Les soldats israéliens ont l’ordre de « ficher l’ensemble de la population civile palestinienne »

Maureen Clare Murphy, 10 septembre 2015

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Des soldats israéliens en opération de nuit dans le village d’Awarta en Cisjordanie, juin 2014. Nedal Eshtayah APA Images

La « procédure de fichage » par Israël révèle le contrôle draconien qu’il exerce sur les Palestiniens vivant sous son régime militaire.

La procédure de fichage se déroule pour une grande part comme pour les raids nocturnes d’arrestations de routine en Cisjordanie occupée.

Des soldats en armes encerclent la maison d’une famille palestinienne en pleine nuit. Des éclaireurs cognent sur la porte de devant, réveillant tout le monde. Une fois à l’intérieur, les soldats regroupent les habitants à l’intérieur d’une seule pièce.

Les cartes d’identité de la famille sont contrôlées et enregistrées, de même que leurs liens de parenté et leurs numéros de téléphone.

L’un des membres de la famille peut être poussé devant les soldats alors qu’ils vont de pièce en pièce, et recevoir l’ordre d’ouvrir les portes de placards, ou de soulever les matelas.

Mais à la différence d’un raid d’arrestations, une fois que les soldats ont examiné la maison, ils s’en vont et passent à la maison suivante, en disant à la famille qu’ils peuvent retourner dormir.

« Ficher la population civile tout entière »

Voilà comment un ancien soldat israélien décrit ses nombreuses « missions de fichage » dans des villages palestiniens proches de Ramallah.

Dans le témoignage vidéo ci-dessous diffusé par le groupe Brisons le Silence, Eyal Weinberg déclare : « Notre objectif était de ficher pratiquement toutes les maisons et toute la population palestinienne de la région. Nous avons dû ficher la population tout entière ».

Vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=YyUUO_vjzII

L’armée israélienne possède des photos aériennes des villages palestiniens sur lesquelles il est attribué un numéro à chaque maison. Des troupes sont envoyées dans les villages au milieu de la nuit pour obtenir plus de renseignements sur des maisons précises, « notant tous les détails possibles sur la maison et sur ses habitants ».

Les tableaux d’informations enregistrés par les soldats sont redirigés vers les services de renseignements d’Israël.

« Il y a une masse de renseignements sur chaque personne ou famille de la population palestinienne », explique Weinberg.

Il ajoute que ce fichage n’a rien à voir avec les enquêtes sur les « terroristes » présumés et qu’il est réalisé avec, « pour seul objectif, d’obtenir des renseignements sur tout le monde ».

Bien que la procédure de fichage soit moins violente que les raids d’arrestations, et que nul ne soit enlevé de son domicile, elle n’en terrifie pas moins les familles palestiniennes qui y sont soumises.

La peur

Une mère dans le village de Qusra, près de Naplouse dans le nord de la Cisjordanie, a raconté sa peur au groupe israélien B’Tselem quand huit soldats ont pénétré dans sa maison familiale en pleine nuit, en juillet.

« Quand j’ai entendu cogner sur la porte, mon cœur s’est emballé et je me suis mise à trembler. Je ressentais une douleur dans mon ventre. Je suis enceinte de huit mois et j’ai eu peur que quelque chose arrive à mon bébé », dit Sanaa Bisharat.

Arwa Abu rida, une autre femme dont la maison est l’une des 19 maisons dans lesquelles ils sont entrés la même nuit, dit que les soldats ont jeté un œil dans la chambre où dormaient ses deux filles, mais qu’ils ne les ont pas réveillées.

« Pourquoi viennent-ils dans les maisons uniquement la nuit, en dérangeant et en effrayant les gens ? » demande-t-elle. « Je remercie Dieu que mes filles n’ont pas été réveillées, surtout l’aînée, parce qu’elles auraient eu très peur des soldats ».

Dans certains cas de la procédure de fichage, selon B’Tselem, les soldats israéliens enregistrent les membres de la famille sur caméra.

Cela a pu être le cas quand cette vidéo a été filmée par des volontaires de B’Tselem en février, alors que des soldats israéliens étaient entrés dans la maison de la famille au milieu de la nuit et qu’ils filmaient les enfants qui y vivaient :

Vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=YaN3MbgVWkU

L’ancien soldat Weinberg dit : « Pour mes commandants et pour le GSS (General Security Service, Service Général de la Sécurité – agence de renseignements interne d’Israël, connue aussi sous le nom de Shabak ou Shin Bet), il n’y a pas de personne innocente. Autrement dit, tout le monde est un futur terroriste en puissance, et c’est pourquoi il nous faut les connaître tous. »

Espionnage

L’extrême violence et l’exploitation de la vie privée des Palestiniens ont été dénoncées l’année dernière par un groupe de réservistes israéliens qui participaient à l’opération d’espionnage électronique de l’unité d’élite, « Unit 8200 ».

Dans leur lettre ouverte, les soldats reconnaissent de façon rare l’espionnage d’Israël sur les Palestiniens dans le but d’utiliser les renseignements personnels pour les contraindre à collaborer.

Israël a même externalisé une partie de ces renseignements ainsi recueillis vers l’Autorité palestinienne et les Nations-Unies à travers le mécanisme de reconstruction de Gaza pour reconstruire les près de 100 000 maisons qu’il a gravement endommagées ou détruites l’année dernière.

Rien n’est inoffensif ou impersonnel quand il s’agit de l’occupation israélienne. Et aucune maison palestinienne n’est à l’abri de ses abus de pouvoir.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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