Majd Kayyal: des jours historiques, entre la peur et la fierté

Par Majd Kayyal, chercheur et écrivain de Haïfa, 13 mai 2021

Illustration de Majd Kayyal: Charlotte Planche, ATTAC

Une nuit longue et continue. On assiste à des affrontements à Nazareth. Comme dans de nombreux autres endroits. Les blessé.e.s se comptent par centaines, deux jeunes hommes sont dans un état critique et se battent pour leur vie à l’hôpital. La vague d’arrestations ne se limite plus aux manifestants, elle a pris une tournure d’intervention des services de renseignements pour faire taire les voix qui appellent à poursuivre la lutte. Dans le même temps, Israël mobilise tous ses arabes de service (dans toute leur diversité) pour qu’ils participent aux violences depuis l’intérieur.

Une vague de licenciements des travailleur.se.s a également commencé, sur la base de leurs positions politiques.

Des avocat.e.s exceptionnel.le.s jouent un rôle admirable pour la défense des prisonnier.e.s. Leur nombre est cependant très insuffisant, l’organisation est faible, et le poids de la tâche repose sur quelques-un.e.s. La raison vient en partie du fait qu’une certaine classe sociale ne se sent pas concernée par ce soulèvement.

Il y a aussi une défaillance dans notre suivi des blessé.e.s, pour récolter leurs noms et leur apporter l’aide nécessaire. C’est une situation étrange dans une société dont la moitié est infirmier.e ou médecin.

Les travailleur.se.s limogé.e.s de leur emploi, n’ont pas reçu la défense syndicale appropriée.

Ce sont des points essentiels, particulièrement au regard de la régression à laquelle nous avons assisté dans les années passées concernant le rôle des institutions et des associations. Et oui, ceci est un appel à tou.te.s à prendre des initiatives et à garder la maîtrise des choses.

Ce sont des jours historiques, qui vacillent entre la peur et la fierté.

Une peur pour nos mères, nos pères, nos maisons, nos enfants et ceux que nous aimons, face à l’ennemi colonial affreux et la quantité de ceux qui sont portés par la soif de sang.

Eux en revanche se déplacent, s’organisent avec une liberté absolue, une couverture et un soutien des services de renseignements et de la police israélienne sur le terrain, que nous ne pouvons d’ailleurs pas vraiment différencier des colons.

D’un autre côté, il y a une fierté et une joie absolues à voir se manifester la défense la plus belle et la plus farouche – c’est à dire la plus humaine – pour ce lieu que nous aimons, quelle que soit son usure et la nôtre avec lui.

La défense du lieu que nous aimons, qui est celui de nos être chers, de nos souvenirs et de nos rêves, de notre histoire cruelle et de notre espoir têtu.

La défense d’un lieu unique dans lequel nous avons la possibilité de construire une société vivante et libre. La défense de la Palestine.

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