Un choix à faire par les consommateurs après l’établissement de la base de données de l’ONU : Soutenir des crimes de guerre ou obliger les entreprises à rendre des comptes

Par Jonathan Ofir, le 13 février 2020

Hier, le Bureau du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme (OHCHR) de l’ONU a émis une liste de 112 entreprises – 94 israéliennes et 18 internationales – qui ont des liens avec les colonies illégales dans le Territoire Palestinien Occupé. Cette liste est une base de données qui sera régulièrement mise à jour.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a surmultiplié la Hasbara [propagande], en tweetant :

Quiconque nous boycotte sera boycotté. Le Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU est un organisme partial qui n’a aucune influence. Ce n’est pas pour rien que j’ai déjà ordonné de rompre les liens avec lui.

Ce n’est pas non plus pour rien que l’administration américaine a fait cette démarche de concert avec nous. Ces dernières années, nous avons facilité des lois dans la plupart des Etats américains, qui déterminent quelles actions fortes il faut engager contre quiconque essaie de boycotter Israël.

Et encore :

Par conséquent, cet organisme n’a aucune importance. Au lieu d’être une organisation qui s’occupe des droits de l’Homme, il essaie seulement de discréditer Israël. Nous réprouvons fermement cette démarche indigne.

On pourrait se demander pourquoi la publication d’une telle liste ne pousse pas à de la fanfaronnade plutôt qu’à une condamnation, si Israël croit que ces colonies sont légales (et ne peut attendre de les annexer dans le contexte du ‘deal du siècle’ de Trump) ?

En effet, le Conseil de Yesha, principal organisme qui représente les colons juifs, a protesté que les entreprises « travaillaient à renforcer l’économie dans cette zone et contribuaient davantage à la paix que l’ONU ne l’a fait pendant toutes ses années de fonctionnement » (hélas, ils ont aussi versé dans l’accusation habituelle ‘d’antisémitisme’, disant que la liste avait « des caractéristiques clairement antisémites »).

En réalité, la Haut Commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme, Michelle Bachelet, n’a pas laissé beaucoup de latitude dans sa déclaration jointe, disant qu’elle est « consciente que cette question a été, et sera toujours, extrêmement controversée ». Par ailleurs, le UNHCR a déclaré que « le rapport dit clairement que la référence aux entités commerciales n’est pas, et n’a pas la prétention d’être, un processus judiciaire ou quasi-judiciaire », ainsi que « alors que les colonies en tant que telles sont considérées comme illégales selon le droit international, ce rapport ne fournit pas de caractérisation juridique des activités en question, ou de l’implication des entreprises ».

Mais ces qualifications prudentes ne font que souligner la force potentielle de cette liste. L’UNHCR n’a pas à prononcer des condamnations, il n’a même pas à dire un mot sur ce que ces sociétés doivent faire, ni même déclarer explicitement qu’elles sont impliquées dans une entreprise criminelle. Les gens ordinaires peuvent facilement faire le calcul : Le fait que Bachelet mentionne que les colonies sont « illégales selon le droit international » l’exprime très bien.

Il existe un énorme ensemble du droit international que condamne la totalité de l’entreprise coloniale israélienne, dont Jérusalem Est, en tant que violation flagrante du droit international, selon la résolution 2334 de 2016 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce sont des crimes de guerre. En réalité, le fait que Bachelet qualifie la question de « controversée » est une interprétation plutôt apologétique. Le droit est clair et seul Israël l’a défié dans ses propres lois, là où les Etats Unis sous Trump en sont venus à violer de façon flagrante le droit international en soutenant les crimes israéliens. Il ne faudrait pas considérer comme « contestable », que les criminels violent le droit – leur violation ne rend pas la loi « contestable ».

Ainsi, tandis que Bachelet est plus que prudente et presque apologétique, la liste parle d’elle-même. Elle se fonde sur la Quatrième Convention de Genève de 1949, et la liste dit : voilà ceux qui défient le droit.

Contre cela, la Hasbara israélienne doit faire valoir ses arguments. Et les expressions que nous avons vues ne font que confirmer que ceux qui pratiquent la Hasbara sont désespérés et sentent que c’est une cause perdue.

Comme Netanyahou lui-même le fait remarquer, Israël a travaillé dur à l’international pour promouvoir une législation qui cible ceux qui boycottent Israël. La logique de « quiconque boycotte Israël sera boycotté » en est l’essence. Le public américain n’est pas arrivé jusqu’ici à contrer substantiellement cette violation évidente du Premier Amendement et en réalité, à peine plus de la moitié des Etats américains ont voté une législation anti-boycott aussi contraire à la législation. A part les Etats Unis, la France est un pays européen en tête dans la criminalisation du boycott, sous le prétexte qu’il serait ‘antisémite’.

Mais la logique qui consiste à encourager la criminalité, à encourager les crimes de guerre, ne devrait comporter aucune ambiguïté. Ne pas s’y engager relève du simple bon sens. Les sociétés qui sont sur la liste, telle Airbnb, ont soit gommé l’émotionnel et fait des déclarations contradictoires sur la question « complexe et émotionnel », soit choisi de se taire, comme Booking.com. Cependant, des organisations de défense des droits de l’homme telles que Human Rights Watch et Amnesty International ont minutieusement examiné ces sociétés et révélé leurs liens avec l’entreprise coloniale israélienne. Le fait que ces sociétés n’aient pas encore coupé leurs liens et n’aient fait qu’essayer de contrôler les dommages laisse penser que le coût économique et de relation publique à l’international n’est pas assez élevé pour compenser le profit qu’ils tirent des crimes de guerre.

La liste de l’ONU représente un rehaussement de la visibilité et donc une augmentation de la pression sur ces sociétés pour qu’elles se retirent de ces aventures illégales.

La publication de la liste arrive par ailleurs à un moment désagréable pour Israël : Trump vient juste de publier son « plan » ostensiblement supposé conduire à « la paix et la prospérité » pour Israël et la Palestine, mais largement reconnu comme une consolidation des profits et des annexions coloniales israéliennes, ainsi que la consignation définitive des Palestiniens dans une série de Bantoustans. Ni la paix, ni la prospérité, simplement un avantage pour les maîtres coloniaux. Le ‘plan’ comporte un estampillage en bleu du contrôle d’Israël sur environ un tiers de la Cisjordanie, y compris la Vallée du Jourdain (son grenier), Jérusalem Est et les centaines de colonies illégales. La liste de l’ONU risque de mettre ce plan encore plus sous les projecteurs et risque de décrire les sociétés impliquées comme de rusées collaboratrices à la destruction de la Palestine et de la vie des Palestiniens – ce qu’elles sont.

Et donc maintenant, c’est la liste de l’ONU de ces sociétés contre la Hasbara israélienne – ce qui signifie littéralement « expliquer ». Maintenant, Israël peut « se justifier » en expliquant pourquoi le colonialisme est réellement au bénéfice des opprimés bien qu’on leur ait volé leurs droits fondamentaux, comme le fait Yesha. Cependant, les déclarations de Netanyahou montrent simplement à quel point il pense qu’est futile ce genre de fanfaronnade. Il recourt immédiatement à des menaces. La fanfaronnade concerne la façon dont il s’est arrangé pour amener les autres à l’aider à brutaliser. Et, bien sûr, l’arme ultime dans ce combat est toujours ‘l’antisémitisme’, ce bon vieux truc. Maintenant, le consommateur moyen est simplement face à un choix : Soutenir les crimes de guerre, succomber à la brutalité israélienne, ou être une personne de conscience qui sanctionne les entreprises pour leurs violations. A chacun de choisir. La liste de l’ONU contre la Hasbara.

H/t Dave Gaskell, Ayala Levinger

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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