Interview de l’Agence Média Palestine avec l’avocate Janan Abdu sur les nouvelles lois israéliennes

Par l’Agence Media Palestine, le 07 mars 2023

Suite à un premier article informant plus précisément sur les récentes lois israéliennes, l’Agence Média Palestine a interviewé Janan Abdu, avocate et militante pour les droits humains à Haïfa.

Quelles sont les lois déjà adoptées et les projets de loi ?

Les lois déjà adoptées sont la loi modifiant l’ordonnance sur la police, qui donne au ministre Ben Gvir des pouvoirs excessifs sur la police. Et la loi  permettant d’expulser du territoire  des prisonniers de « haute sécurité ».

Les lois en attente d’approbation et qui ont fait l’objet d’une préparation préliminaire pour la première lecture sont les suivantes:

  • La loi autorisant la peine de mort pour les prisonniers de « sécurité » .
  • La loi sur le département d’enquête de la police qui propose de transférer toute l’autorité et la responsabilité des enquêtes policières du bureau du procureur au ministre responsable, ce qui rend ses décisions encore plus politiques.

À cela s’ajoutent des lois adoptées il y a peu, mais pas par ce gouvernement actuel, à savoir :

  • La loi sur la nationalité, dite loi « Etat-nation du peuple juif  »  qui donne la suprématie au peuple juif;
  • Une ordonnance temporaire renouvelant  une ordonnance  précédente  pour empêcher la réunification des familles palestiniennes du territoire israélien (dit de 1948) avec celles des territoires occupés de 1967.

Quelles sont les lois qui visent les Palestiniens de 1948 citoyens d’Israël et celles qui visent les Palestiniens des territoires occupés ?

Les Palestiniens des territoires occupés en 1967 sont soumis à un système de lois d’occupation, de lois militaires et de tribunaux militaires, y compris les détentions administratives. Mais les décisions et la législation israéliennes sont également appliquées et valables pour eux.

En fait, toutes les lois s’appliquent à tout Palestinien, si ce dernier est reconnu coupable d’une infraction à la sécurité en vertu de la loi israélienne.

La peine de mort est prévue par le droit israélien dans certains cas tels que la trahison, et aussi dans le droit militaire, à condition qu’il y ait obligatoirement  l’accord de trois juges. La nouvelle loi proposée annulera la possibilité de choisir entre l’emprisonnement à vie et la peine de mort et obligera le tribunal à condamner le prisonnier à la peine de mort.

Qu’arrive-t-il à un Palestinien privé de sa citoyenneté, quelle citoyenneté lui reste-t-il ?

Selon la nouvelle loi, la citoyenneté sera révoquée.

La loi sur la révocation de la citoyenneté s’appliquera également à un Palestinien de 1948, même s’il n’a pas d’autre citoyenneté. Selon cette loi, non seulement sa citoyenneté peut être révoquée, mais il peut être renvoyé dans le pays dont il aurait la citoyenneté ou déporté en Cisjordanie ou à Gaza, même sans l’accord de l’Autorité palestinienne : cette décision peut lui être imposée ainsi qu’à l’Autorité palestinienne.

Quelle est la position des groupes parlementaires sionistes de gauche sur ces lois ?

Il n’y a pas de parti sioniste de gauche au gouvernement aujourd’hui. Le parti Meretz n’a pas été élu aux dernières élections et le parti travailliste n’est pas de gauche au sens de la « gauche ». 

Les partis de gauche ne se sont pas opposés à la destruction des maisons palestiniennes ou à la non-restitution des corps palestiniens, pas plus qu’ils ne se sont opposés aux opérations militaires à Jénine et Naplouse.

Par ailleurs, la loi sur la nationalité avant ce gouvernement a été le fruit d’un consensus entre les soi-disant sionistes de gauche et de droite.

Que pense l’opinion publique palestinienne de la loi de la Cour suprême ?

La Cour suprême n’a jamais été démocratique avec les Palestiniens. Elle a accepté des lois qui peuvent être définies comme racistes, comme la loi sur la nationalité, et les a approuvées. Elle a autorisé la démolition de maisons de Palestiniens. Aujourd’hui, la loi proposée prive la Cour de la possibilité de modifier les lois et d’influencer les décisions du gouvernement.

Le public juif israélien semble plus sensible aux lois qui limitent ses propres libertés.  Que se passe-t-il dans les manifestations ? Haïfa est-elle différente des autres villes en ce qui concerne la composition de ces manifestations ?  Où les Palestiniens manifestent-ils ?

Il est vrai que la soi-disant gauche israélienne est restée silencieuse lorsque les Palestiniens ont été attaqués dans leurs maisons à Haïfa, Lod, Acre et Jaffa. Elle est restée silencieuse lorsque des accusations ont été portées contre les Palestiniens et non contre les Juifs lors de ces mêmes événements (le soulèvement pour la dignité, « Karama »). Elle est restée silencieuse sur la destruction de leurs maisons et les restrictions dans les prisons. Ce n’est que lorsqu’il s’est agi de leurs libertés qu’ils ont ressenti le besoin de protester. L’État n’est démocratique que pour les citoyens juifs.

Les Palestiniens ne protestent pas, ils ne font pas partie du collectif israélien. Des grandes manifestations ont eu lieu à Tel Aviv sous le drapeau israélien. Le drapeau palestinien, celui qui représente le peuple palestinien, est lui interdit.

En ce qui concerne la peine de mort, comment vont-ils définir ce qu’est un terroriste, et cette peine peut-elle être rétroactive ? Marwan Barghouti et Ahmad Saadat pourraient-ils être condamnés à la peine de mort ?

La définition du terrorisme existe dans le droit israélien. La loi israélienne s’applique à tous les Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem, en 1948 et en 1967.

Il n’est pas certain qu’elle s’applique rétroactivement. En principe, une loi ne s’applique pas rétroactivement et ne s’applique pas aux crimes qui n’étaient pas considérés comme commis avant son approbation. Mais Israël peut violer la loi, il la viole tout le temps. Il enlève des Palestiniens en Israël, les interroge dans les centres d’interrogatoire du Service général de sécurité et les détient dans des prisons en Israël, tout cela en violation de l’art et des règles du droit de la guerre et de l’occupation, en violation de la quatrième convention de Genève.

Comment analysez-vous cette nouvelle loi, sachant qu’il est plus facile pour Israël d’assassiner des Palestiniens comme ils le font tous les jours, que de passer par une longue procédure judiciaire ?

L’objectif de cette loi est de dissuader les Palestiniens et de leur infliger une punition collective. Il y a aussi des citoyens et des colons juifs accusés de terrorisme, mais ni la peine de mort et ni la déportation ne s’appliqueront à eux.

Israël s’achemine vers un fascisme systématique et des déclarations ouvertement racistes de la part de ses ministres.

Janan Abdu, est avocate et militante pour les droits humains à Haïfa.

Interview réalisée par l’Agence Média Palestine le 07 mars 2023

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