« Une brutalité sans précédent » : la famille d’un Palestinien mutilé par un bulldozer dénonce Israël

Une vidéo du corps profané de Mohammed al-Naem a horrifié ses proches et envoyé une onde de choc dans le monde entier.

Par Tarek Hajjaj – Khan Yunis, bande de Gaza assiégée, 24 février 2020

Um Hussein, la mère de Mohammed al-Naem.
(MEE/Walled Mosleh)

Belal al-Naem a été horrifié quand il a vu les images : un bulldozer israélien traînant, mutilant et balançant le corps d’un Palestinien dans la bande de Gaza assiégée. Et puis, il a découvert que c’était le corps de son frère.

« J’ai ressenti le choc deux fois, la première fois avant de savoir que c’était mon frère, et la seconde, quand j’ai su que c’était lui » a-t-il dit à Middle East Eye.

Le frère de Belal, Mohammed, avait été pris pour cible et abattu par un tir israélien dimanche, à Abasan al-Kabira, à l’est de Khan Younis.

L’armée israélienne a prétendu que lui et un autre Palestinien étaient en train de placer un engin explosif à la frontière entre l’enclave assiégée et Israël.

Puis, un bulldozer de l’armée et un char d’assaut qui l’accompagnait sont entrés pour récupérer le corps, et ses tentatives ont été filmées.

Les images du bulldozer tirant le corps sont rapidement devenues virales.

« Je n’ai pas pu en supporter la cruauté, un être humain était en train de se faire couper en morceaux, encore et encore. Mon cœur n’a pas pu supporter la scène, j’ai prié pour lui et j’ai tout arrêté », dit Belal, qualifiant cela de « brutalité sans précédent ».

« Ce n’est pas une façon de mourir pour un être humain, et cela se passait alors que le monde entier était en train de regarder » ajoute-t-il.

« Notre famille a vu cela, et cela ne sortira plus jamais de notre esprit ».

« Qui va élever son fils ? »

Réfutant les affirmations d’Israël, la famille de Mohammed atteste qu’il n’était absolument pas à proximité de la clôture frontalière mais dans un secteur qui est utilisé depuis longtemps pour les manifestations pacifiques.

Sa mère en pleurs décrit cet ingénieur de 27 ans comme un père dévoué à sa petite fille de 10 mois.

« Il saisissait toutes les opportunités décentes qui se présentaient. Il était toujours à la recherche d’un moyen pour gagner la vie de sa famille et il nous faisait plaisir à tous avec sa gentillesse et son soutien. Pas un jour ne se passait sans qu’il ne s’enregistre » dit en pleurs Um Hussein, la mère de Mohammed, à MEE.

« Alors qu’il partait hier, il a pris son fils dans les bras, en me souriant et il m’a fait un signe de la main à la porte, disant qu’il viendrait nous chercher demain » ajoute-t-elle.

« Qui va élever son fils maintenant ? »

Regarder la vidéo a été traumatisant pour sa mère.

  « Je ressentais chacun des coups sur le corps de mon fils. Ils étaient dans mon cœur. Je ressentais la douleur comme si j’étais lui. Je n’oublierai jamais la façon dont Israël a tué mon fils » dit-elle.

La famille de Mohammed confirme qu’il était un combattant du Jihad islamique, faction armée de la résistance palestinienne. Sa mort a été suivie d’un tir de barrage de roquettes lancées depuis Gaza sur Israël, et par des frappes aériennes israéliennes sur des cibles du Jihad islamique, dans l’enclave et en Syrie.

Malgré son affiliation, la famille de Mohammed insiste sur le fait que ses motivations pour se tenir proche de la frontière étaient pacifiques.

« Il se réveillait tôt, il se rendait à la mosquée pour la prière de Fajr (de l’aube) et il allait marcher dans la matinée près de la frontière. Il aimait regarder la terre qu’il protégeait » dit son épouse, Um Hamza.

Tenant leurs enfants dans les  bras, son épouse dit  qu’elle n’a pas pu regarder la vidéo après que sa famille lui a dit à quel point elle était violente.

 « Je ne veux pas le voir se faire couper en morceaux, je voudrais que cette vidéo disparaisse » dit-elle.

Un sauvetage interrompu

Moataz al-Najar, 23 ans, a été le premier à apercevoir le corps sans vie de Mohammed, à 6 heures du matin. Il a appelé certains de ses amis et proches, et ensemble, ils ont essayé de le récupérer.

 « J’ai essayé de m’approcher de lui pour le sauver, mais les soldats israéliens ont continué de tirer au hasard » a dit Najar à MEE.

Au bout de deux heures, Najar avait réussi à s’approcher de Mohammed, qui était toujours étendu, sans respirer.

« Il était mort et son visage était brûlé, ses intestins se répandaient hors de son corps. Avec mon cousin Ahmed, nous avons essayé de l’emmener mais le bulldozer nous agressais » se souvient-il.

« J’ai hurlé au conducteur que l’homme était mort, mais il a continué ses attaques » ajoute Najar, étendu sur un lit d’hôpital à Khan Younis.

« Le bulldozer fonçait sur nous de plus en plus vite et il y avait des tirs sans arrêt. Le bulldozer m’a heurté et j’ai eu l’impression d’avoir perdu ma jambe, puis j’ai été contraint de tout laisser derrière moi et de m’échapper ».

Moataz al-Najar en convalescence à l’hôpital de Khan Younis
(MEE/Walled Mosleh)

Selon Najar, l’incident a eu lieu à environ 350 mètres à l’intérieur de la bande de Gaza, et ni lui ni Mohammed n’avais traversé la clôture israélienne.

Israël détient toujours le corps de Mohammed.

« Ils doivent rendre son corps, je veux lui dire adieu » dit Um Hamza, son épouse.

« Sa mort est honorable, il est un martyr et il a protégé sa nation. Je m’attendais à ce qu’il meure un jour, mais pas aussi sauvagement qu’ils le disent. »

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

Source : Middle East Eye

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