Comment Israël pratique l’apartheid | Fiche d’information politique de l’IMEU

Le 8 février 2022

Le mur d’apartheid d’Israël à Bethléem. Photo : Montecruz Foto/Flickr. Creative Commons License.

Entre la Méditerranée et le Jourdan, Israël a construit et consolidé un régime unique de gouvernement afin de garantir la suprématie et la domination israéliennes juives sur la population palestinienne autochtone, qui est fragmentée politiquement et géographiquement en différentes catégories dans lesquelles, selon le statut (citoyens de seconde classe, soumis à un gouvernement militaire, ou réfugiés), elle a moins de droits, peu de droits ou aucun droit en comparaison avec les juifs israéliens. C’est un cas d’école d’apartheid.

  • En février 2022, Amnesty International a rejoint un consensus mondial croissant parmi les organisations de défense des droits humains, dont des ONG palestiniennes, israéliennes et internationales, selon lequel Israël commet un crime d’apartheid dans son régime de domination sur le peuple palestinien. Amnesty International a conclu qu’« Israël impose un système d’oppression et de domination contre les Palestiniens sur toutes les zones sous son contrôle : en Israël et dans les [Territoires palestiniens occupés] (TPO), et contre les réfugiés palestiniens, afin de bénéficier aux Israéliens juifs. Ceci revient à un apartheid et est interdit selon le droit international. Les lois, les politiques et les pratiques, qui sont conçues pour maintenir un système cruel de contrôle sur les Palestiniens, les ont fragmentés géographiquement et politiquement, fréquemment appauvris et placés dans un état constant de peur et d’insécurité ». 
  • Des lauréats du prix Nobel, des dirigeants sud-africains emblématiques du mouvement anti-apartheid, un ancien président des Etats-Unis et même d’anciens Premiers ministres israéliens ont tous établi des parallèles entre l’apartheid en Afrique du Sud et Israël ou alerté sur le fait qu’Israël était ou devenait un Etat d’apartheid. L’archevêque Desmond Tutu, dans un article intitulé «  Apartheid in the Holy Land » [Apartheid en Terre sainte], a écrit : « J’ai été profondément bouleversé lors de ma visite en Terre sainte ; cela m’a tellement rappelé ce qui nous est arrivé, à nous, Noirs d’Afrique du Sud ». Nelson Mandela a compris que « notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ». Jimmy Carter a écrit dans Palestine: Peace Not Apartheid [Palestine : la paix, pas l’apartheid], qu’Israël est engagé dans « un système d’apartheid, avec deux peuples occupant le même pays mais complètement séparé l’un de l’autre, avec des Israéliens totalement dominants et réprimant la violence en privant les Palestiniens de leurs droits humains fondamentaux ». L’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak a alerté sur le fait qu’Israël était sur « une pente glissante » vers l’apartheid, tandis que l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert a averti qu’en l’absence d’un Etat palestinien, Israël serait « confronté à une lutte dans le style de celle d’Afrique du Sud pour des droits de vote égaux et que dès que cela arrivera, ce sera la fin de l’Etat d’Israël ». 
  • L’apartheid est un terme juridique qui dérive sa signification du droit international, spécifiquement de la Convention internationale sur la suppression et la punition du crime d’apartheid, un traité entré en vigueur en 1976. Cette convention fait de l’apartheid un crime contre l’humanité et le définit comme « le fait d’établir et de maintenir la domination d’un groupe racial de personnes sur tout autre groupe racial de personnes et de l’opprimer systématiquement ». Beaucoup de politiques et d’actions israéliennes vis-à-vis du peuple palestinien se qualifient comme exemples d’apartheid cités dans la convention, par exemple :
    • le déni du droit à la vie et à la liberté, et assassinat ;
    • de sérieux dommages corporels et mentaux par une atteinte à la liberté et à la dignité ;
    • la soumission à la torture ou à un traitement ou une punition cruels, inhumains ou dégradants ;   
    • l’arrestation arbitraire et l’emprisonnement illégal ;
    • l’mposition de conditions de vie calculées pour causer une destruction physique ;
    • le déni du droit au travail et du droit à l’éducation ;
    • le déni du droit à quitter son pays ou à y revenir ;
    • le déni du droit à une nationalité ; 
    • le déni du droit à la liberté de mouvement et de résidence ; 
    • le déni du droit à la liberté d’opinion et d’expression, et à la liberté de réunion et d’association pacifiques ; 
    • la création de réserves et de ghettos séparés pour les membres d’un groupe racial ;
    • l’expropriation de la propriété foncière appartenant à un groupe racial.  


La convention crée aussi des obligations pour les parties tierces afin de tenir criminellement responsables les individus responsables de la création et du maintien des politiques et du gouvernement d’apartheid. 

  • Israël domine et opprime systématiquement le peuple palestinien par un régime d’apartheid séparé-et-inégal de gouvernement entre le Jourdain et la Méditerranée
  • Que les Palestiniens vivent comme citoyens de seconde classe d’Israël, comme réfugiés à qui on dénie le droit au retour dans leurs maisons, ou comme personnes protégées vivant sous une occupation militaire brutale et prolongée en Cisjordanie, Jérusalem-Est ou dans la Bande de Gaza, Israël promulgue des lois et des ordonnances militaires pour privilégier les juifs israéliens et discriminer les Palestiniens autochtones. Les rapports cités plus haut fournissent beaucoup plus de détails juridiques et factuels sur la nature d’apartheid des lois et des politiques israéliennes ; trois sont présentés brièvement ici comme étant emblématiques du gouvernement d’apartheid israélien :
    • Après son établissement en 1948, Israël a exproprié de larges parcelles de terres palestiniennes, les a transformées en terres de l’Etat et, par l’intermédiaire de la Loi du Fonds national juif (JNF), a permis au JNF d’administrer le bail de beaucoup de ces terres. Le JNF est une organisation privée dont la charte est ouvertement discriminatoire, affirmant que la terre sous son administration peut seulement être louée au bénéfice du peuple juif, aliénant donc de manière permanente la terre de son utilisation par les Palestiniens.
    • Avant, pendant et après l’établissement d’Israël, les milices sionistes, et plus tard, l’armée israélienne, ont expulsé les Palestiniens de leurs maisons et ont rasé des centaines de villages palestiniens ; d’autres Palestiniens ont fui leurs maisons à cause des conditions de guerre. Indépendamment de la manière dont ces Palestiniens sont devenus des réfugiés, le droit international et les résolutions des Nations Unies leur garantissent le droit au retour. Au lieu de rendre possible le repatriement des réfugiés palestiniens, Israël leur a dénié de manière véhémente ce droit tout en permettant simultanément aux personnes juives d’immigrer en Israël et d’obtenir la citoyenneté automatiquement grâce à la dite Loi du retour.
    • L’occupation militaire de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, par Israël est conçue pour faire avancer sa colonisation illégale des terres palestiniennes. Par les ordonnances militaires, Israël non seulement exproprie des terres palestiniennes, démolit des maisons palestiniennes et dépossède constamment les Palestiniens, il le fait aussi de façon à créer des colonies et une infrastructure réservées aux Israéliens auxquelles les Palestiniens ne peuvent accéder. Au cours de ce processus, les Palestiniens sont ghettoisés dans des réserves de plus en plus rétrécies, séparées et inégales, analogues aux Bantoustans d’Afrique du Sud.
  • Exactement comme l’Afrique du Sud de l’apartheid avait toutes les marques extérieures d’une démocratie libérale – un parlement dans lequel seulement quelques-unes des personnes que le pays gouvernait pouvaient voter et être élues à une fonction, un pouvoir judiciaire nominalement indépendant et un prétendu engagement à respecter la règle du droit – de même Israël maintient aussi un vernis de gouvernement démocratique. Cependant, Israël, exactement comme l’était l’Afrique du Sud de l’apartheid, est une ethnocratie – une politique conçue pour privilégier un groupe au détriment d’un autre.


La plupart des Palestiniens – ceux vivant sous constante occupation militaire israélienne ou les réfugiés qui ont le droit d’être rapatriés dans ce qui est aujourd’hui Israël — ne sont pas admissibles au suffrage et n’ont pas leur mot à dire sur la promulgation des lois et des ordonnances militaires qui les affectent. Et même si des citoyens palestiniens d’Israël sont en fonction au Parlement d’Israël ou sont devenus juges, cela ne change pas le fait que même ces citoyens palestiniens sont systématiquement discriminés dans plus de 65 lois israéliennes

  • Il y a à la fois des similarités et des différences entre les lois et les politiques de l’apartheid en Afrique du Sud envers la population noire autochtone et les lois et politiques de l’apartheid en Israël envers la population palestinienne autochtone. Que les lois et politiques d’Israël soient ou ne soient pas exactement analogues à des lois et politiques sud-africaines particulières est sans pertinence. Comem cela est mentionné plus haut, l’apartheid a une définition juridique avec des exemples spécifiques de politiques d’apartheid énoncés dans une convention internationale. Si « apartheid » est un mot issu de l’expérience sud-africaine, son applicabilité aujourd’hui est universelle. Des pays s’engagent dans le crime d’apartheid si leurs lois et leurs actions s’accordent avec cette définition et ces exemples. 
  • Pendant de nombreuses décennies, l’Afrique du Sud de l’apartheid a été considérée par les Etats-Unis comme une alliée clé en Afrique, tout à fait comme Israël est considérée aujourd’hui par certains aux Etats-Unis comme un allié clé au Moyen-Orient. Cependant, grâce au leadership de Sud-Africains noirs, grâce à des organisations clés de défense des droits humains et de mobilisation aux Etats-Unis et grâce à des soutiens au Congrès, le Congrès [des Etats-Unis] a finalement promulgué la Loi générale anti-apartheid de 1986, une loi de sanctions qui a eu un large impact dans le processus de démantèlement de l’apartheid en Afrique du Sud. L’objectif de cette loi était d’aider à établir une « forme de gouvernement non racial et démocratique » en imposant des sanctions, y compris un moratoire à l’importation d’argent, d’armes, de biens agricoles et autres ; une interdiction de prêts au gouvernement d’Afrique du Sud et de nouveaux investissements dans ce pays : et un embargo sur l’exportation d’armes pour l’armée sud-africaine ou sur l’entrainement de cette armée. 

Les appels de la société civile palestinienne à des campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) pour la liberté, la justice et l’égalité des Palestiniens sont modelés sur des campagnes similaires qui ont joué un grand rôle pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Exactement comme les boycotts et les efforts de désinvestissements de la société civile ont fait leur chemin avant que le gouvernement des Etats-Unis n’impose finalement ses sanctions sur l’Afrique du Sud de l’apartheid, dans le cas de l’apartheid israélien également, la société civile a déjà boycotté et fait désinvestir avec succès en faveur des droits des Palestiniens. Il est maintenant temps que le Congrès introduise et vote une législation pour sanctionner l’apartheid israélien, parce que, comme cela est affirmé de manière éloquente dans la Loi générale anti-apartheid, «  la politique de l’apartheid est abominable et moralement répugnante ». 

Source : The IMEU

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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