L’héritage du premier réfractaire israélien

Alasdair Soussi – 4 septembre 2019

Joseph Abileah (avec la permission d’Adi Abileah)

Joseph Abileah est considéré comme la première personne en Israël à avoir été en procès pour refuser de faire l’armée.

Présent dans un tribunal de Haïfa quelques mois après la création de l’État d’Israël en 1948, le violoniste a clairement établi qu’il ne jouerait aucun rôle dans la guerre que menait alors Israël contre ses voisins. Il considérait les Arabes comme ses frères et non ses ennemis.

À l’audition de son cas, Abileah né en Autriche, ne s’est pas excusé pour sa position qui incluait son objection à l’établissement d’un État expressément juif.

Même avant la création d’Israël, il avait refusé de rejoindre la Haganah – la principale milice sioniste en Palestine.

Abileah échappa à une peine de prison mais les juges ne réussirent pas à le persuader de jouer un rôle hors des lignes de combat, ce que, selon les mots de feu Anthony Bing, auteur de Israeli Pacifist: The Life of Joseph Abileah, (Un pacifiste israélien : vie de Joseph Abileah), « il comparait à un voleur qui guettait la police tandis qu’un autre voleur commettait le vol ».

« Je suis très honorée d’être une descendante de la famille Abileah – et j’ai été particulièrement inspirée par ce qu’a fait Joseph et par son courage » a dit sa petite nièce, Rae Abileah, une militante de Jewish Voices for Peace qui vit dans le Colorado. Rae est plus connue pour avoir troublé un discours de Benjamin Netanyahou, le premier ministre israélien, devant le Congrès des États Unis en 2011.

Un monde alternatif

Joseph Abileah a inspiré d’autres personnes qui ont refusé de servir dans l’armée israélienne. Contrairement à lui, nombre de réfractaires ont été emprisonnés.

Maya Wind est de ceux-là. Elle a refusé de servir dans l’armée en 2008 et a passé du temps en détention militaire et en prison avant d’être libérée.

Elle a été élevée à Jérusalem et s’est politisée dans le contexte de la deuxième intifada. Vers la fin du collège, elle a commencé à manifester contre des pratiques telles que la démolition de maisons palestiniennes par Israël.

« J’ai commencé à découvrir cet monde alternatif auquel je n’avais pas été exposée dans la société dominante israélienne » dit Wind.

Elle a grandi dans ce qu’elle a décrit comme « un foyer sioniste », où il était attendu qu’elle fasse le service militaire, qui est obligatoire pour la plupart des hommes et femmes juif.ve.s israélien.ne.s.

Avant de s’investir dans la cause pro-palestinienne, elle avait affirmé que l’armée israélienne était une « force défensive » qui « préservait notre sécurité », dit-elle.

Évidemment, comme le refus de faire l’armée n’apparaît pas de façon majeure « dans le narratif de l’État », elle passa l’essentiel de ses années d’école sans même savoir que l’acte de refus existait, dit-elle. C’est seulement lorsqu’elle a étudié ces questions plus en profondeur qu’elle a connu l’exemple de Joseph Abileah.

« Abileah a eu le courage de prendre position à une époque où l’État prenait seulement forme et créait un fort consensus – et rompre avec ça, si tôt, était admirable » dit Wind.

« Je vous vois »

Sahar Vardi aussi a refusé de faire le service militaire en 2008, à l’âge de 18 ans.

Vardi, qui a fait de la prison pour ses actes, a développé l’idée que la plupart des Israéliens justifient l’agression inflexible contre les Palestiniens sur la base que « il n’y a pas le choix ».

« Aussi, dans ce contexte, nous sommes en quelque sorte en mode survie » dit Vardi, qui travaille pour le American Friends Service Committee (Comité de service des Amis Américains). « Et c’est la justification de la droite et de la gauche [politiques] ».

Le fils de Joseph Abileah, Adi, dit que son père était « d’une certaine façon accepté pour ses idées parmi ses amis proches, mais pas autant par d’autres ».

L’acte de refuser de servir dans l’armée israélienne aide à prendre conscience de l’oppression qu’elle exerce sur les Palestiniens.

Maya Bernad-Figenbaum, âgée de 19 ans, a récemment refusé de faire le service militaire. Sa décision a été entraînée par des discussions qu’elle a eues avec des Palestiniens.

« Je m’identifie totalement à l’injustice qu’ils subissent » a-t-elle déclaré sur la chaîne israélienne TV Sociale. « C’est ma façon de leur dire : je vous vois. Je comprends votre souffrance et je ne la négligerai pas ».

Rae Abileah, la petite nièce de Joseph, a déclaré que « les réfractaires israéliens d’aujourd’hui » n’innovent pas mais reprennent un héritage ».

« Il y a toujours eu une résistance juive à l’idéologie sioniste et à la répression coloniale » dit-elle. « Nous n’avons pas à accepter ces choses. Nous pouvons dire non. Plus nous connaissons de gens qui refusent le statu quo, plus nous avons de courage ».

Alasdair Soussi est un journaliste free lance de Glasgow, en Écosse, qui a travaillé en Afrique, en Europe et au Moyen Orient.

Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine
Source : The Electronic Intifada

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