Un projet de loi historique qui pénaliserait Israël pour l’annexion et l’apartheid

Des Palestiniens manifestent contre le projet israélien d’annexion de la Cisjordanie, Gaza City, 1er juillet. Ashraf Amra APA images

Par Josh Ruebner, le 17 août 2020

Vendredi, la représentante démocrate du Minnesota, Betty McCollum, a présenté au Congrès américain le projet de loi de non-reconnaissance de l’annexion israélienne.

Ce projet de loi interdit la reconnaissance ou le financement par les États-Unis de l’annexion probable par Israël de terres palestiniennes supplémentaires en Cisjordanie occupée.

Ses initiatrices sont six représentant.es démocrates : Rashida Tlaïb du Michigan, Alexandria Ocasio-Cortez de New York, Ayanna Pressley du Massachusetts, Mark Pocan du Wisconsin, Ilhan Omar du Minnesota et André Carson de l’Indiana.

Ces sept représentants ont tous une solide expérience de la défense des droits des Palestiniens au Congrès – bien que Pressley se soit écarté des progressistes l’année dernière et ait voté une résolution condamnant le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions.

Promouvoir l’égalité

Ce projet de loi est important car il a recours au langage des droits humains et de l’égalité pour exprimer l’opposition à l’annexion israélienne et il propose des mesures concrètes pour tenir Israël responsable s’il allait de l’avant avec l’annexion.

Ce cadre est significatif parce que la plupart des initiatives du Congrès qui abordent les questions de la politique sur Israël-Palestine, le font dans la perspective des intérêts d’Israël, expriment la fidélité au « processus de paix » discrédité et à la solution à deux États, et dispensent Israël de toute conséquence concrète pour ses violations des droits des Palestiniens.

En revanche, le nouveau projet de loi de McCollum est sans ambiguïté dans sa condamnation de l’illégalité de l’annexion israélienne, la considérant comme une « violation flagrante du droit international et une action prohibée d’agression dans l’article 2(4) de la Charte des Nations Unies ».

Plutôt que de répéter le mantra d’une solution à deux États, le projet de loi cherche plutôt à « promouvoir l’égalité, les droits humains et la dignité des Palestiniens et des Israéliens » comme base de la politique américaine.

Faisant allusion à son opposition à la politique d’apartheid actuelles et à venir qu’Israël inflige au peuple palestinien, le projet de loi rejette catégoriquement « tout système antidémocratique ou acte d’agression par lequel Israël exerce unilatéralement un pouvoir permanent sur un peuple palestinien privé d’autodétermination et de droits humains ».

Les conséquences pour Israël

Aussi importantes que soient ces prises de position rhétoriques, le projet de loi est également remarquable pour ses implication, s’il est adopté.

Il ferait que la « politique des États-Unis ne reconnaisse aucune revendication de souveraineté du gouvernement d’Israël sur une partie quelconque de la Cisjordanie occupée ».

Il interdirait également au gouvernement américain de prendre des mesures ou de fournir « toute assistance de manière à étendre ou impliquer la reconnaissance par les États-Unis d’une telle revendication de souveraineté ».

Non seulement cette interdiction s’appliquerait aux futures annexions israéliennes en Cisjordanie, mais elle semblerait également s’appliquer rétroactivement à l’annexion de facto par Israël de Jérusalem-Est – partie de la Cisjordanie selon le droit international – en 1967 et à son annexion de jure en 1980.

Le projet de loi comprend aussi une longue liste des types de financement américain qui seraient refusés à Israël pour le maintien de son annexion de la terre palestinienne, dont « le déploiement de personnel, la formation, les services, des substances mortelles, des équipements, des installations, la logistique, le transport ou toute autre activité ».

Comme le projet de loi interdit également les financements américains « facilitant ou soutenant l’annexion unilatérale de ce territoire », il pourrait aussi créer un mécanisme permettant de refuser la plupart ou la totalité des financements américains à Israël dans le territoire palestinien occupé.

En effet, il est raisonnable de supposer que toute l’occupation militaire d’Israël serait destinée à faciliter et à soutenir son annexion de la terre palestinienne.

Enfin, le projet de loi créerait une exigence de certification et de rapport obligeant le Département d’État à fournir au Congrès un rapport annuel détaillé précisant si Israël a violé les restrictions du projet de loi sur le financement américain.

Cela ouvre la voie à la création possible d’un mécanisme permettant de tenir Israël responsable de ces violations.

La normalisation des Émirats Arabes Unis ne change rien

Dans une déclaration très ferme destinée à être publiée dans le Congressional Record (Procès verbal du Congrès), McCollum a déclaré que l’annexion « alimentera les conflits, l’injustice et un système odieux d’apartheid  ».

McCollum a également rejeté l’importance de l’annonce faite jeudi, selon laquelle Israël avait accepté de suspendre ses projets d’annexion en échange de la normalisation des relations avec les Émirats Arabes Unis.

L’accord « ne change rien », a-t-elle déclaré.

Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président Donald Trump « n’ont rien retiré de la table », a ajouté Mme McCollum. « Leurs promesses et leurs engagements ne valent rien. Ils ont tous deux prouvé à maintes reprises qu’on ne peut pas leur faire confiance ».

« Fondée sur les droits humains »

Les initiateurs du projet de loi ont émis une condamnation tout aussi forte.

« Le gouvernement Netanyahu reçoit chaque année 3,8 milliards de dollars de subventions militaires financées par les contribuables américains et, avec le soutien du président destitué, il s’est efforcé de consolider le système d’apartheid », a déclaré Tlaïb.

Ocasio-Cortez a qualifié le projet de loi de « prolongement de nos valeurs, fondées sur les droits humains, le droit international et sur un engagement en faveur de la liberté, de l’égalité et de la justice pour tous les peuples ».

« Nos budgets affichent nos valeurs, et nous devons affirmer de manière définitive et sans équivoque que les dollars de nos contribuables américains ne seront pas utilisés pour soutenir l’annexion unilatérale et l’oppression continue du peuple palestinien », a déclaré Pressley.

Omar a dénoncé l’annexion comme « vol de terres et exercice agressif d’un pouvoir unilatéral ».

Une telle critique directe d’Israël et un tel soutien aux droits des Palestiniens sont encore rares, mais ils sont de plus en plus répandus au Congrès.

Avec les conditions mises par le projet de loi sur le financement américain à Israël, le lancement de cette initiative est historique dans son ton et sa signification.

Les groupes qui soutiennent le projet de loi, tels que American Muslims for Palestine, ont créé des alertes pour que des gens encouragent d’autres représentants à co-parrainer le projet de loi.

Traduction : SF pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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