Par Tareq S. Hajjaj, le 30 mars 2022
Des milliers de gens ont répondu à l’invitation diffusée sur les bus et dans les mosquées de Gaza au cours des journées qui ont précédé le Jour de la Terre du 30 mars 2022. Des gens de tous âges pratiquement brandissaient le drapeau palestinien et sont venus par vagues jusqu’au port où l’événement a pris place.
Les gens sont arrivés par une longue voie conduisant à l’immense scène dressée sur la place où les dirigeants des factions palestiniennes de Gaza ont fait des discours. Ils sont tous venus pour célébrer le Jour de la Terre, ce jour qui commémore les événement des 1976 où six Palestiniens ont été tués alors qu’ils manifestaient contre la prise de leur terre en Galilée. Les photos et les noms de ceux qui ont été tués étaient accrochées au-dessus de la scène aujourd’hui à Gaza, tandis que les gens se remémoraient ce jour, affirmaient leur droit à la terre et donnaient de la voix pour rejeter l’occupation. L’air s’est empli de musique patriotique tandis que le vent de mer faisait flotter les drapeaux dans la foule.
Chacun dans l’assistance avait sa propre relation à ce jour et à sa signification. J’ai traversé la foule et demandé à des participants « Que représente pour vous le Jour de la Terre ? » Les réponses ont varié selon les âges et les circonstances, mais la plupart des réponses contenaient l’idée que « la terre c’est notre existence ».
Jehad Homaid, un jeune homme de 24 ans de Al-Shuja’iyya, marchait dans la foule, soutenu par deux béquilles. Il est comme les nombreuses personnes blessées durant la Grande Marche du Retour, qui a commencé le Jour de la Terre il y a trois ans. Homaid est célibataire ; il soutient son père qui est paralysé et trois jeunes frères et sœurs. « Je viens m’exprimer de tout mon cœur pour rejeter le vol de notre terre. Depuis le temps où cet accident a eu lieu, il y a de cela des années, le vol de la terre palestinienne se poursuit. Quand cela va-t-il s’arrêter ? Il appuie les mains sur ses béquilles et demande : « Quand deviendra-t-il impossible d’avoir de la terre dans notre patrie ? »
Homaid s’assied près de la plage et partage avec moi ses pensées sur la sainteté de la terre. On pourrait penser que quelqu’un qui a lutté autant que lui se plaindrait, et il est vrai qu’il travaillait jusqu’à sa blessure et que depuis, son salaire a été remplacé par un soutien du gouvernement de 600 shekels (170 €) « de temps à autre ». Mais il dit, reconnaissant, que cette terre est la plus belle du monde.
« J’ai perdu la force de mon pied en défendant ma terre, d’autres ont perdu la vie et le reste des Palestiniens n’hésiterait pas à faire de même » dit-il avec enthousiasme et les yeux d’un croyant. « Nous sommes ici pour célébrer notre héroïsme et pour relancer l’esprit de notre lutte qui durera jusqu’à la libération totale de notre terre ».
L’événement a été centré sur la mémoire et sur le maintien du lien avec la terre. Le lien d’Homaid avec cette terre et clair parce qu’il est né ici, mais qu’en est-il des gens qui ont été forcés de quitter leur terre et sont devenus des réfugiés dans leur propre pays ?
Najiba Mhafouth a 81 ans. C’est une femme dynamique portant une robe palestinienne traditionnelle. Elle est originaire de Haïfa mais elle s’est enfuie à Gaza en 1948 et s’y est établie. Le Jour de la Terre, pour elle c’est se souvenir de sa terre où son père possédait une grande parcelle et une maison et où ils avaient coutume de s’asseoir sous les arbres.
« Chaque année à cette époque, ma journée est envahie par les souvenirs de notre terre. J’étais une petite fille alors que mon grand-père et mon père avaient coutume de s’asseoir sous leurs oliviers et chaque jour de manger les produits de notre terre » se rappelle-t-elle. « C’était la terre où nous étions nés, notre terre et nos arbres, les arbres nous reconnaissaient aussi, il y a une compréhension mutuelle entre la terre et celui qui la possède » dit-elle.
« Je vais vous dire quelque chose », elle se rapproche et se stabilise avant de continuer. « Pourquoi Israël a déraciné les oliviers ? C’est parce que cette terre de Palestine est connue par ses oliviers, ils connaissent l’histoire de la terre”.
Sa théorie est que si les Israéliens possédaient cette terre, ils n’auraient jamais enlevé son symbole le plus glorieux et de la plus grande valeur en déracinant les oliviers.
« Nous, les Palestiniens, nous prenons soin de nos oliviers et de notre terre parce que nous y sommes liés. S’ils pouvaient parler, leur langue serait l’arabe” dit cette femme.
Mhafouth croit que le jour viendra où ses petits-enfants retourneront dans leur foyer et récupèreront leur terre. Elle leur dit : « La porte est grande et faite de métal rouge et il y a un grand figuier à gauche de la porte. Quand vous atteindrez notre terre, vous la reconnaitrez ».
Elle a plus de 25 petits-enfants de tous ses fils et filles mariées et elle ne cesse de leur raconter l’histoire de la terre et de comment ils sont venus à Gaza. Elle pense qu’en partageant ces histoires elle maintient l’identité de la terre qui est palestinienne.
Source : Mondoweiss
Traduction SF pour l’Agence média Palestine