L’ « accord de paix » historique de Netanyahu, avec un pays contre lequel Israël n’est pas en guerre

Netanyahu, dans le bureau de presse de son gouvernement, le 10 août 2020.

Par Jonathan Ofir, le 15 août 2020

Les réactions devant le prétendu « accord de paix » soudainement annoncé entre Israël et les Émirats arabes unis sont franchement divisées :

– les Palestiniens le rejettent, comme une trahison qui les utilise comme feuille de vigne ;

– les régimes arabes autocratiques cherchent à s’attirer les faveurs des États-Unis et d’Israël contre l’Iran ;

– entre les deux, il y a aussi le silence de régimes qui se gardent bien de se féliciter d’avoir laissé tomber les Palestiniens ;

– Joe Biden, qui se dit « satisfait » de l’accord.

Passons sur le romantisme de l’amour et de la paix et sur les touristes israéliens qui visitent Dubaï. Cet accord a des conséquences réelles et néfastes pour les Palestiniens. « Elles nous nuisent vraiment » dit Diana Buttu, avocate palestinienne et ancienne conseillère de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). « Ils nous ont retiré notre voix. Nous n’avons besoin de personne pour parler en notre nom ».

En effet, aucun Palestinien n’a même été invité à participer aux délibérations sur cet accord qui, comme l’ « accord du siècle » de Trump, monte des projets par-dessus leurs têtes. L’accord avec les Émirats arabes unis est censé « suspendre », pour un temps, la menace de l’annexion de près d’un tiers de la Cisjordanie occupée, en échange d’une normalisation complète et ouverte des relations. Mais il ne signifie en aucun cas un retrait israélien, ni rien de tel. Cela signifie simplement que le statu quo, qui est une annexion de facto, se retrouve prolongé pour un temps certain, tandis que les relations que les Émirats arabes unis entretenaient avec Israël apparaissent maintenant au grand jour. L’apartheid israélien est éclipsé une fois encore, en échange de la levée du voile des Émirats arabes unis.

Rien de tout cela n’aide les Palestiniens, en aucune manière. Le refus arabe de normaliser les relations avec Israël est censé être lié à un règlement qui apporte aux Palestiniens une liberté nationale, une justice et une égalité. Mais ceci n’apporte rien de tout cela.

The Times d’Israël cite un haut responsable des Émirats arabes unis qui aurait déclaré qu’ « Abu Dhabi restait attaché à la création d’un État palestinien et aux conditions de l’Initiative de paix arabe ». Mais cette initiative de 2002 parle d’une solution à deux États sur la base des frontières de 1967 avec une « solution juste » au problème des réfugiés. Cette perspective n’existe pas actuellement en ce qui concerne Israël. Sommes-nous censés croire que des voyages à Dubaï vont rendre les dirigeants israéliens plus malléables ?

Les liens entre Israël et les régimes arabes autoritaires oppressifs sont utiles à ces régimes pour des raisons de sécurité. Dans le dossier sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashhoggi, on prétend que le logiciel israélien de NSO, Pegasus, était impliqué dans le suivi de ses déplacements. Il existe aussi une convergence entre les régimes arabes sunnites contre l’Iran, dans laquelle le soutien militaire US est naturellement lié aux intérêts militaires israéliens à l’exportation. Il s’agit d’un marché en développement. « Ce sont des États sécuritaires et ils veulent avoir des liens de sécurité avec Israël » a déclaré Diana Buttu.

C’est comme pour le déménagement de l’ambassade US à Jérusalem, au mépris des résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Ce qu’espérait Israël, c’était que cela conduirait d’autres pays à faire de même. C’est ce qu’a déclaré hier, Netanyahu : « Beaucoup, beaucoup d’États voient Israël comme un allié stratégique pour la stabilité, la sécurité, le progrès et aussi, pour la paix… Il y aura d’autres États arabes et musulmans qui rejoindront le cercle de la paix avec nous ».

Hélas, ce « cercle de la paix » est une cabale de guerre, laquelle aide Israël non seulement en termes de relations stratégiques régionales contre l’Iran, mais encore en termes d’affaiblissement de la solidarité politique avec le problème palestinien. Le journaliste israélien Gideon Levy affirme que les Palestiniens sont laissés, là, « en sang, sur le côté de la route ».

Nous ne savons pas de combien de temps l’annexion va être retardée – Netanyahu souligne qu’il n’est, en aucun cas, question de l’abandonner – mais de toute façon, qu’il y ait une déclaration formelle ou pas, cela ne change rien pour les Palestiniens – la réalité reste le même. Et cet accord ne fait certainement pas avancer les perspectives d’un avenir meilleur pour les Palestiniens.

Nous ne savons pas à quel point l’intention des Israéliens d’annexer était sérieuse à ce stade. Se pourrait-il qu’il s’agisse surtout d’une pirouette, s’agissant de Netanyahu ? Michael Koplow, du Forum politique Israël, a qualifié cela de « bel exemple de menace pour en rajouter encore, et alors d’en profiter en laissant les choses exactement comme elles sont ».

L’opposition à l’annexion a beaucoup été aussi une cause défendue par des partisans d’Israël qui croient qu’une officialisation de l’apartheid va exposer Israël à des accusations mondiales qu’il est un État d’apartheid – autrement dit, ce serait un problème de relations publiques. Ceci explique la satisfaction de Joe Biden sur l’accord :

« Le rapprochement d’Israël et des États arabes tire parti des initiatives de multiples administrations qui visaient à favoriser une ouverture arabo-israélienne, notamment celles de l’administration Obama-Biden pour justifier l’Initiative de paix arabe. J’ai personnellement rencontré des dirigeants tant d’Israël que des Emirats arabes unis, au cours de notre administration, pour défendre une coopération et un engagement plus larges, ainsi que les avantages qu’ils pourraient apporter aux deux nations, et je me réjouis de l’annonce qui est faite aujourd’hui ».

En tant que fervent défenseur d’Israël, il se préoccupe beaucoup de l’apparence d’Israël, et de la sienne en le soutenant.

Mais il n’y a rien dans cet accord qui ait une substance réelle concernant la « paix », au-delà du superficiel. Israël et les Émirats arabes unis n’étaient pas en guerre l’un contre l’autre ; ils ne se contestaient pas leurs territoires respectifs. Il s’agit d’une affaire commerciale. Les Émirats arabes unis ont vendu les Palestiniens, et désormais, tout est au grand jour.

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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