Un militant israélien persécuté par un groupe d’extrême droite, gardé depuis un mois en détention

Par Oren Ziv – +972 – 4 février 2020

Israël garde en détention Jonathan Pollak depuis début janvier, après une plainte portée contre lui par un groupe d’extrême droite parce qu’il avait manifesté en Cisjordanie.

Le militant de gauche israélien, Jonathan Pollak, est conduit à une audience au tribunal de police de Jérusalem, le 30 janvier 2020. (Oren Ziv)

Le militant israélien de gauche, Jonathan Pollak, restera en détention tant que dureront ses audiences dans le cadre d’une poursuite judiciaire privée, engagée contre lui par l’organisation d’extrême droite Ad Kan. Le jugement qui a ordonné le maintien de Pollak en détention a été rendu, la semaine dernière, par le tribunal de police de Jérusalem. Pollak a été arrêté le 6 janvier pour avoir refusé de comparaître devant le tribunal après le dépôt de la plainte par Ad Kan, et il a depuis refusé de verser une caution ou de s’engager à comparaître aux audiences à venir.

La poursuite privée du genre de celle déposée par Ad Kan est une procédure rare par laquelle un citoyen, à titre individuel, dépose une plainte pénale via l’État. Pollak est l’un des trois Israéliens qui sont poursuivis par Ad Kan pour, prétend l’organisation, « avoir agressé des soldats des FDI et des agents de la police des frontières ». L’organisation, par le passé, a secrètement infiltré et mis sur écoute des organisations israéliennes de défense des droits de l’homme.

Les avocates de Pollak, Reham Nasra et Gabi Lasky, ont exigé jeudi dernier que le tribunal le libère sans condition. « Pollak est détenu depuis près d’un mois dans le cadre d’une procédure de poursuite privée, et nous affirmons, en premier lieu, que les plaignants n’ont pas le pouvoir d’engager une telle procédure », a déclaré Nasra au tribunal. « Parce que la procédure est elle-même illégale, le mandat d’arrêt l’est aussi ».

Le juge Elazar Benjamin a rejeté les arguments de la défense, disant qu’il n’avait pas autorité pour reconsidérer la décision du précédent juge qui a délivré un mandat d’arrêt contre Pollak. En outre, Benjamin a affirmé lors de l’audience que Pollak « refuse d’être libéré ». Pollak a déclaré au tribunal : « Mon problème n’est pas un problème financier, mais de principe, donc ces audiences sont inutiles ».

Si la plainte déposée par Ad Kan contre Pollak et ses co-prévenus affirme qu’ils ont agressé les forces de sécurité israéliennes, elle n’apporte aucune preuve montrant qu’ils ont été personnellement impliqués dans une telle agression. Elle indique seulement qu’ils étaient présents lors d’une manifestation au cours de laquelle d’autres – des jeunes Palestiniens indique-t-elle – avaient lancé des pierres sur les soldats.

En juillet de l’an dernier, Pollak a été agressé physiquement par deux assaillants alors qu’il quittait son travail. Ses agresseurs auraient crié « connard de gauche » en le frappant, avant qu’ l’un d’eux ne sorte un couteau et lui inflige des blessures légères au visage et aux bras. Aucun de ces agresseurs n’a été attrapé.

Pollak après avoir été agressé dans le sud de Tel Aviv. (Heidi Motola/Activestills.org)

Pollak, qui avait été amené à l’audience à Jérusalem depuis un centre de détention de Tel Aviv, a déclaré au tribunal : « L’État d’Israël gouverne à travers un double régime de répression, un régime de discrimination raciale contre ses citoyens non-juifs, qui garantit des privilèges aux juifs, et un régime de dictature militaire sur les territoires occupés. Certains à gauche se plaignent que le tribunal blanchit l’occupation. C’est une erreur. Le tribunal n’est pas un outil externe, c’est une partie essentielle du régime ».  

Pour Pollak, la décision d’être maintenu en détention est une décision positive. Il a demandé à ne pas être amené, chaque semaine, depuis Tel Aviv jusqu’à Jérusalem pour les audiences, déclarant qu’une telle décision lui épargnerait de longs trajets dans des conditions difficiles dans un véhicule de l’administration pénitentiaire israélienne ainsi que les séjours dans un établissement de la prison Ayalon où il est transféré avant chaque audience. Pollak devrait rester en détention jusqu’à la prochaine audience, prévue pour le 17 avril.

A la suite de son arrestation, et peut-être à cause des projecteurs qui se sont braqués sur la participation d’Israéliens aux manifestations en Cisjordanie, le ministre de la Défense, Naftali Bennet, a publié une déclaration le mois dernier informant qu’il allait demander à l’armée de publier des injonctions administratives à l’encontre de 30 militants de gauche israéliens afin de les empêcher de pénétrer en Cisjordanie. De telles ordonnances n’ont encore jamais été publiées.

Deux jours après l’annonce de Bennett du 20 janvier, Pollak a été conduit du centre de détention d’Abu Kabir à Tel Aviv jusqu’à un poste de police dans la colonie d’Ariel, en Cisjordanie, pour y être interrogé suite à une nouvelle plainte d’Ad Kan. Cette deuxième plainte se concentre sur les manifestations auxquelles Pollak a participé dans le village palestinien de Kufr Qaddum, sur une période de deux ans. Alors même qu’il est déjà en détention, une ordonnance de restriction a alors été rendue contre Pollak, qui lui interdit de quitter la Cisjordanie pendant 15 jours.

Des Palestiniens de Bil’in, aux côtés de militants israéliens, brandissent des portraits de Jonathan Pollak lors de leur manifestation hebdomadaire contre le mur de séparation et l’occupation du village, le 31 janvier 2020. (Oren Ziv)

Vendredi dernier, les Palestiniens du village cisjordanien de Bil’in, ont organisé une manifestation contre le plan de paix du Président Trump, ainsi que pour soutenir Pollak qui, pendant des années, a participé à leurs manifestations contre le mur de séparation qui coupe les villageois de leurs terres.

« Nous sommes ici pour vous dire, Jonathan Pollak, que, tout comme vous vous êtes tenu à nos côtés, nous nous tiendrons aux vôtres pour que cesse l’occupation, et pour que nous puissions vivre ensemble dans la paix et dans la justice », a déclaré Muhammad Khatib, un militant et habitant de Bil’in. « Vous faites partie de nous, nous nous souvenons que vous êtes l’un des militants qui se sont tenus à nos côtés à Bil’in dans le passé, et aujourd’hui, nous nous tenons aux vôtres. » 

« Nous soutenons votre décision de résister et de ne pas reconnaître le système d’apartheid » poursuit Khatib. « Nous ne reconnaîtrons pas les groupes de droite qui utilisent l’État et ce système pour nous humilier ou faire pression sur vous et les autres militants contre l’occupation ».

Oren Ziv est photojournaliste, membre fondateur du collectif Photos d’Activestills, et rédacteur au Local Call. Depuis 2003, il développe une série de questions sociales et politiques en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, en mettant l’accent sur les communautés de militants et leurs luttes. Ses reportages se concentrent sur les manifestations populaires contre le mur et les colonies de peuplement, en faveur de logements à la portée de tous et sur d’autres questions socio-économiques, sur les luttes contre le racisme et la discrimination, et la lutte pour la libération des animaux.

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

Source: +972

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