Par Peter Beaumont, The Guardian, 19 juillet 2024
Le jugement défie des alliés d’Israël tels que le Royaume-Uni et les États-Unis qui, pendant des années, ont fait preuve d’indulgence à l’égard de l’occupation des territoires palestiniens.
Complet, détaillé et global, l’arrêt consultatif de la Cour internationale de justice sur l’illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien et de l’implantation de colonies de peuplement constitue un démenti cinglant aux affirmations d’Israël et aura un impact profond pour les années à venir.
La CIJ a déclaré « illégale » l’occupation à long terme du territoire palestinien par Israël, qui équivaut à une annexion de facto. La Cour a appelé Israël à quitter rapidement les territoires occupés et a jugé que les Palestiniens avaient droit à des réparations pour les préjudices subis pendant 57 ans d’une occupation systématiquement discriminatoire à leur égard.
Dans ses nombreuses parties, l’arrêt représente une défaite dévastatrice pour Israël devant la Cour mondiale.
Alors que de nombreux rapports des Nations unies et résolutions de l’assemblée générale sont allés dans le même sens, l’arrêt de la CIJ, du fait qu’il se réfère à un traité et à des lois individuelles, représente un jugement qu’il sera difficile d’ignorer.
L’arrêt constitue également un démenti à l’argument d’Israël selon lequel la CIJ n’avait pas qualité pour examiner la question au motif que les résolutions des Nations unies, ainsi que les accords bilatéraux israélo-palestiniens, avaient établi que le cadre correct de résolution du conflit devait être politique, et non juridique.
Rejetant cet argument, la Cour a affirmé que le droit international s’appliquait indépendamment des décennies d’efforts politiques infructueux pour parvenir à un accord de paix durable, d’autant plus qu’Israël a poursuivi l’implantation de colonies.
L’arrêt, qui prend une demi-heure à lire, rassemble de nombreux éléments du droit international, des conventions de Genève à la convention de La Haye, pour défendre un point de vue que les Palestiniens et les détracteurs de la politique israélienne au sein de la communauté internationale considèrent comme évident depuis des années.
En résumé, il a déclaré que des années d’ambition officielle et autoproclamée d’Israël de construire et de s’installer dans les territoires occupés équivalaient à une intention d’annexer effectivement un territoire en violation du droit international ; que ces politiques étaient conçues pour bénéficier aux colons et à Israël, et non aux Palestiniens vivant sous l’administration militaire.
La section la plus importante est peut-être le jugement selon lequel « le transfert par Israël de colons en Cisjordanie et à Jérusalem, ainsi que le maintien par Israël de leur présence, sont contraires à l’article 49 de la quatrième convention de Genève ».
Si les paragraphes individuels s’appliquant à chaque violation du droit international – et à chaque incohérence – ne sont pas surprenants, l’arrêt, pris dans son ensemble, constitue un profond défi pour les gouvernements, y compris le Royaume-Uni et les États-Unis, qui, pendant des années, ont fait preuve de mollesse à l’égard des politiques d’occupation d’Israël, critiquant la construction de colonies mais, jusqu’à une date récente, ne faisant pas grand-chose de concret à ce sujet.
Si les choses ont changé ces derniers mois, avec une série de sanctions américaines, britanniques et européennes visant les colons violents, à la fois individuellement et les groupes qui les soutiennent, la décision consultative pose une question bien plus sérieuse : compte tenu de la gravité des violations du droit international, des sanctions devraient-elles également être appliquées aux ministres israéliens et aux institutions qui soutiennent l’entreprise de colonisation ?
Bien que non contraignante, la décision fournira de nombreuses pistes aux juristes internationaux qui examinent déjà activement les sanctions futures contre les personnes liées à la colonisation israélienne.
Il est important de noter que la Cour a pris note du transfert récent et continu des pouvoirs des militaires aux fonctionnaires civils chargés de superviser les territoires occupés, ce qui, selon les critiques, exposait davantage les activités d’Israël à la Cour.
Le moment choisi est également important. Israël étant isolé en raison de sa conduite de la guerre de Gaza et faisant l’objet d’une enquête de la CIJ et de la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre présumés, l’évaluation brutale de l’illégalité à long terme de l’occupation israélienne ne fera que renforcer cet isolement.
Si la décision semblait inévitable, c’est en raison de la dérive à droite d’Israël sous la direction de son premier ministre, Benjamin Netanyahu, qui dirige désormais une coalition comprenant des partis et des ministres d’extrême droite favorables à la colonisation et qui a adopté exactement les politiques pour lesquelles Israël a été condamné.
Traduction: Agence Média Palestine
Source : The Guardian