime Hutu pendant la guerre civile, conduisant au génocide au Rwanda, et a continué à en vendre aux Hutus pendant le génocide lui-même. Israël a soutenu le pays même après que Paul Kagame a pris le contrôle, malgré les crimes contre l’humanité commis sous son gouvernement en Congo oriental et au Rwanda même. Ces dernières années, Israël a vendu au régime de Kagame des fusils Tavor et a fourni un entraînement militaire à son armée.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu rencontre le président du Rwanda, Paul Kagame, au bureau du Premier ministre à Jérusalem le 10 juillet 2017. (Kobi Gideon / GPO)

Pérou. Israël a soutenu plusieurs dictatures militaires d’oppression dans le pays, qui ont commis des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et de sérieuses violations des droits humains.

Birmanie. Pour ce que nous savons, Israël a vendu des armes et fourni un entraînement à la junte birmane au moins jusqu’en septembre 2017. Bien que les Nations Unies et les Etats-Unis aient déterminé que la Birmanie commettait un nettoyage ethnique, et même un génocide, contre sa minorité musulmane, Israël s’est abstenu de critiquer le régime et lui a fourni un important appui politique.

Géorgie. En 2008, lorsque le ministre de la Défense de Géorgie était un ressortissant de 28 ans de la ville israélienne de Holon, Israël a vendu des armes et fourni un entraînement aux forces de sécurité de Géorgie et a été impliqué dans la guerre entre le gouvernement et les forces séparatistes.

Kénya. Israël fournit au pays un soutien massif en matière de sécurité, bien que le président Uhuru Kenyatta soit suspecté de crimes contre l’humanité. Kenyatta a été récemment ré-élu au cours d’élections frauduleuses. Par ailleurs, Nairobi sert de principale plaque tournante pour les entreprises de sécurité israéliennes en Afrique de l’Est.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu inspecte une garde d’honneur à Nairobi, au Kenya, le 5 juillet 2016 (Kobi Gideon / GPO).

Soudan du Sud. Israël a fourni au meurtrier gouvernement du Soudan du Sud des milliers d’armes juste avant l’éruption de la guerre civile dans le pays, qui continue jusqu’à aujourd’hui. Les armes ont été utilisées pour commettre des crimes contre l’humanité contre le peuple Nuer. Les armes israéliennes ont aussi été importées dans le pays via l’Ouganda. La technologie de surveillance israélienne est utilisée pour commettre des crimes contre l’humanité dans le pays. Selon divers experts, le régime est responsable de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et même de génocide.

Hongrie. Le gouvernement Netanyahu soutient ouvertement Viktor Orban, qui est en train de démanteler les institutions démocratiques hongroises et mine les fondements de l’Union européenne. De plus, le gouvernement israélien aide à blanchir Orban et l’anti-sémitisme et le racisme de son parti au pouvoir. Par exemple,  Israël a délibérément ignoré le soutien d’Orban à Miklos Horthy, qui a dirigé la Hongrie pendant la Deuxième Guerre mondiale et a fait alliance avec Hitler ;  Netanyahua a aussi soutenu la récente campagne anti-sémite du gouvernement hongrois contre George Soros.

Ukraine. Israël vend au gouvernement ukrainien divers biens d’exportation de défense, y compris une license à une entreprise ukrainienne pour construire des fusils Tavor. Le gouvernement Netanyahu a fermé les yeux sur l’apparition récente de néo-nazis et d’antisémites dans le gouvernement et les forces de sécurité.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le Premier ministre hongrois Viktor Orban tiennent un Rubik’s Cube au Forum commercial Hongrie-Israël à Budapest, en Hongrie, le 19 juillet 2017. (Haim Zach / GPO)

Tanzania. Bien que la Tanzanie soit considérée comme un des pays d’Afrique les plus stables, il y a eu une détérioriation récente du statut des droits humains, ainsi des restrictions de plus en plus grandes de la liberté d’expression. L’affaibilissement de la démocratie en Tanzanie s’est accompagné d’un réchauffement des relations avec l’état d’Israël, le ministre de la Justice israélien Ayelet Shaked s’y rendant même récemment. 

Cette liste de participants témoigne d’un creux embarrassant pour l’influence internationale à la fois de l’administration Trump et  du gouvernement de Netanyahu. Malgré les menaces de l’ambassadeur Nikki Haley et de Trump lui-même de couper les aides aux pays qui ne soutiennent pas la police américaine au Moyen-Orient, la grande majorité des pays étaient absents de l’inauguration de l’ambasssade. Le gouvernement d’Israël a une fois encore besoin du soutien de régimes meurtriers et corrompus pour créer ne serait-ce qu’un vernis de succès et pour justifier les voyages de Netanyahu à l’étranger aux yeux du contribuable israélien. La liste des invités est aussi le reflet de 51 ans d’échecs dans la lutte israélienne pour la reconnaissance internationale de son annexion de Jérusalem -Est.

Eitay Mack est un avocat israélien des droits humains travaillant à arrêter l’aide militaire israélienne aux régimes qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Source : +972
Traduction : CG pour l’Agence Média Palestine

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