La violence d’un « calme relatif »

Maureen Clare Murphy – 5 avril 2019

Des parents pleurent pendant l’enterrement de Muhammad Dar Adwan lors de ses funérailles le 2 avril dans le camp de réfugiés de Qalandiya. Dar Adwan a été abattu et tué par les forces d’occupation israéliennes au cours d’un raid sur le camp plus tôt dans la journée. (Ayat Arqawy / APA images)

Le premier anniversaire de la Grande Marche du Retour de Gaza est maintenant passé et Israël fait le décompte les jours avant une élection qui déterminera la composition du prochain gouvernement. L’Egypte et les Nations Unies se sont démenées pour éviter une confrontation armée majeure entre Israël et le Hamas à Gaza, et les projectiles transfrontaliers et les tirs aériens ont alors cessé.

Un « calme relatif » règne donc sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza alors que l’occupation armée israélienne approche de sa 52ème année.

« Calme relatif » – l’insignifiance est incluse dans l’expression – étant donné que les Palestiniens sont toujours privés de leurs droits fondamentaux qui sont traités comme un objet de négociations, même par l’ONU.

Omar Shakir

Israël tire sur 10 des 1.000 manifestants non armés, en tuant 4 (3 gamins). En récompense d’une moindre agitation, il rouvre les passages qu’il avait scellés, punition collective illégale. La fermeture illégale demeure. Bonne journée ? Uniquement si nous sommes devenus entièrement insensibles aux graves abus israéliens.

Tania Hary

Ce matin, Israël a « rouvert » les passages d’Erez et de Kerem Shalom, seules ouvertures connectant Gaza à la Cisjordanie et à Israël. Et par réouverture, je veux dire poursuite de la fermeture qui en elle même, est une punition continue de deux millions de personnes.

Gisha

Ce matin : Les Passages d’Erez et de Kerem Shalom ont repris leurs opérations normales ; interdiction d’accès à la « zone de pêche » retirée. Rappel : Fermer les passages et bloquer l’accès à la mer constituent une punition collective et violent le droit international.

Ces droits dont ils sont privés incluent le droit même à la vie des Palestiniens.

Un manifestant luttait pour sa survie vendredi soir après avoir été grièvement blessé par un tireur d’élite de l’armée israélienne pendant les manifestations de la Grande Marche du Retour plus tôt ce jour là, a dit le ministère de la Santé de Gaza.

Près de 60 manifestants ont été blessés à balle réelle au cours des manifestations de cette journée, d’après Al Mezan, association de défense des droits de l’Homme à Gaza, et plus de 40 autres ont été directement atteints par des bombes lacrymogènes.

Plus de 200 Palestiniens, dont 43 enfants, ont été tués pendant les manifestations de la Grande Marche du Retour depuis leur lancement 53 semaines plus tôt.

Le décès le plus récent est celui de Faris Abu Harjas, 26 ans, qui est mort mardi de ses blessures après avoir reçu une balle dans le ventre au cours des manifestations de la semaine précédente.

« Tués dans des affrontements »

Cette semaine en Cisjordanie, deux Palestiniens ont payé de leur vie le coût du maintien du régime colonial de peuplement par Israël qui, cette année à ce jour, a coûté la vie à près de 40 Palestiniens sur ce territoire et dans la Bande de Gaza.

Muhammad Ali Dar Adwan, 23 ans, a été abattu et tué par des soldats qui avaient fait une descente mardi en début de journée dans le camp de réfugiés de Qalandiya. Les médias israéliens ont déclaré qu’Adwan avait été « tué dans des affrontements » ; la famille de cet homme a dit qu’il avait été abattu à bout portant alors qu’il « pénétrait dans un véhicule près de chez lui », comme rapporté par Ma’an News Agency.

Le lendemain, Muhammad Abd al-Fattah, 23 ans, a été abattu et tué par un colon israélien au checkpoint de Huwwara près de la ville de Naplouse dans le nord de la Cisjordanie.

Yehoshua Sherman, colon israélien, a dit qu’Abd al-Fattah tenait un couteau et a essayé d’ouvrir la porte de sa voiture et d’attaquer sa fille adolescente.

« Je suis sorti et, avec l’aide d’un conducteur qui était derrière moi, nous avons neutralisé le terroriste et, Dieu merci, nous n’avons pas été blessés », a dit Sherman aux médias israéliens.

Dans un endroit où les exécutions de rue sont devenues une banalité, il n’y aura pas d’enquête sur Sherman et aucune autorité nationale ne cherchera à savoir si Abd al-Fattah représentait une menace vitale imminente qui pourrait justifier l’utilisation d’une force létale contre lui.

Par contre, le ministère de la Défense d’Israël a autorisé la construction d’une nouvelle route pour les colons de cette zone, qui permettra aux Israéliens de contourner les villages palestiniens. Un autre Palestinien a été tué par un automobiliste israélien qui passait en 2017 par le village de Huwwara.

Israël prétend construire ces routes pour raisons de sécurité, mais celles-ci font partie intégrante de son infrastructure coloniale en Cisjordanie et sont construites en violation du droit international qui interdit à une puissance occupante de transférer sa population civile dans le territoire qu’elle occupe.

L’association de défense des droits de l’Homme B’Tselem a déclaré que ce système israélien de routes séparées en Cisjordanie « comporte des similitudes frappantes avec le régime raciste d’apartheid qui existait en Afrique du Sud jusqu’en 1994 ».

Les hôpitaux de Gaza « au bord de l’effondrement »

La mort par tir direct n’est pas le seul moyen utilisé cette semaine par l’occupation israélienne pour priver les Palestiniens de leur droit à la vie.

Mardi, l’association Médecins pour les Droits de l’Homme-Israël a déclaré qu’un tout petit enfant de Gaza est mort la nuit dernière après qu’Israël ait refusé un permis de circuler à sa mère, ce qui l’a empêchée de l’emmener à Jérusalem Est pour le faire soigner.

Les Palestiniens de Gaza qui nécessitent un traitement en Cisjordanie ou en Israël voient leurs cas portés devant l’Autorité Palestinienne basée en Cisjordanie, qui paie pour le traitement, puis devant Israël qui prend la décision finale sur l’autorisation pour l’individu de voyager ou non.

Les patients qui nécessitent des procédures multiples et un suivi des soins subissent de façon répétitive des retards administratifs et parfois même, interrogatoires et arrestation.

Le système de santé déjà surchargé de Gaza a été conduit « au bord de l’effondrement » à cause du nombre atterrant de blessés au cours des manifestations de la Grande Marche du Retour, a récemment déclaré l’UNRWA, agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens.

La pénurie chronique d’électricité à Gaza, qui est sous blocus israélien renforcé par terre, par mer et par air depuis 12 ans, l’a presque conduite à la fermeture complète de ses hôpitaux.

La plupart des 11.000 employés du système de santé qui travaillent dans les services gouvernementaux du territoire n’ont pas reçu de paiement régulier depuis juillet 2014 et reçoivent moins de la moitié de leur salaire tous les 40 ou 50 jours, selon l’Organisation Mondiale de la Santé.

L’Autorité Palestinienne en Cisjordanie, qui a du mal à se remettre de la crise financière causée par la retenue par Israël de 138 millions de dollars de recettes fiscales, a récemment annoncé qu’elle n’adresserait plus les patients de Gaza dans les hôpitaux israéliens, les orientant à la place vers les hôpitaux de Cisjordanie et des autres pays arabes.

Un porte parole du ministère de la Santé de l’AP a dit à Al Mezan, association des droits de l’Homme de Gaza, que ce changement était fait pour trancher dans les coûts exagérés des soins de santé.

Al Mezan a bien accueilli l’effort pour nationaliser les soins de santé, mais a mis en garde sur les risques que cette mesure affecte la santé des patients, particulièrement ceux qui nécessitent des soins de survie.

« Cette inquiétude est mise en évidence par l’état du secteur de santé appauvri de Gaza, qui se caractérise par un manque d’équipement médical, de médicaments et de fournitures médicales, et un manque de personnel suffisamment formé, le tout résultant en longues listes d’attente et une incapacité à fournir les soins », a déclaré l’association.

« Les droits des patients aux soins de santé, à leur intégrité physique et à la vie sont souverains et doivent être à l’abri de toute querelle politique. Ces droits devraient être une priorité de l’agenda national », a ajouté Al Mezan.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada

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