Amnesty condamne le procès secret par Israël d’un responsable d’une organisation humanitaire chrétienne

Ali Abunimah – The Electronic Intifada – 30 août 2016

 

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Rafah, bande de Gaza, le 29 août : Les Palestiniens se mobilisent pour Mohammad El Halabi, directeur de Vision Mondiale à Gaza, dont le procès secret est en cours en Israël (Abed Rahim Khatib – APA Images)

Israël a ouvert le procès secret d’un responsable d’une organisation humanitaire chrétienne mondiale de développement dans un contexte de condamnations des défenseurs des droits humains.

Mardi, Mohammed El Halabi, directeur de l’organisation pour Gaza, a comparu en une audience préliminaire à Bir al-Saba, ville dans le sud de ce qui est actuellement Israël.

L’ensemble des médias et du personnel de Vision Mondiale ont été empêchés d’assister à l’audience, déclare l’avocat d’Halabi à l’agence AFP.

Pour Kevin Jenkins, directeur général de Vision Mondiale international, « Un procès n’est régulier que s’il est transparent ».

« Les procès secrets constituent la violation la plus flagrante du droit à un procès public. Tenir ces audiences derrière des portes fermées rendrait toute condamnation sujette à caution », déclare Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.

D’autres procédures judiciaires auraient été reportées à octobre.

Israël a placé en détention Halabi en juin, il l’a interrogé pendant plus de 50 jours et l’a alors accusé de détournements de fonds jusqu’à 50 millions de dollars au profit de la branche militaire du Hamas – un montant qui représente deux fois le budget de l’ensemble du programme de Vision Mondiale pour Gaza pour la dernière décennie.

« D’après les normes internationales, les procès ne peuvent se dérouler à huis clos que dans des circonstances exceptionnelles », ajoute Amnesty, notant que « les autorités israéliennes n’ont avancé aucun élément expliquant pourquoi de telles conditions sont nécessaires au déroulement de ce procès ».

Torturé

Amnesty a également demandé à Israël d’enquêter immédiatement sur les informations selon lesquelles Halabi a été torturé et a pu avouer avoir volé des sommes d’argent qui sont « extrêmement contestables » étant donné le budget actuel de Vision Mondiale pour Gaza, et le fait qu’il n’avait qu’une autorité limitée sur les fonds.

« Les preuves obtenues sous la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant doivent être exclues de la procédure. » déclare Amnesty.

L’organisation des droits de l’homme note, cependant, que l’Agence de sécurité d’Israël, connue aussi sous le nom de Shin Bet, qui a placé Halabi en détention et l’a interrogé pendant des semaines sans qu’il n’ait accès à un avocat, que cette Agence bénéficie d’une immunité globale pour son utilisation systématique de la torture.

« Entre 2001 et 2016, le nom de l’Agence israélienne de sécurité a été cité dans près de 1 000 plaintes pour torture et mauvais traitements », déclare Amnesty « sans qu’aucune information judiciaire ne soit ouverte ».

 

Un manque de crédibilité

La préoccupation d’Amnesty vient de ce que des diplomates de pays alliés à Israël ont émis des doutes sur sa crédibilité envers les allégations de Vision Mondiale.

Le quotidien de Tel Aviv, Haaretz, cite « des diplomates occidentaux » disant qu’Israël avait seulement cherché à créer une « rumeur diplomatique publique » et qu’il n’avait pas fourni la moindre preuve, à aucun pays donateur, qui soutienne l’accusation que des fonds de Vision Mondiale auraient été transférés au Hamas.

Après son arrestation d’Halabi et d’un responsable du programme des Nations-Unies pour le développement, toujours sur l’allégation d’avoir aidé le Hamas, Israël a lancé une campagne de diffamation à l’échelle mondiale contre les organismes d’aide humanitaire à Gaza.

Selon Haaretz, les ambassadeurs australiens, britanniques et états-uniens ont protesté auprès du ministère des Affaires étrangères d’Israël contre le « manque de coopération de la part des autorités israéliennes ».

Les diplomates auraient noté qu’Israël avait « investi des efforts considérables en réunions d’informations avec les médias israéliens et internationaux. Cependant, il n’a investi quasiment aucun effort pour transférer ses informations et ses preuves à ses alliés et amis les plus proches dans le monde ».

Plusieurs pays, dont l’Australie et l’Allemagne, ont suspendu leurs subventions à Vision Mondiale compte tenu de ces accusations désastreuses par les Israéliens.

« Il est évident qu’avec de telles allégations graves contre un membre de notre personnel, nous demandons pour lui une audience équitable », dit Kevin Jenkins, directeur général de l’organisation humanitaire à l’AFP.

Vision Mondiale a précédemment déclaré qu’on ne lui avait présenté aucun élément de preuve à l’appui des allégations contre Halabi.

Elle souligne que les accusations israéliennes vont à l’encontre de la réalité des faits : le budget global de l’organisation, pour Gaza, au cours de la dernière décennie a été d’environ 22,5 millions de dollars – moitié moins que le montant qu’Israël prétend qu’Halabi aurait détourné en seulement six ans.

« Nous ne sommes pas une organisation naïve. Nous avons des systèmes de classe mondiale pour prévenir le genre des choses qui sont alléguées ici » dit Jenkins à l’AFP. « Il est très difficile de concilier ces chiffres avec les contrôles que nous avons mis en place ».

C’est peut être précisément pour cela qu’Israël, après sa vaste campagne médiatique mondiale, se retranche aujourd’hui derrière la protection du secret.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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