La famille d’un Palestinien abattu demande à Israël de lui rendre son corps afin de l’inhumer

Walid Mahoud et Muhammad Shehada – Al Jazeera – 25 février 2020

L’indignation après l’utilisation d’un bulldozer par les forces israéliennes pour récupérer le corps d’un homme qui aurait déposé un engin explosif improvisé.

Mirvat, la mère de Mohammed, affirme que l’armée israélienne a commis un « grand crime » (Walid Mahmoud/Al Jazeera)

Khan Yunis, bande de Gaza – Dans la maison de la famille al-Naem, à l’ouest de Khan Yunis, les parents de Mohammed, 27 ans, se sont réunis, indignés, pour pleurer la perte d’un père, d’un époux ou d’un fils.

« Personne ne surpassait mon fils, il était tout pour moi » dit Mirvat, 56 ans, la mère de Mohammed. « Il avait bon cœur, il était religieux et avait beaucoup de moralité. Je n’arrive pas à imaginer qu’il soit parti ».

Mohammed a été abattu dimanche par l’armée israélienne qui l’accusait d’avoir placé un engin explosif près de la clôture de séparation israélienne, à l’est de Khan Yunis, dans la bande de Gaza assiégée. La famille de Mohammed a nié cela, affirmant que sa présence près du secteur de la clôture était pacifique.

Un journaliste local a filmé les scènes qui ont suivi dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, scènes qui montrent un groupe de Palestiniens présents en train d’essayer de récupérer le corps de Mohammed, lorsqu’un bulldozer de l’armée israélienne s’est approché.

On peut y entendre des coups de feu alors que des hommes s’éloignent en courant du corps, le bulldozer le soulève ensuite avec sa pelle après plusieurs tentatives apparemment ratées. Le corps semble rester suspendu aux dents de la pelle par un bout de vêtement alors que le bulldozer se retourne et se dirige vers la clôture.

Des hommes tentent de ramasser un corps alors qu’un bulldozer s’approche d’eux, le long de la clôture séparant Israël de Gaza, à l’est de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza. (Muthana Al-Najaar/AFP)

« Un grand crime »

Les images du corps sans vie de Mohammed, emporté au loin par le bulldozer, ont suscité une vive indignation généralisée chez les Palestiniens, et la famille exige son retour rapide pour pouvoir l’inhumer.

« N’est-ce pas déjà assez horrible qu’ils aient tué mon jeune homme ? Ce qu’ils ont commis là est un grand crime contre l’humanité » dit Mirvat.

« Tout ce que je veux, c’est qu’ils ramènent mon fils… C’est mon droit de le voir pour la dernière fois et de lui faire mes adieux, et de l’inhumer auprès de moi pour que je puisse aller le voir ».

Hiba, 25 ans, l’épouse de Mohammed, qui s’est obligée à parler à travers ses larmes, a décrit son époux comme un homme au grand cœur, et travailleur.

« Mohammad était un homme très gentil et très remarquable. Je ne peux pas imaginer que cela ait pu lui arriver », dit-elle à Al Jazeera. « Nous sommes mariés depuis un an et demi et il a été très tendre et très doux avec moi. Notre bébé a moins d’un an, qu’a-t-il fait pour mériter de grandir sans son père ? »

Hiba dit que Mohammed était un ingénieur qui travaillait pour différentes entreprises, il cherchait à gagner sa vie pour soutenir sa famille. Elle affirme qu’elle ne regardera pas la vidéo.

« Effroyable »

Le journaliste palestinien Muthana al-Najjar, 36 ans, déclare avoir été informé qu’un incident s’était produit près de la clôture près de Khan Yunis, dimanche vers 6 heures du matin, et qu’il s’est précipité sur les lieux avec son équipement photographique.

« La scène de l’incident était effroyable » dit-il. « Il y avait un déploiement intensif de soldats israéliens sur des monticules de sable. Il y avait aussi un char de combat israélien, un Merkeva, qui se tenait sur une butte de sable, des balles réelles étaient tirées depuis le côté israélien » dit-il, ajoutant qu’une personne était étendue à terre, près d’une moto.

« Un groupe de personnes présentes s’était rassemblé et avait tenté à plusieurs reprises de récupérer le corps mais il a essuyé des tirs réels par les soldats israéliens », dit le journaliste à Al Jazeera.

« Une première tentative de sauvetage avait été faite par quatre agriculteurs civils qui avaient pris une brouette et tenté d’approcher le corps de Mohammed, mais l’armée a tiré sur eux à balles réelles et leur tentative de récupérer le corps n’a pu aboutir », dit al-Najjar.

 « D’autres habitants du secteur sont venus sur les lieux de l’incident, et des haut-parleurs ont demandé aux personnes de se hâter et de tenter de récupérer le corps avant que l’armée n’arrive pour le voler, comme cela s’est produit plusieurs fois auparavant ».

Alors que d’autres personnes encore se regroupaient à proximité, al-Najjar dit que c’est alors que des véhicules israéliens, et notamment un bulldozer, se sont approchés des lieux.

« Le bulldozer n’était pas encore arrivé, et quatre jeunes avaient réussi à atteindre le corps et à mettre le martyr dans une brouette, mais il est tombé sur le chemin du retour à cause des tirs israéliens et parce qu’ils craignaient de se faire tirer dessus. Ils ont réessayé de le porter, mais l’un d’eux a été blessé par les tirs des soldats israéliens,  si bien que leur équilibre a été perturbé, et que le martyr est retombé à terre ».

« À la troisième tentative de sauvetage, le bulldozer est entré dans Gaza accompagné du char d’assaut. Et pour la première fois depuis des années, nous avons vu un bulldozer israélien pénétrer d’environ 70 mètres à l’intérieur de Gaza » souligne al-Najjar.

« Alors que personne ne parvenait à s’emparer du corps de Mohammed, le bulldozer a foncé vers eux et il a utilisé sa pelle pour reprendre le corps, tandis que des soldats tiraient dans les jambes du sauveteur. Les tirs se sont poursuivis pour que les gens ne puissent s’approcher du corps ».

Une intensification militaire

Le groupe armé du Jihad islamique palestinien (JIP) a déclaré que Mohammed était membre de sa branche armée. Tard dimanche, il a tiré plus de 20 roquettes sur Israël depuis Gaza, en réponse à l’assassinat.

Pendant la nuit, Israël la effectué un certain nombre de raids aériens sur ce qu’il appelle les « sites de terreur », près de Damas en Syrie, et sur Gaza.

Le groupe a déclaré que deux de ses membres avaient été tués en Syrie.

Lundi, le JIP a lancé à nouveau une salve de roquettes et de mortier depuis Gaza. Selon un communiqué de l’armée israélienne, 20 « projectiles » ont été tirés depuis Gaza lundi, dont 18 auraient été interceptés par ses systèmes de défense aérienne.

Traduction : Bp pour l’Agence Média Palestine

Source : Al Jazeera

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