Al Jazeera obtient une image de la balle qui a tué sa journaliste

Shireen Abu Akleh, une journaliste chevronnée d’Al Jazeera, a été tuée par balles le mois dernier en Cisjordanie occupée alors qu’elle couvrait des raids israéliens. 

Par l’équipe d’Al Jazeera publié le 16 juin 2022 

Un mural de la journaliste d’Al Jazeera abattue, Shireen Abu Akleh, orne un mur de la ville de Gaza [Adel Hana/AP]

Une investigation par Al Jazeera a permis d’obtenir une image de la balle utilisée pour tuer la journaliste de la chaîne, Shireen Abu Akleh.

La photographie montre pour la première fois le type de munition utilisé pour tuer la correspondante chevronnée d’Al Jazeera en Cisjordanie occupée, le mois dernier. 

Selon des experts en balistique et en médecine légale, la balle à bout vert était conçue pour percer les blindages et est utilisée dans un fusil M4. La cartouche a été extraite de la tête d’Abu Akleh.

La balle a été analysée en utilisant des modèles 3D et, selon les experts, il s’agissait d’un calibre 5,56 mm — celui utilisé par les forces israéliennes. La cartouche a été conçue et fabriquée aux Etats-Unis, ont dit les experts. 

Fayez al-Dwairi, un ancien major général de Jordanie, a dit à Al Jazeera que l’arme et la cartouche utilisées pour tuer Abu Akleh étaient régulièrement portées par les forces israéliennes.

«  Ce M4 et cette munition sont utilisées par l’armée israélienne. Ils sont disponibles et utilisés par les unités. Je ne peux pas dire par toute l’unité, ou par la plupart des soldats, mais ils l’utilisent », a dit al-Dwairi à Al Jazeera.

« Quand un soldat l’utilise, il l’utilse pour une cible définie — il veut chasser, il veut tuer — Il n’y a pas de façon de l’utiliser pour autre chose. » 

Vidéo : Une balle offre des indices sur l’assassinat d’Abu Akleh

Le ministre assistant aux Affaires multilatérales palestinien, Ammar Hijazi, a dit Al Jazeera que la balle restera avec le gouvernement palestinien pour une investigation complémentaire. 

Abu Akleh, une correspondante TV de longue date pour Al Jazeera-Arabe, a été tuée le mois dernier alors qu’elle couvrait des raids de l’armée israélienne dans la ville de Jénine.

Le cas d’Abu Akleh a été soumis à la Cour pénale internationale (CPI) et l’enquête récemment transférée au procureur de la CPI. Le statut du cas, cependant, reste incertain. 

« Nous pensons qu’il y a assez de preuves déposées chez le procureur … qui montrent sans doute raisonnable que le crime contre Shireen Abu Akleh a été commis par l’occupation israélienne et qu’ils sont les auteurs de ce crime horrible et devraient en être tenus pour responsables », a déclaré Hijazi.

Les Forces de défense israéliennes m’ont confirmé qu’ils n’ouvriront pas d’investigation criminelle sur la mort de la journaliste d’al-Jazeera Shireen Abu Akleh qui a été tuée pendant une opération militaire à Jénine la semaine dernière.— Anna Ahronheim (@AAhronheim) 19 mai 2022

« Des politiques à la gâchette facile »

Abu Akleh portait un gilet de presse et se trouvait avec d’autres journalistes quand elle a été tuée. 

Les autorités israéliennes ont dit initialement que des combattants palestiniens étaient responsables de sa mort, en faisant circuler une vidéo de Palestiniens tirant le long d’une ruelle. Cependant, des chercheurs du groupe israélien de défense des droits humains B’Tselem ont découvert l’endroit où le clip a été filmé et ont prouvé qu’il était impossible d’abattre Abu Akleh de là.

Dans une interview, Omar Shakir – directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch – a dit que toutes les preuves indiquent que le tir mortel est venu d’un soldat israélien. 

Sherif Mansour, coordinateur de programme MENA du Comité pour la protection des journalistes, a dit à Al Jazeera depuis Washington DC que le « schéma » consistant à tuer des travailleurs palestiniens des médias « est bien connu ». 

« Nous avons documenté au moins 19 journalistes qui ont été tués sous le feu israélien, certains pendant les guerres de Gaza dans des véhicules marqués comme véhicules de presse en 2012 et 2014 », a dit Mansour.

«  Quelques-uns ont aussi été tués par des snipers israéliens alors qu’ils portaient des gilets avec des signes de presse et étaient éloignés de toute situation menaçante, dont deux en 2018. Clairement, nous avons un problème ici de politiques à la gâchette facile qui autorisent cela à continuer. » 

Shireen Abu Akleh, 51 ans, journaliste palestinienne d’Al Jazeera

« J’ai choisi le journalisme pour être proche des gens, cela pourrait ne pas être facile de changer la réalité, mais au moins je pourrais apporter leur voix au monde. » 

La journaliste chevronnée d’Al Jazeera a été tuée alors qu’elle couvrait un raid de l’armée israélienne sur le camp de réfugiés de Jénine.

Au Akleh est née à Jérusalem en 1971. Elle a étudié le journalisme à l’université Yarmouk en Jordanie. Après son diplôme, elle est retournée en Palestine et a travaillé pour plusieurs médias. La journaliste palestinienne a rejoint le réseau de médias Al Jazeera en 1997. Abu Akleh a couvert les guerres de Gaza de 2008, 2009, 2012, 2014 et 2021. Elle a aussi couvert des informations de la région, dont la guerre de 2006 au Liban.]

« Justice et reddition de comptes » 

Dans ce qui a semblé être une attaque sans provocation lors des funérailles de la correspondante d’Al Jazeera dans les jours qui ont suivi sa mort, des policiers israéliens ont attaqué les porteurs, ce qui les a presque forcés à laisser tomber le cercueil d’Abu Akleh – un incident diffusé en direct qui a provoqué une indignation internationale.

Une enquête de la police israélienne sur l’attaque a conclu que personne ne devrait être puni, bien qu’elle ait conclu qu’il y avait eu faute de la part de la police, a rapporté le journal israélien Haaretz.

Nida Ibrahim d’Al Jazeera, depuis Ramallah ien Cisjordanie occupée, a dit que la version des événements par les Palestiniens était «  confirmée par tant d’investigations », y compris la plus récente par Al Jazeera.

«  Des Palestiniens ont dit depuis le premier jour qu’ils savent que la balle qui a frappé Shireen venait de soldats israéliens. Les témoins, les vidéos que nous avons vues des Palestiniens qui étaient là, montrent qu’il n’y avait pas de combattants palestiniens autour de la zone où était Shireen », a dit Ibrahim. 

«  Ce que les Palestiniens cherchent maintenant est la justice et la reddition de comptes ». 

Vidéo : Shireen Abu Akleh : que s’est-il passé ?

« La cause profonde » 

De double nationalité palestinienne et américaine, Abu Akleh était l’une des premières correspondantes d’Al Jazeera sur le terrain, rejoignant le réseau en 1997.

Ori Givati, un ancien soldat israélien faisant maintenant partie du groupe de plaidoyer Breaking the Silence [Briser le silence], a dit que la cartouche qui était analysée était « une balle très ordinaire ». 

« C’est la balle que la plupart des soldats [israéliens] utilisent pendant leur service », a-t-il dit à Al Jazeera. « Cette investigation sur l’assassinat de Shireen est extrêmement importante, mais nous devons aussi nous rappeler que ces incidents se produisent toutes les semaines. »

« Notre pays comprend que si vous examinez réellement ces cas, tout cela remonte à la cause profonde. C’est pourquoi le système est terrifié à l’idée de conduire vraiment des investigations . Je n’ai pas vu Israël enquêter vraiment sur aucun incident. »

Al Jazeera a envoyé un e-mail à au Département de la presse étrangère d’Israël pour commentaires vendredi dernier mais n’a pas reçu de réponse dans l’immédiat. 

Source: Al Jazeera

Trad. CG pour l’Agence Media Palestine

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