Les groupes de défense des droits des Palestiniens affirment que l’étiquette « terreur » d’Israël ne les arrêtera pas

Hagar Shezaf, 24 octobre 2021

Shawan Jabarin, le directeur d’Al-Haq, dans les bureaux de l’organisation à Ramallah, samedi. Crédit : Majdi Mohammed / AP

Le directeur d’Al-Haq, l’une des six organisations et le groupe palestinien de défense des droits de l’Homme le plus important dans les territoires, a déclaré que les groupes étudiaient leur prochaine action en justice et qu’ils n’arrêteraient pas leur travail.

Les six organisations de la société civile palestinienne de Cisjordanie que le ministre de la Défense Benny Gantz a désignées vendredi comme des groupes terroristes ont déclaré samedi qu’elles ne se laisseront pas décourager par ce qu’elles appellent les efforts visant à les réduire au silence.

Al-Haq, l’une des six organisations, est le groupe palestinien de défense des droits de l’Homme le plus important dans les territoires et bénéficie d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies. Le service de sécurité Shin Bet a plusieurs fois par le passé empêché son directeur, Shawan Jabarin, de quitter la Cisjordanie pour se rendre à l’étranger.

Fondé en 1979, Al-Haq compile des rapports sur les violations des droits de l’Homme dans les territoires, tant par Israël que par l’Autorité palestinienne. Rien que l’année dernière, Al-Haq a publié des rapports sur les travailleurs palestiniens dans les colonies et la dépendance de l’économie palestinienne à leur égard, sur la torture dans les prisons de l’Autorité palestinienne, sur la liberté d’expression dans l’Autorité palestinienne et sur l’annexion de facto de la Cisjordanie par Israël.

Al-Haq est également l’une des forces à l’origine de la comparution d’Israël devant la Cour pénale internationale de La Haye.

M. Jabarin a déclaré qu’Al-Haq n’avait pas été prévenu de l’ordonnance et a mis Israël au défi de présenter des preuves de ses affirmations. Lors d’une conférence de presse conjointe tenue par les organisations à Ramallah samedi, Jabarin a déclaré que les groupes étudiaient leur prochaine action en justice et qu’ils n’arrêteraient pas leur travail. « Gantz dit que nous sommes une organisation terroriste, alors que lui-même est un criminel de guerre », a déclaré Jabarin.

Une autre organisation figurant sur la liste des groupes terroristes d’Israël est Addameer, fondée en 1991, qui offre une aide juridique aux Palestiniens dans les prisons israéliennes, publie des données sur eux et fait pression contre le système de justice militaire israélien, la détention administrative, l’isolement cellulaire et le refus de soins médicaux appropriés aux prisonniers. Addameer a défendu l’ancienne députée palestinienne Khalida Jarrar et Samer Arbid, accusé du meurtre de Rina Shnerb et considéré comme le chef d’une cellule terroriste, dénonçant le recours à la violence lors de son interrogatoire.

Addameer dit chercher à « construire une société palestinienne libre et démocratique fondée sur la justice, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’Homme dans le cadre plus large du droit à l’autodétermination. »

L’armée israélienne a fait plusieurs fois irruption dans les bureaux de l’organisation, la dernière fois en 2019, saisissant des ordinateurs, du matériel vidéo et des documents contenant des informations sur les prisonniers dont Addameer traitait les dossiers. La semaine dernière encore, Addameer a annoncé qu’Israël avait révoqué le statut de résident de Jérusalem de l’un de ses avocats, Salah Hammouri. Addameer a déclaré que la raison invoquée était l’implication de Hammouri dans « une activité terroriste ou une association avec une entité terroriste », selon des informations confidentielles.

Saher Francis, directeur d’Addameer, a déclaré samedi aux journalistes que l’ordre de Gantz était le point culminant des mesures prises au fil des ans pour nuire aux organisations. « Surtout à la lumière de la décision de la cour pénale de La Haye d’ouvrir une enquête et du changement de paradigme dans la mesure où le monde a commencé à parler du colonialisme et de l’apartheid – cela inquiète l’occupation et nous pensons qu’il s’agit d’une nouvelle tentative de nous faire taire », a-t-elle déclaré.

Defense for Children International-Palestine a été fondée en 1991 en tant que branche de l’organisation internationale Defense for Children, dont le siège est à Genève, en Suisse. DCI-Palestine fournit une aide juridique aux enfants dans les tribunaux militaires en Israël et mène des recherches sur les enfants emprisonnés par Israël, ainsi que sur l’impact de l’occupation sur les droits des enfants, y compris le droit à l’éducation et au logement. L’organisation documente les cas où des mineurs palestiniens sont tués par Israël, notamment une vidéo montrant le tir mortel de Nadim Nawara, 17 ans, lors d’une manifestation du Jour de la Nakba à Bitunya en 2016.

En juillet, l’armée israélienne a effectué un raid sur les principaux bureaux de DEI-Palestine à El Bireh, près de Ramallah. Selon le rapport de l’organisation, les soldats ont défoncé la porte et confisqué six ordinateurs de bureau, deux ordinateurs portables et des dossiers de mineurs emprisonnés par Israël qui sont représentés par l’organisation.

L’Union des comités de travail agricole, fondée en 1986, a créé des comités agricoles dans toute la Cisjordanie et à Gaza. L’objectif de l’organisation, selon son site Web, est de contribuer au secteur agricole en favorisant « la constance des agriculteurs et les moyens de subsistance durables. » Selon le rapport annuel de l’organisation pour 2019, elle a contribué à la restauration de terres agricoles, au pavage de routes agricoles et à la construction de citernes d’eau de pluie. L’organisation a investi des ressources importantes dans la zone C de la Cisjordanie (sous contrôle militaire et civil israélien total).

Deux des membres de l’organisation sont des membres du Front populaire de libération de la Palestine, Samer Arbid et Abed el-Razeq Faraj, qui a été accusé d’être complice du meurtre de Shnerb et d’occuper un poste dans une organisation non reconnue. En juillet, l’armée israélienne a fait une descente dans les bureaux de l’organisation à El Bireh et a laissé un ordre de fermeture pour six mois.

Le Bisan Center est un groupe de réflexion créé en 1989. Selon son énoncé de mission, il s’efforce de faire progresser les valeurs démocratiques et progressistes. Bisan épouse une vision du monde de gauche et critique le rôle de l’occupation israélienne dans la pauvreté en Cisjordanie ainsi que les politiques néolibérales de l’AP. En mars, Bisan a publié un périodique intitulé The Progressive contenant des articles sur le désengagement économique d’Israël. Samedi, Bisan a publié une déclaration disant: « Cette déclaration de l’état d’apartheid confirme la nature criminelle de l’occupation israélienne. Cette décision intervient après des efforts ciblés du ministère israélien des Affaires étrangères pour noircir ces organisations et couper les liens entre elles et leurs partenaires à l’étranger. » Fin juillet, l’armée israélienne a fait une descente dans les bureaux du Bisan Center.

En septembre 2019, Israël a arrêté l’ancien directeur de Bisan, Eteraf al-Rimawi, alors qu’il était directeur du conservatoire de musique Edward Said. Il a été reconnu coupable dans le cadre d’une négociation de plaidoyer en 2020 d’avoir occupé un poste et d’être membre d’une organisation interdite et d’activités au sein du Front populaire (principalement dans sa branche étudiante, selon la sentence). Il a été condamné à 42 mois d’emprisonnement.

L’Union des comités de femmes palestiniennes, autre groupe figurant sur la liste de Gantz, a été fondée en 1980. Sa mission, selon son site web, est de promouvoir une société palestinienne avancée et libre de toute discrimination. L’organisation forme les femmes à la participation à la politique, aide à la création de coopératives et préserve l’artisanat palestinien traditionnel. L’organisation offre également une aide juridique et psychologique aux femmes.

La directrice de l’Union, Khitam Saafin, a été arrêtée par Israël en 2020 et placée en détention administrative pendant six mois. En mai, alors qu’elle était en détention administrative, elle a été accusée d’occuper un poste dans une organisation illégale. L’organisation a publié samedi un communiqué indiquant qu’elle considérait la déclaration de Gantz comme diffamatoire et qu’elle visait à contrecarrer le droit des femmes palestiniennes à « défendre leurs droits nationaux, sociaux, culturels et juridiques. »

Source : Haaretz

Traduction TT pour l’Agence Média Palestine

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