Quand la justice est l’exception, la violence est la norme

Par Maureen Clare Murphy, 22 février 2020

Un enfant marche le long d’une peinture murale qui commémore Abdulrahman Abdullah, garçon de 13 ans tué par les forces israéliennes en janvier 2017 dans le camp de réfugiés d’Aïda près de la ville de Bethléem en Cisjordanie. (Ryan Rodrick Beiler / ActiveStills)

Un jeune Palestinien a été frappé au visage par une balle alors qu’il rentrait à pied de l’école la semaine dernière à Jérusalem Est occupée. Malik Issa, 9 ans, a alors perdu la vue d’un œil.

Deux policiers israéliens ont paraît-il été interrogés à propos la blessure subie par ce garçon.

Ce n’est pas la première fois qu’un jeune Palestinien souffre d’une blessure permanente des mains des forces d’occupation alors qu’il fait quelque chose d’aussi banal que de marcher pour rentrer chez lui après l’école. Ce genre de choses arrive tout le temps.

Brutalité routinière

Mahmoud Salah, 14 ans, a été atteint à la jambe par une balle tirée par des soldats alors qu’il courait après un ballon en mai dernier près du mur israélien militarisé dans la région de Bethléem en Cisjordanie. Résultat, une de ses jambes a été amputée.

Quelques mois plus tôt, un autre garçon du même âge que Mahmoud a été frappé par balles par un agent infiltré israélien alors qu’il faisait des courses à Jérusalem Est. Les médecins ont dû enlever la rate de Muhammad Qawasmeh, et il a également été blessé à l’estomac, au rein et au diaphragme.

L’association de défense des droits, Défense des Enfants International Palestine, a dit qu’ils avaient relevé 55 cas de soldats israéliens qui avaient blessé des enfants Palestiniens à balles réelles entre janvier et mai de l’année dernière.

Mais des armes supposément moins létales infligent elles aussi des blessures permanentes et fatales au corps des enfants palestiniens. Plus de 230 enfants ont été directement frappés par des cartouches de gaz lacrymogène tirées par les soldats israéliens pendant les manifestations de la Grande Marche du Retour durant la seule année 2018.

Des quatre Palestiniens qui ont été tués après avoir été frappés par des cartouches de gaz lacrymogène l’année dernière au cours des manifestations de Gaza, deux étaient des enfants.

Ces manifestations ont été temporairement suspendues, mais la violence d’Israël contre les enfants palestiniens continue.

Muhammad Shtaiwi, 14 ans, est sous assistance respiratoire et lutte pour survivre après avoir été frappé à la tête par une balle de métal enrobé de caoutchouc tirée par un soldat israélien au début de l’année dernière dans le village de Kafr Qaddum en Cisjordanie.

En aucune façon, Shtaiwi et ses amis ne représentaient la moindre menace pour les soldats en embuscade, selon le journaliste Gideon Levy, qui est allé voir l’endroit où ce garçon a été atteint.

L’armée israélienne n’a pas expliqué pourquoi elle avait tiré sur Muhammad.

Assiégés

A nouveau à Jérusalem, la police israélienne a tiré sur Malik Issa avec une balle à pointe en caoutchouc mousse – autre arme « moins létale » – alors que le garçon rentrait de l’école la semaine dernière dans le quartier d’Issawiyeh.

A Issawiyeh, les parents ont vécu pendant des mois dans la peur pour la sécurité de leurs enfants alors que la police avait soumis le quartier à des raids et du harcèlement constants.

« Les parents sont terrifiés à l’idée d’envoyer leurs enfants à l’école », a dit l’année dernière à The Electronic Intifada Muhammad Abu Hummus, chef de la communauté du quartier.

Il n’y avait « aucune justification quelle qu’elle soit » à cette répression à Issawiyeh, d’après un représentant d’Ir Amim, association non gouvernementale qui travaille pour l’équité à Jérusalem.

Il semble bien qu’il n’y ait aucune justification à un tir sur le visage d’un garçon qui rentre de l’école, de même qu’il n’y a aucune justification aux coups sur Amir Darwish, 9 ans, quand des officiers infiltrés israéliens l’ont arrêté en 2012 à Issawiyeh.

La vie n’a jamais été la même pour Amir, et il a subi d’autres arrestations et d’autres dommages, a dit sa mère l’année dernière à l’association israélienne de défense des droits B’Tselem.

« Amir est un exemple de la façon dont enfants et adolescents grandissent à Issawiyeh sans espoir ni avenir », a dit Jihad Darwish, la mère d’Amir. « Les autorités nous harcèlent constamment, punissant tous les résidents tous les jours. »

Les parents d’Amir ont refusé de porter plainte auprès de la police israélienne. Ils avaient porté plainte après la violente arrestation d’un autre de leurs fils et la plainte avait été mal gérée ; ils n’avaient donc « pas vu pourquoi déposer une autre plainte », comme le rapporte B’Tselem.

Mécanisme de blanchiment

L’inanité des démarches pour les victimes de violation de leurs droits est la façon dont on peut plus généralement qualifier les mécanismes des enquêtes internes d’Israël. B’Tselem décrit les enquêtes internes d’Israël comme un mécanisme de blanchiment qui protège les forces d’occupation de toute responsabilité.

Selon le quotidien de Tel Aviv Haaretz, des centaines de Palestiniens ont été blessés par des balles à pointe en caoutchouc mousse tirées ces dernières années par la police israélienne à Jérusalem Est. « Parmi eux, des dizaines ont perdu les yeux, tandis que d’autres ont perdu la vue à la suite de tirs par balles », a ajouté le journal.

Il est interdit aux policiers de viser le haut du corps ainsi que les enfants avec ces balles à embout spongieux. Pourtant, d’après Haaretz, malgré des centaines de blessures, « pas un seul policier n’a été accusé d’avoir illégalement tiré des balles à pointe en caoutchouc mousse ».

Les blessures qui transforment la vie et les traumatismes de l’occupation ont une réalité quotidienne pour les enfants palestiniens de Cisjordanie, dont Jérusalem Est, et de la Bande de Gaza.

La responsabilité pour la violation de leurs droits – ça c’est vraiment l’exception.

Maureen Clare Murphy est rédactrice adjointe à l’Electronic Intifada et vit à Chicago.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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