Augmentation du nombre d’enfants privés de soins médicaux par l’armée israélienne

Par Fedaa al-Qedra, le 30 août, 2022

Selon un rapport récent, le nombre d’autorisations de sortie accordées par l’armée israélienne aux enfants qui cherchent à se faire soigner en Cisjordanie occupée ou en Israël a considérablement diminué. (Mahmoud Ajjour/APA images)

Sa santé se détériore de jour en jour. Aujourd’hui, Saeed Jarghoon, 14 ans, ne peut plus marcher.

Saeed, originaire de la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, souffre d’une tumeur cancéreuse de la jambe droite.

Son état s’aggrave car les autorités israéliennes l’empêchent de se rendre en Israël pour y être soigné.

Il n’est pas le seul. L’organisation Physicians for Human Rights Israel a récemment annoncé que, d’après ses calculs, le nombre d’enfants à qui on refuse un traitement en dehors de Gaza a presque doublé. Ce nombre inclut les enfants de moins d’un an.

En septembre dernier, Saeed a subi des tests et des examens TEP et CT (appareils d’imagerie à la technologie très avancée associant la radiographie à la médecine nucléaire et au digital) dans un hôpital égyptien, après quoi les médecins ont décidé de son transfert en Israël.  La tumeur dans sa jambe droite, diagnostiquée pour la première fois en 2016, nécessite, en effet, un traitement médical pointu qui n’est pas disponible dans les hôpitaux palestiniens.

Nahla, 28 ans, la sœur de Saeed, a déclaré à The Electronic Intifada que si Saeed a bien pu bénéficier d’un « all-hospitals  appointment » – une possibilité de rendez-vous dans les hôpitaux israéliens ainsi que dans ceux de la Cisjordanie occupée – le retard dans l’obtention d’un permis de sortie pour quitter Gaza fait que le délai pour profiter de cette possibilité se trouve dépassé.

« Nous craignons pour sa santé. C’est dur de voir quelqu’un perpétuellement en souffrance et d’être impuissant pour l’aider, » a dit Nahla. « Nous voudrions juste connaître les raisons du rejet de la demande. »

Quant à Saeed, il s’ennuie.

« J’espère juste que j’ai rapidement un traitement pour pouvoir marcher et jouer avec mes amis, » a dit l’adolescent. « Je m’ennuie à rester tout le temps à la maison, surtout comme il n’y a pas d’électricité, pas moyen de se distraire. »

En raison des restrictions israéliennes sur l’importation du carburant, Gaza souffre de fréquentes coupures d’électricité.

Blocus et occupation

Saeed n’est pas le seul enfant qui attend l’autorisation israélienne pour se rendre en Israël ou en Cisjordanie afin de recevoir un traitement .

 Physicians for Human Rights Israel a récemment découvert que le nombre d’enfants à qui on refuse un traitement en dehors de Gaza a presque doublé.

Selon l’organisation, en 2020, 17% des demandes concernant des enfants qui devaient quitter la bande de Gaza pour recevoir des soins médicaux non disponibles à Gaza furent retardées ou refusées.

Au cours de six premiers mois de 2021, ce taux a quasi doublé pour atteindre 32% selon les calculs de PHRI.

Selon l’OMS, l’Organisation Mondiale de Santé, plus de 155 des 481 palestiniens de moins de 18 ans qui ont cherché à franchir le « checkpoint » d’Erez pour se faire soigner en juillet de cette année ont vu leurs requêtes refusées ou retardées.

Parmi les enfants entre 0 et 3 ans, 30 enfants sur 136 ont vu leurs demandes de traitements refoulées.

De tels empêchements peuvent s’avérer fatals.

D’après l’ONG pour la défense des droits humains, Al Mezan, trois enfants sont morts depuis le début de l’année d’avoir vu leurs demandes de sortir de Gaza pour traitement médical refusées ou retardées.

Inshirah Madani, 16 ans, qui souffre d’une tumeur cérébrale maligne, attend, elle aussi, l’autorisation israélienne pour quitter Gaza afin de se faire traiter.

La mère d’Inshirah a déclaré à The Electronic Intifada que le retard dans l’accès au traitement a fait perdre un œil à sa fille à cause de l’extension tumorale.

« Pendant des années, Israël remet ça toujours à plus tard, » a-t-elle ajouté. « Je souffre tant à voir ma fille mourir à petit feu sans rien pouvoir faire. »

Violation flagrante des droits de l’homme

Abdulrahman Abu Mustafa a moins d’un an. Il vit avec une maladie du cœur depuis la naissance et a besoin d’une chirurgie à cœur ouvert qui n’est pas praticable à Gaza.

Le secteur de santé dans la bande de Gaza est en miettes, le résultat direct du blocus israélien qui dure depuis 15 ans et des restrictions strictes imposées, dans cette étroite bande côtière, sur les entrées et sorties des personnes et des biens. Il y a une pénurie chronique de médicaments essentiels et les interdictions à l’importation bloquent l’arrivée d’équipements vitaux.

Le Ministère de la Santé de Gaza, par exemple, n’a pu importer des dispositifs médicaux et des pièces détachées pour les services d’imagerie et de radiologie tels que les appareils de tomographie, de TEP et de radiographie.  En 2021, l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie a soumis 20 demandes pour la livraison de tels équipements dont seuls 30 – ou 25% – étaient accordées à la date de février 2022.

Recevoir des autorisations de sortie pour raison médicale est donc critique à Gaza et il n’y a pas de temps à perdre. Ahmed Abu Mustafa, le père du petit Abdulrahman, a dit que son fils a un besoin urgent de soins.

Un des problèmes auxquels Abdulrahman doit faire face est un manque rédhibitoire d’oxygène.

« J’ai soumis de nombreuses demandes pour un permis de sortir – mais sans résultat.  Je ne sais pas pourquoi il y a un tel retard. Je reçois juste un message sur mon portable en quoi ma demande est ‘en cours d’examen’, » dit le père.

Israël refuse souvent que les parents d’un mineur accompagnent leur enfant.  Toujours selon Physicians for Human Rights Israel, de tels refus ont atteint 35% en 2021.

Les parents d’Abdulrahman n’ont même pas essayé d’obtenir des autorisations de sortie pour eux-mêmes et, si leur fils se voit accorder une, il sera accompagné par sa grand-mère.

Le directeur de la International Commission to Support the Rights of the Palestinian People, Salah Abdel-Ati, a dit à The Electronic Intifada qu’Israël rejette la plupart des demandes d’autorisation de traitement médical en dehors de Gaza.

Le régime des permis constitue pour les patients de Gaza une véritable torture, a-t-il ajouté, particulièrement pour les enfants pour qui la question angoissante de l’accès ou non à un traitement ne fait que s’ajouter à la douleur physique déjà présente.

Cela constitue aussi une violation grave du droit humanitaire international, notamment des Conventions de Genève, qui stipulent le droit aux soins médicaux, a rappelé Ati.

Il a appelé à une intervention internationale sérieuse et efficace  pour mettre fin au siège de Gaza et pour exercer sur Israël une véritable pression pour alléger la souffrance des deux millions de palestiniens de Gaza.

Fedaa al-Qedra est un journaliste à Gaza.

Trad. BM pour l’Agence Média Palestine.

Source : The Electronic Intifada

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