L’industrie de la fleur à Gaza dépérit sous le blocus israélien

Isra Saleh el-Namey – The Electronic Intifada – 13 avril 2016

 

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Février 2013, un ouvrier palestinien prépare des œillets pour l’exportation, dans une ferme à Rafah, au sud de la bande de Gaza. (Eyad Al Baba APA/Images)

 

L’exploitation des fleurs d’Ayman Awkal se réduit chaque année.

Cet horticulteur âgé de 56 ans cultivait autrefois 60 dunums (60 ha) de toutes les sortes imaginables de fleurs, des roses, des chrysanthèmes, des anémones et des œillets, avant que le blocus israélien ne s’applique en 2007.

« Les fleurs ont été la seule source de revenu pour ma famille pendant de nombreuses années, » dit-il.

Mais maintenant, ce gagne-pain a disparu. Il est inutile, dit Awkal, de continuer à faire pousser des fleurs avec le blocus dévastateur de la bande de Gaza par Israël. Les exportations de fleurs partaient autrefois vers l’étranger. Aujourd’hui, c’est impossible.

« J’ai dû abandonner les fleurs et me tourner vers les légumes, même s’ils ne parviennent pas à donner autant de bénéfice. C’est mieux que rien, » dit Awkal.

C’est un problème important pour un agriculteur qui faisait un bon bénéfice en vendant ses produits sur les marchés européens, d’où ils étaient vendus sur le monde entier. Une fleur pouvait rapporter un euro en Europe, et la demande était forte parce que les fleurs poussent toute l’année ici avec le temps doux du littoral de Gaza. À une certaine époque, l’industrie de la fleur à Gaza a profité d’un vrai moment de prospérité.

Maintenant, Awkal cultive des fleurs sur seulement trois dunums de sa terre, et seulement pour les marchés locaux, à des prix locaux. La qualité a souffert et la demande est faible.

 

Aucun soutien

 

La Hollande était le principal marché à l’export pour les fleurs gazaouies. Le pays finançait des projets dans tout Gaza pour permettre aux horticulteurs de garder leur production de fleurs aux normes européennes.

Mais le soutien néerlandais – qui incluait également la fourniture des semences – s’est arrêté il y a trois ans.

Selon un porte-parole du Bureau de la représentation néerlandaise à Ramallah, en Cisjordanie, le gouvernement néerlandais a décidé de mettre fin à son soutien à la culture des fleurs pour un certain nombre de raisons, entre autres parce qu’il a estimé que l’argent pouvait être mieux placé ailleurs, que les fleurs étaient trop consommatrices d’eau pour Gaza, et que les priorités devaient porter sur la sécurité alimentaire et par conséquent sur les cultures vivrières.

Mais le directeur du comité des horticulteurs de Gaza, Ibrahim al-Dahbour, a déclaré que les contraintes imposées par les Israéliens aux passages frontaliers de Gaza avaient joué un grand rôle.

« Israël, de façon efficace, est en train de tuer l’industrie de la fleur à Gaza en empêchant tout soutien de la Hollande comme des autres pays avec sa politique de bouclage » a-t-il déclaré à The Electronic Intifada.

Ces restrictions, souvent sous la forme de longs retards pour les inspections de « sécurité », et l’absence d’installations pour conserver les produits ou les fleurs à la fraîcheur et à l’ombre, rendent les exportations précaires et elles ont, au bout du compte, sapé une industrie florissante.

Selon al-Dahbour, Gaza a produit moins de 5 millions de fleurs en 2012, une production nettement en baisse par rapport aux pics d’avant 2004 de 60 à 80 millions de fleurs, chaque année. Et cette production diminuée provient d’une terre plus réduite consacrée à la culture horticole.

« Dans le passé, Gaza avait l’habitude de cultiver des fleurs sur environ 1200 dunums. Il existait quelque 100 projets. Maintenant, moins de 15 dunums sont réservés aux fleurs et celles-ci sont d’une qualité inférieure et uniquement pour le marché intérieur ».

 

Une perte d’emplois

 

Ne pouvant compter sur aucune exportation, dit al-Dahbour, les fleurs sont devenues tout simplement trop coûteuses à cultiver. Il estime que le coût pour cultiver un dunum de fleurs aux normes applicables est de 9000 dollars (environ 8000 €). Il est également trop coûteux pour les horticulteurs d’avoir à se tourner vers d’autres cultures, en particulier celles qui sont très demandées sur le marché local et en dehors d’une ingérence possible des restrictions israéliennes.

Étant donné que les fleurs gazaouies peuvent être cultivées toute l’année, elles s’exportaient pour couvrir toutes les occasions où traditionnellement, on offre des fleurs, depuis les principaux jours fériés jusqu’au jour de la Saint-Valentin, de la Fête des mères, etc.

Cela en retour voulait dire un travail régulier. Tout comme les fleurs de Gaza ont périclité, on estime à 600 les emplois perdus après près d’une décennie de restrictions israéliennes à l’exportation.

Issa Fawjij gérait l’une des plus célèbres exploitations de fleurs de Gaza, à Rafah, dans le sud. Mais les 25 dunums qu’il consacrait à la culture de fleurs sont aujourd’hui réservés aux fraises et à d’autres fruits.

« Tous ces champs étaient couverts de couleurs. J’employais habituellement des dizaines d’ouvriers pour prendre soin des fleurs et les récolter à la main. Maintenant, il ne reste plus rien », dit-il.

Fawji, 56 ans, qui a été dans le commerce de fleurs pendant près de 40 ans, dit que lorsqu’il était en mesure d’exporter des fleurs – toutes les exportations de Gaza devaient traverser Israël – lui et les autres devaient souvent voir leurs récoltes bloquées au passage commercial de Kerem Shalom (avec Israël) assez longtemps pour qu’elles se flétrissent.

C’était voulu, dit-il.

« Même quand il était encore possible pour nous d’exporter, les Israéliens avaient l’habitude de nous les retourner des dizaines de fois de sorte que nos fleurs mourraient » dit-il.

Les exportateurs de Gaza ont besoin de passer et repasser à Kerem Shalom où leurs marchandises et produits sont inspectés avec minutie par les soldats israéliens. Pour les produits en particulier, ce peut être désastreux car les cargaisons sont laissées dehors par tous les temps, sans ombre ni protection pendant de longues heures.

Et ce sont les agriculteurs qui en supportent les coûts.

 

Le climat parfait

 

Quand les cargaisons de fleurs étaient retenues trop longtemps, Fawji était forcé de donner les fleurs flétries au bétail. « Je n’avais pas d’autre choix », dit-il.

Fawji a profité aussi du soutien néerlandais, mais, dit-il, cela a démarré alors qu’un projet parrainé par la Hollande couvrant 10 dunums en 2010 avait commencé à se réduire rapidement, et il a pris fin en 2012.

Il est partant, avec un tel soutien, pour recommencer et il refuse de croire que les pays européens ont capitulé devant le blocus israélien.

« Le climat ici est parfait pour les fleurs », dit-il. « Pourquoi ne pas nous aider à faire revivre cette industrie ? ».

Isra Saleh el-Namey est journaliste, elle est basée à Gaza.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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