Les investissements d’Amazon en Israël révèlent sa complicité avec les colonies et les opérations militaires israéliennes

Par Charmaine Chua, Jake Alimahomed-Wilson et Spencer Louis Potiker, le 22 juin 2021

Avant de cliquer sur « j’achète » à l’occasion du « Prime Day », réfléchissons au rôle d’Amazon dans la terreur imposée aux palestiniens.

Ayman Nobani / Xinhua via Getty Images

A l’occasion de Prime Day , l’événement de shopping en ligne le plus important d’Amazon, l’entreprise va chercher à battre son précédent record de vente de $10,4 milliards. Les clients d’Amazon sont devenus de plus en plus critiques du traitement par Amazon de leurs ouvriers, de leurs activités anti-syndicales, et de leurs partenariats avec la police, le contrôle des frontières et la douane,  certains allant jusqu’à appeler à un boycott de Prime Day. Ce que les membres d’Amazon Prime ignorent peut-être, c’est qu’Amazon participe aussi à l’extension de l’occupation militaire à l’étranger.

En plein milieu des attaques meurtrières les plus récentes sur Gaza, et de l’éviction encore en cours des résidents palestiniens de Sheikh Jarrah, Amazon Web Services (AWS), avec Google, viennent de signer un contrat de $1,2 milliards avec le gouvernement israélien.  Le deal,  Project Nimbus, est un projet phare qui a pour but de fournir des services cloud  en « écosystème » pour le secteur public israélien dont l’IDF (Israeli Defense Forces) devra être le principal bénéficiaire.  Trois centres de serveurs de données sont déjà en voie de construction. 

Amazon affirme que le deal va dynamiser des start-up innovateurs et stimuler le développement économique à travers tout le pays.  Ce qui est passé sous silence, c’est qu’un des principaux objectifs du  Project Nimbus  est la sécurité nationale israélienne.  Le système garantit que les données « resteront à l’intérieur des frontières d’Israël » a commenté le Ministre des Finances israélien, et devra accroître la compétence de l’IDF dans les technologies de l’intelligence artificielle, telles que celles déjà déployées dans la répression des activistes palestiniens, la surveillance le long de la frontière de la bande de Gaza, et le système Iron Dome (Dôme de Fer) d’Israël.

Le service cloud d’Amazon contribuera aussi aux efforts israéliens d’expansion coloniale en fournissant des données pour le Israel Land Authority (ILA), l’agence gouvernementale qui gère et alloue les terres de l’Etat.   Ainsi que l’affirme Human Rights Watch, l’ILA administre des politiques discriminatoires de distribution des terres qui favorisent la croissance et l’expansion des colonies à prédominance juive, tout en confinant les palestiniens dans des centres densément peuplés. 

Depuis la guerre arabo-israélienne de 1948 qui a abouti à la création de l’état d’Israël, 700 000 Palestiniens se sont trouvés expulsés de leurs terres de naissance, dans un processus continu de dépossession et d’exil que les Palestiniens appellent le  Nakba  – le mot arabe pour « catastrophe ».

Les activistes palestiniens affirment que le pouvoir d’Israël n’est pas maintenu que militairement. Il est maintenu aussi grâce au soutien international des grandes entreprises et des gouvernements.

Amazon a ouvert ses bureaux en Israël pour la première fois en 2014, la même année que l’assaut militaire brutal sur Gaza mené par Israël.  Plus de 2000 gazaouis y ont trouvé la mort.  Amazon a, depuis, étendu ses activités en Israël, et créera des milliers d’emplois dans les années à venir, les emplois AWS récents nécessitant au préalable une habilitation accordée par la sécurité israélienne.

Le partenariat avec Israël marche dans les deux sens : depuis 2015, Israel Aerospace Industries (IAI),  fabricant dans le domaine de l’aérospatial et de l’armement, fournit l’armée israélienne et se trouve en première ligne dans l’expérimentation avec des « robo-snipers » autonomes et les drones déployés le long de la frontière de Gaza.  Il a par ailleurs vendu des armes à l’armée birmane suite à ses attaques sur la minorité rohingya.

Non seulement les tech-entreprises étasuniennes ont forgé depuis des années des liens avec la tech-industrie  d’Israël, mais elles ont de plus en plus cherché à se procurer des contrats lucratifs avec le gouvernement lui-même.  Comme le fait remarquer le groupe activiste, Amazon Employees for Climate Justice ( Salariés d’Amazon pour la Justice Climatique), Project Nimbus participe d’un « modèle de militarisation » qui comprend des contrats avec le milieu militaire nord-américain, l’ICE (police des frontières), et des agences policières. Ces contrats sont devenus une source majeure de profit pour Amazon.  En tant que générateur principal de profit pour l’entreprise, AWS fut à l’origine de 63 % des bénéfices d’exploitation totales l’année dernière.  A leur tour, ces bénéfices propulsent l’expansion de l’infrastructure logistique d’Amazon pour ses opérations globales d’e-commerce.

En 2019, Amazon a élargi ses opérations d’e-commerce en Israël, offrant la livraison gratuite pour toute commande excédant $49.  Une enquête menée par le Financial Times a révélé qu’Amazon offrait la livraison gratuite aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, mais uniquement aux Palestiniens qui acceptaient de déclarer Israël comme lieu officiel de résidence.

Des groupes défenseurs des droits ont qualifié cette politique de discriminatoire, affirmant que cette politique rend légitimes les colonies israéliennes et obligent les palestiniens à s’identifier avec l’occupant.  En réponse à ces vives protestations, Amazon a retiré, peu de temps après, cette politique de vente.

Des checkpoints sécuritaires contrôlés par Israël et les « routes de l’apartheid » en Cisjordanie occupée restreignent sévèrement la circulation de biens essentiels dans une économie déjà fragilisée. Étant donné l’accès limité qu’ont les palestiniens pour satisfaire leurs besoins essentiels, cette révision de la politique de vente par Amazon a bien peu du rameau d’olivier.  Bien au contraire, en coopérant avec l’appareil sécuritaire israélien, les relations entretenues par Amazon avec le gouvernement israélien ont facilité l’accès à un marché captif de consommateurs souffrant sous le joug de l’enfermement et de l’exclusion.

Au mois de mai, de plus en plus consternés par « l’assaut continu sur les droits humains fondamentaux des palestiniens », des centaines de salariés d’Amazon ont signé une lettre appelant la direction d’Amazon à reconnaître la souffrance palestinienne et à établir un cadre garantissant le respect des droits humains pour la conduite des affaires.  Bien qu’un mouvement international croissant soit en train de s’organiser contre Amazon, cet élan pourrait bien se trouver freiné par les termes du contrat avec le gouvernement israélien qui interdisent à Amazon et à Google d’arrêter leurs services sous la pression d’un boycott.  Cependant, un tel pas en arrière montre qu’Israël est de plus en plus conscient que le mouvement BDS est en train de gagner en puissance contre les corporations qui maintiennent des liens avec ses colonies illégales.

Alors que les 200 millions de membres  Prime  à travers le monde dépendent de plus en plus sur la Livraison Prime porte-à-porte, nous devons garder à l’esprit que notre consommation est liée au rôle d’Amazon dans l’occupation israélienne .  Ces jours-ci, des citoyens partout dans le monde demandent à leurs gouvernements de mettre une fin à la coopération avec Israël et de boycotter les entreprises investies dans la machine de guerre israélienne. S’attaquer à Amazon, dont les atteintes chez nous aux droits des ouvriers ainsi que leur exploitation sont inséparables du vol des terres et de la violence des colons à l’étranger, est aujourd’hui plus crucial que jamais. 

Charmaine Chua est professeur de Global Studies à l’Université de Californie à Santa Barbara.

Jake Alimahomen-Wilson est professeur de Sociologie à l’Université de Californie à Long Beach et co-éditeur de The Cost of Free Shipping : Amazon in the Global Economy (Pluto Press, 2020)

Spencer Louis Potiker est doctorant en Global Studies à l’Université de Californie à Irvine.

Source : The Nation

Traduction BM pour l’Agence média Palestine

Retour haut de page