Les Nations Unies publient la liste des compagnies profitant des crimes de guerre israéliens

Par Ali Abunimah, 12 février 2020 


Une excavatrice fabriquée par JCB est utilisée par les autorités israéliennes d’occupation pour détruire une maison palestinienne, dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, en 2011. La compagnie britannique figure dans la base de données des Nations Unies, publiée le 12 février, des compagnies qui travaillent dans les colonies israéliennes. Mahfouz Abu Turk APA images

Mercredi, les Nations Unies ont finalement publié leur base de données des compagnies impliquées dans les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est et les Hauteurs du Golan en Syrie.

La publication de la base de données arrive après des années de délais inexpliqués, qui ont poussé les organisations de défense des droits humains à exprimer l’inquiétude que les Nations Unies succombent à la pression politique pour supprimer l’information.

Les colonies d’Israël en territoire occupé sont illégales selon le droit international et leur construction est un crime de guerre qui fait l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale.

Le rapport publié par le bureau du Haut-Commissaire pour les droits de l’homme des Nations Unies liste 112 compagnies impliquées dans certaines activités dans les colonies, comme la fourniture d’équipements et de matériaux pour la construction ou la démolition de maisons, la surveillance et la sécurité, le transport et la maintenance, la pollution et la décharge de déchets, et l’utilisation de ressources naturelles telles que l’eau et la terre. 

Le Comité national de Boycott, désinvestissement et sanctions, groupe de pilotage pour la campagne palestinienne BDS, a salué la publication de la base de données qui a eu lieu « malgré l’intimidation du président Donald Trump et du gouvernement d’extrême-droite d’Israël ». 

Il a ajouté que « ces compagnies doivent rendre des comptes, y compris par des boycotts stratégiques et des campagnes de désinvestissements ». 

Israël a réagi avec colère à la publication de la liste.

Gilad Erdan, le ministre des affaires stratégiques du pays, a affirmé qu’elle « prouve une fois de plus l’antisémitisme permanent et la haine d’Israël de la part des Nations Unies ». 

Incapable de défendre ses violations du droit international, Israël diffame maintenant régulièrement comme antisémites même les plus modérées de ses critiques.

Des enseignes bien connues 

La base de données inclut des compagnies israéliennes et des enseignes internationales bien connues comme les compagnies de voyage Airbnb, Booking.com et TripAdvisor, le fabriquant d’équipement de construction JCB, la société immobilière Re/Max, le fabriquant de trains Alstom, le géant américain de l’alimentaire General Mills et la compagnie d’électronique Motorola.

General Mills possède des dizaines de marques familières dans les supermarchés dont Häagen-Dazs, Yoplait et Cheerios.

Sur la liste figure aussi Mayer’s Cars and Trucks, agent israélien du fabriquant d’équipement basé en Suède Volvo. Mais Volvo lui-même n’est pas sur la liste.

Volvo fournit des équipements pour détruire des propriétés palestiniennes, des camions pour transporter des déchets dans des décharges illégales et des bus blindés pour les colonies.

Un absent notable de la liste est Caterpillar, longtemps la cible des militants pour sa vente d’équipements de construction utilisés par Israël afin de bâtir des colonies et de détruire des maisons palestiniennes. 

Son agent israélien, Israel Tractors and Equipment, n’apparaît non plus sur la liste, malgré le rôle documenté de Caterpillar dans l’expansion coloniale et la fourniture de l’armée israélienne en bulldozers qui sont utilisés comme armes.

Le Comité national BDS a pointé d’autres omissions majeures : G4S, les compagnies Hewlett-Packard, Hyundai Heavy Industries, HeidelbergCement, Cemex et le fabriquant d’armes israélien Elbit Systems.

Les compagnies israéliennes qui sont sur la liste des Nations Unies incluent des banques importantes qui financent le vol de la terre palestinienne, et la compagnie nationale d’eau en Israël, Mekorot, qui pille l’eau palestinienne.

La chaîne de supermarchés israélienne Shufersal, qui possède des magasins et des chaînes de distribution dans les colonies, est aussi sur la liste.

C’est remarquable car que plusieurs ambassades de l’Union européenne ont organisé des promotions conjointes des produits de leurs pays avec cette compagnie, bien que Shufersal soit un profiteur colonial. L’Union européenne affirme s’opposer aux colonies israéliennes. 

Pression israélienne

La base des Nations Unies devait originellement être publiée il y a trois ans. 

Israël et les Etats-Unis ont été déterminés à stopper sa publication, craignant qu’elle puisse fournir un stimulant majeur aux efforts pour faire rendre des comptes à Israël et pour forcer les compagnies à arrêter d’aider Israël dans ses violations des droits palestiniens. 

Israël prévoyait de « faire tout son possible pour s’assurer que cette liste ne voit pas le jour », a dit en 2017 Danny Danon, l’ambassadeur du pays auprès des Nations Unies.

La base de données n’est clairement pas complète et elle est seulement limitée aux entreprises impliquées dans des activités spécifiées dans le mandat du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Comme ses auteurs le reconnaissent, la « base de données ne couvre pas toute l’activité commerciale liée aux colonies et ne s’étend pas à l’activité commerciale plus large dans les territoires palestiniens occupés qui peut soulever des inquiétudes pour les droits humains ». 

Un exemple du type d’activités qui n’est pas couvert par la base de données est l’investissement dans des entreprises impliquées dans des crimes israéliens.

L’assureur basé en France Axa, par exemple, est sous pression des militants pour désinvestir des fabriquants d’armes israéliens et des banques qui financent les colonies. Axa n’est pas inclus dans la base de données des Nations Unies. 

Cependant, les militants voient la publication de la base de données comme une première étape importante et un outil pour pousser à la reddition de comptes.

Human Rights Watch, une des organisations qui avait critiqué les Nations Unies parce qu’elles avaient retardé la publication à de multiples reprises, a salué la publication de la base de données.

« La publication longtemps attendue de la base de données des Nations Unies sur le commerce colonial devrait être un avertissement pour toutes les compagnies : faire des affaires avec des colonies illégales, c’est aider à commettre des crimes de guerre », a déclaré Bruno Stagno, le directeur exécutif adjoint pour la défense des droits du groupe.

« La base de données marque un progrès décisif dans l’effort mondial pour s’assurer que les entreprises mettent fin à toute complicité avec les violations des droits et respectent le droit international. »

Il est prévu que les Nations Unies mettent la liste à jour annuellement.

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books. Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse. Les opinions exprimées sont les siennes seules.

Trad. CG. pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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