L’inaction de la Cour pénale internationale favorise la violence de l’occupation israélienne

Par Maureen Clare Murphy, le 26 janvier 2021

Ahed Quqas, 25 ans, a été exécuté par un garde des colonies à un carrefour en Cisjordanie le 5 janvier (Ammar Awad Reuters).

Plus de 3600 Palestiniens ont été tués par les forces d’occupation israéliennes et 100000 autres blessés depuis 2009, l’année où la Cour pénale internationale (CPI) a lancé son premier examen préliminaire de la situation en Palestine.

Ahed Quqas, 25 ans, a été le premier mort direct de l’occupation cette année, quand un garde d’une colonie lui a tiré une balle dans la tête en présence de soldats israéliens le 5 janvier. 

L’armée israélienne a affirmé qu’un « coordinateur de sécurité » près du carrefour d’une route des colonies en Cisjordanie a remarqué « un suspect en approche ».

L’armée a dit que le « coordinateur de sécurité » et un soldat qui était avec lui « ont suivi la procédure d’arrestation de suspect, y compris le fait de tirer en l’air, procédure au cours de laquelle le suspect a lancé un couteau ». 

A ce moment, le « coordinateur de sécurité » de la colonie d’Etzion a exécuté Qupas.

Comme Gideon Levy l’a rapporté dans Haaretz, le quotidien de Tel Aviv, aucun enregistrement d’une caméra de sécurité montrant Qupas lancer un couteau n’a été rendu public.

L’armée est d’habitude rapide à rendre publique ce genre de documentation quand elle pense que cela est utile à son récit.

L’armée a seulement publié la photo d’un couteau, ce qui, comme le dit Levy, « ne prouve rien ».

Quqas avait ouvert, quelques jours auparavant seulement, une boutique de confiserie dans sa ville de Beit Ommar, près de Hébron, après des années d’apprentissage à Ramallah.

Israël a conservé le corps du jeune homme, empêchant sa famille d’organiser des funérailles ou de faire faire une autopsie.

Les colonies et la violence de la colonisation

Quqas a été tué près de l’intersection avec une route des colonies. L’infrastructure de l’occupation d’Israël et de l’entreprise coloniale est une poudrière pour la violence meurtrière dirigée contre les Palestiniens. 

La mort de Qupas illustre l’utilisation laxiste de la force par les soldats israéliens et les gardes des colonies. 

Lcoercies comités d’auto-défense des colons jouent aussi un rôle clé en créant un environnement coercitif afin de chasser les Palestiniens de leurs terres. 

Les groupes de défense des droits humains palestiniens disent que l’« intensification » de l’occupation demande une action immédiate de la Cor pénale internationale.

L’urgence est « rendue encore plus nécessaire par le soutien, qui s’intensifie lui aussi, des Etats-Unis » pour les constructions coloniales d’Israël et ses intentions d’annexer formellement des territoires occupés. 

Il y a juste un peu plus d’un an, Fatou Bensouda, présidente de la Cour pénale internationale, a déclaré que les critères d’enquêtes pour crimes de guerre en Cisjordanie et à Gaza occupées avaient été remplis. 

Elle a mentionné le transfert illégal par Israël de sa population civile dans les colonies de Cisjordanie comme exemple d’un cas de crimes de guerre potentiels provenant d’une enquête en Palestine.

Bien que l’illégalité des colonies d’Israël soit une « affaire ouverte et close », selon les mots du rapporteur spécial des Nations Unies Michael Lynk, Bensouda n’a toujours pas ouvert d’enquête, bien que ce soit en son pouvoir de le faire. 

Au lieu de cela, elle a demandé un jugement à propos de la juridiction de la cour, renvoyant la situation de la Palestine à un panel de juges, où elle reste actuellement en suspens.

Le rythme interminable des procédures de la cour n’est guère à la hauteur de l’urgence de la situation sur le terrain.

Ce mois-ci, Israël a approuvé des plans pour construire près de 3000 unités d’habitation coloniales supplémentaires en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est.

Comme cela a été remarqué par le nouvel émissaire pour la paix au Moyen-Orient des Nations Unies, Tor Wennesland, dans son premier rapport au Conseil de sécurité cette semaine, «  des unités développées et offertes, la majorité se trouve dans des colonies éloignées, en plein coeur de la Cisjordanie occupée ».

Il a ajouté que plus de 200 de ces unités « sont situées dans des avant-postes illégaux que les autorités israéliennes régularisent rétroactivement conformément au droit israélien ».

Parallèlement, la violence contre les Palestiniens par les comités d’auto-défense des colons augmente.

Le groupe israélien Yesh Din a confirmé des dizaines d’incidents au cours desquels les colons ont attaqué des Palestiniens de Cisjordanie au cours du mois passé.

Ces attaques incluaient des colons bloquant les carrefours importants sur la principale autoroute de Cisjordanie et jetant des pierres sur les véhicules palestiniens.

Dans d’autres cas, comme Levy l’a rapporté dans Haaretz, «  des colons ont envahi des communautés palestiniennes, jetant des pierres sur les gens et incendiant des voitures ». 

Les colons ont aussi attaqué des fermiers palestiniens travaillant leur terre.

Beaucoup de ces incidents ont été enregistrés sur des vidéos ou documentés par des photos. Cette documentation montre que des soldats se tenaient passivement à proximité et n’ont rien fait pour arrêter la violence.

Samedi, des colons ont jeté des pierres sur des maisons palestiniennes, dans le village cisjordanien de Burin, près de la colonie de Yitzhar. Les images prises pendant l’incident montrent la vérité sans équivoque : les soldats des forces de défense israliennes se tenaient près des jeteurs de pierre et les ont laissé faire. 

https://t.co/NfBPpxTCTa

— Breaking the Silence (@BtSIsrael) 25 janvier 2021

Des soldats ont témoigné auprès de Breaking the Silence [Briser le silence], un groupe de vétérans israéliens critiques de l’occupation, qu’ils n’étaient pas autorisés à arrêter ou à détenir les colons.

Violence en tandem 

Alors qu’ils paraissent parfois s’opposer, l’armée et les colons colonisent la terre palestinienne en tandem.

En décembre, l’Administration civile d’Israël, un organisme militaire, a dit à deux villages de la région de Naplouse au nord de Cisjordanie que leur terre était maintenant classifiée comme résidentielle, et non plus agricole. 

La nouvelle classification permet à Israël d’exproprier la terre pour étendre la colonie voisine d’Yitzhar et ouvrir des routes servant aux colons qui y vivent.

Les colons d’Yitzhar sont parmi les plus violents de Cisjordanie, attaquant fréquemment des Palestiniens ainsi que leur bétail, les vergers, leurs maisons et leurs véhicules. 

Comme le groupe palestinien de défense des droits humains Al-Haq le note, «  ces attaques se produisent sous l’oeil vigilant » de l’armée israélienne, « lorsqu’elles ne sont pas activement encouragées par elle ». 

Isaac Levy, le garde de la colonie d’Yitzhar, «  est très tristement célèbre pour son rôle » dans la violence contre les villages palestiniens voisins, affirme Al-Haq. Il donne même des ordres aux soldats israéliens pendant ces attaques. 

Le groupe des droits a documenté 68 incidents de violence des colons contre les Palestiniens et leurs biens en Cisjordanie entre juillet et octobre 2020.

Dans beaucoup de ces cas, les soldats israéliens n’ont pas arrêté la violence et au contraire ont utilisé la force contre leurs victimes palestiniennes.

Sous la protection de l’armée, les colons utilisent la violence pour empêcher les Palestiniens de travailler leur terre.

Dans un incident qui s’est produit en septembre, des Palestiniens s’étaient rassemblés paisiblement à Asira al-Qibliya, au sud de Naplouse, pour planter des oliviers. Ils ont été rejoints par des dizaines de colons et de soldats israéliens. 

L’armée a utilisé des bombes de gaz lacrymogènes et des bombes assourdissantes pour disperser par la force les planteurs d’arbres, mettant le feu au terrain. Parallèlement les colons ont attaqué les Palestiniens, y compris un journaliste couvrant l’événement, avec des pierres et des bâtons, raconte Al-Haq. 

La violence n’a fait que croître pendant la récolte des olives qui commence en octobre.

Des colons d’Yitzhar, appuyés par des soldats, ont attaqué un événement de solidarité le premier jour de la récolte près du village de Huwwara, au sud de Naplouse.

Les soldats ont dit aux Palestiniens de quitter leur terre plutôt que de demander aux colons de cesser de jeter des pierres aux fermiers, dont certains ont dû être hospitalisés à cause de leurs blessures.

Al-Haq dit que les attaques des colons « sont le résultat direct du transfert des civils israéliens en territoire occupé », une violation de la Quatrième Convention de Genève et donc un crime de guerre. 

« L’échelle et la fréquence de la violence des colons ont créé un environnement coercitif » pour les Palestiniens, « qui pourrait résulter en leur transfert forcé », ajoute al-Haq.

Le transfert forcé est aussi un crime de guerre.

Mais cela importe peu à Israël, tant qu’il ne paie aucun prix pour violer les droits palestiniens, y compris le droit à la vie et le droit à l’auto-détermination.

 Comme les groupes de défense des droits humains palestiniens l’ont dit le mois dernier à la Cour pénale internationale, qui continue à tergiverser :

«  Abandonné par la communauté internationale, incpable d’avoir accès à aucun tribunal, qu’il soit israélien, étranger ou international, et soumis à une occupation cruelle, le sort du peuple palestinien est maintenant plus que jamais lié à la Cour pénale internationale ». 

Maureen Clare Murphy est rédactrice adjointe à The Electronic Intifada et vit à Chicago.

@maureenclarem sur Twitter

Source : The Electronic Intifada

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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