Le consul général d’Inde aux Etats Unis appelle à un « modèle israélien » au Cachemire

L’Equipe du MEE, 25 novembre 2019

Un responsable indien dit dans un meeting à New York : ‘C’est arrivé au Moyen Orient. Si le peuple israélien peut le faire, nous le pouvons aussi.’

Au cours d’un événement privé samedi à New York city, Sandeep Chakravorty, consul général d‘Inde dans cette ville, a dit aux Indiens du Cachemire et aux nationaux de l’Inde que l’Inde construira des colonies sur le modèle israélien pour le retour au Cachemire de la population hindoue.

Parlant aux Hindous du Cachemire, connus sous le nom de Pandits, et aux nationaux indiens dans cette réunion organisée pour discuter du prochain projet du réalisateur indien Vivek Agnihorti sur le déplacement forcé des Hindous du Cachemire au début des années 1990, Chakravorty a demandé aux personnes présentes de donner un peu de temps au gouvernement pour réaliser ses projets dans la vallée.

https://www.facebook.com/vivekagnihotri/videos/10157701546301753/

« Je crois que la situation sécuritaire va s’améliorer et qu’elle permettra aux réfugiés de revenir et que, durant votre vie, vous pourrez revenir… et que vous pourrez vivre en sécurité parce que nous en avons déjà un modèle dans le monde. »

« Je ne sais pas pourquoi nous ne le suivons pas. C’est arrivé au Moyen Orient. Si le peuple israélien peut le faire, nous le pouvons aussi », a dit Chakravorty.

L’événement organisé à New York est l’un des nombreux événements tenus sur ordre du gouvernement de droite indien qui essaie de reconquérir le contrôle du récit face à l’immense mobilisation populaire contre ses actions au Cachemire.

C’est aussi la dernière incarnation des projets du gouvernement indien en vue d’une politique coloniale de peuplement dans cette vallée, dont les universitaires et érudits Kashmiris ont depuis longtemps averti qu’elle était l’ambition finale de l’État indien.

« Je pense que le retour des Pandits kashmiris est instrumentalisé pour justifier un projet colonial de peuplement au Cachemire », a dit Mona Bhan, professeure associée d’Etudes sur l’Asie Méridionale à l’université de Syracuse de New York.

Bhan a dit au Middle East Eye que les Pandits Kashmiris craignent profondément que leur souffrance soit utilisée comme une arme pour servir les projets du gouvernement dirigé par le BJP. Elle dit que l’événement de samedi ressemblait à une tentative pour apaiser ces peurs.

Mais l’amalgame des Pandits Kashmiris avec les Hindous indiens et l’évocation d’un modèle israélien signifie que vous préparez le retour des Pandits Kashmiris en colons », a dit Bhan à MEE.

Le 5 août, le gouvernement indien a mis plus de sept millions de personnes sous un blackout de communication, dans l’intention d’abroger illégalement l’article 370 mettant en réalité fin au statut semi-autonome du Cachemire.

Les actions de l’Inde ont entraîné leur condamnation par les législateurs américains et les associations de droits de l’Homme, et ont par ailleurs provoqué deux audiences du Congrès américain dans lesquelles il a été demandé que des délégations étrangères et des journalistes étrangers soient autorisés à entrer dans la vallée. Jusqu’ici, seule un délégation européenne d’extrême droite y a été acceptée tandis que les journalistes étrangers n’ont pas été autorisés à entrer dans la vallée depuis le 5 août.

Chakravorty, le consul général indien, a brutalement fermé la porte à l’intérêt et à l’intervention de l’international dans cette affaire.

(La question) va être transmise au Conseil au Droits de l’Homme [de l’ONU]. Elle va l’être au Congrès américain.

« Une délégation veut y aller. Mais elle va ailleurs. Elle va en Syrie, en Irak, en Afghanistan. Personne ne parle de prendre des photos là-bas. Alors, pourquoi veulent-ils venir chez nous ? Ils n’aiment pas le fait que nous soyons maintenant en train de nous affirmer », a dit Chakravorty.

Pour aider à justifier l’annulation des articles 370 et 35A, qui assuraient que ceux qui n’étaient pas du Cachemire ne pouvaient pas acheter de terre dans cet Etat, le gouvernement dirigé par le BJP a sans cesse promis le retour de la minorité Hindoue qui a quitté le Cachemire au plus fort de l’insurrection contre l’autorité indienne au début des années 1990.

Les estimations varient, mais plus de 100.000 Hindous Kashmiris sont partis au cours du soulèvement. Les chiffres du gouvernement parlent de 219 Pandits Kashmiris tués entre 1989 et 2004.

Les dirigeants Pro-Liberté n’ont cessé d’appeler au retour des Pandits Kashmiris, mais les ont exhortés à revenir en voisins et non en colons.

Depuis le début de l’insurrection à la fin des années 1980, plus de 70.000 musulmans kashmiris sont morts, tandis qu’un nombre estimé à 7.000 autres ont « disparu ».

Lors de l’événement de samedi, dont certaines parties ont été publiées en direct sur Facebook, l’acteur de Bollywood Anupam Kher et le réalisateur en visite Agnihorti ont félicité le gouvernement indien pour avoir engagé cette démarche hardie afin de changer le statut du Cachemire.

Kher, connu pour être un ardent défenseur de Modi qui avait décrit les actions de l’Inde au mois d’août comme une « solution finale », a dit qu’il « a fallu 70 ans pour abroger l’article 370 ; Fêtons cela. »

Agnihorti, actuellement en tournée de promotion de son film sur l’expérience des Pandits Kashmiris qu’il décrit comme « l’holocauste indien », a subi un barrage de critiques et de condamnations de la part des militants et des associations étudiantes kashmiris qui l‘accusent de répandre une propagande droitière et pour harcèlement sexuel en Inde.

La semaine dernière, un événement prévu à la Rutgers University a dû déménager dans un temple à Edison à la suite de réclamations indignées de la part d’étudiants et d’universitaires.

Les organisateurs de l’événement nient que ces réclamations aient précipité l’annulation à Rutgers.

Samedi, Kher a balayé la critique en disant que les gens avaient « très peur » du film d’Agnihorti.

Les relations entre Israël et l’Inde se sont intensifiées depuis l’élection de Narendra Modi en 2014. L’Inde est le plus gros client pour les armes israéliennes, jusqu’à un milliard de dollars par an.

Et l’Inde et Israël ont utilisé le spectre du terrorisme islamique pour justifier leur politique sécuritaire et leur besoin de partenariat.

Lundi, Agnihorti a donné une conférence dans un événement organisé conjointement par le Conseil Juif Américain et le Conseil Juif Hindou.

Invoquer l’expérience juive

Samedi, le consul général a également dit que, si les Pandits Kashmiris avaient peur de perdre leur culture, ils n’avaient pas besoin de chercher plus loin que l’expérience du peuple juif qui, a-t-il dit, « a conservé sa culture pendant 2.000 ans hors de sa terre, et puis y est revenu. »

« Nous avons tous gardé en vie la culture Kashmirie. La culture Kashmiri est la culture indienne, elle est la culture hindoue. Je me sens tout autant Kashmiri que n’importe qui d’autre », a-t-il dit très applaudi.

« Les régimes arabes sont totalement en accord avec le projet colonial de peuplement de l’Inde au Cachemire » Azad Essa

Theresa Matthew, militante de l’Initiative de Solidarité avec l’Asie Méridionale (SASI) basée à New York, a dit à MEE que, bien qu’elle n’ait pas été surprise par la vidéo, il était cependant « toujours époustouflant de constater l’évident colportage de mensonges par les plus haut responsables du gouvernement ».

« La violente ré-écriture de l’histoire du sous-continent est révoltante, stupéfiante, mais aussi fatigante. C’est une tactique familière qui repose sur le nationalisme, le Brahmanisme et l’Islamophobie. Elle a peu à voir avec les Pandits Kashmiris déplacés », a dit Matthews à MEE.

Début août, l’Inde a envoyé des dizaines de milliers de troupes supplémentaires au Cachemire. 

Bien que les téléphones fixes et mobiles aient été reconnectés au Cachemire depuis l’annonce du blocus sur les communications, les téléphones pré-payés, les messageries et les services internet sont toujours bloqués au Cachemire.

Il y a plus de 700.000 soldats indiens au Cachemire, dans ce que l’on décrit comme la région la plus militarisée au monde. Depuis 1947, le Cachemire est divisé entre l’Inde et le Pakistan, avec une petite portion détenue par la Chine.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Middle East Eye

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