Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu (Reuters/Gali Tibbon/Pool)
Bob Dreyfuss – The Nation – 2 avril 2014
Reprocher aux Palestiniens l’échec évident des infortunées navettes diplomatiques du secrétaire d’État John Kerry, ce serait comme reprocher à sa victime l’agression d’un criminel. La diplomatie de Kerry a toujours été aventureuse, et s’il n’a jamais été évident qu’on puisse arriver à un accord, ce n’est pas parce que le problème est trop intraitable, mais parce que le gouvernement d’Israël est trop ultraconservateur et trop inébranlable sur son droit – que Dieu lui aurait donné – à la « Judée Samarie ».
Le seul espoir d’un accord, si espoir il y avait, aurait pu venir de Kerry s’il avait annoncé son propre plan. Il a été dit pendant quelques temps que Kerry avait un plan de rechange, qu’il était sur le point de l’annoncer, en traçant le cadre d’un accord israélo-palestinien, selon l’optique américaine. Où est le plan ? Jusqu’à présent, nous ne l’avons pas vu. Maintenant que les négociations sont en train de chanceler, ce pourrait bien être le moment pour Kerry de montrer ses cartes.
Le Washington Post titre : « L’Administration Obama s’active pour sauver du naufrage les négociations de paix au Moyen-Orient ». Dans le New York Times, on lit « Les Palestiniens défient les États-Unis et Israël, laissant les entretiens pour la paix en péril ». Ce qui a provoqué tout ce cafouillage, c’est simplement que les Palestiniens ont adressé quinze lettres à des organismes des Nations-Unies leur demandant, comme c’est leur droit, d’être reconnus comme membre de ces organismes mais, dans un geste vers Israël, pas à la Cour pénale internationale sous la juridiction de laquelle ils pourraient demander la condamnation d’Israël pour crimes de guerre. Jusqu’à maintenant, les Palestiniens avaient repoussé leur demande d’adhésion à ces organismes de l’ONU, dans une démarche surtout symbolique, afin de ne pas énerver les Israéliens. Mais après des mois de négociations qui ont semblé ne conduire nulle part, le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et ses alliés en ont eu apparemment assez.
Le déclencheur premier de l’action palestinienne a été le refus d’Israël de libérer le quatrième groupe de prisonniers palestiniens des geôles israéliennes, comme stipulé dans l’accord intermédiaire de 2013. Le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu a reculé, et il apparaît que Kerry était prêt à aller jusqu’à proposer la libération de Jonathan Pollard, reconnu coupable d’espionnage pour le compte d’Israël, afin d’inciter Israël à coopérer. Quasiment tous ceux qui ont analysé cette idée ont conclu que c’était une très mauvaise idée, que de toute façon Pollard n’avait rien avoir avec le conflit israélo-palestinien et que ce n’était là qu’une façon bizarre de graisser la patte à Netanyahu.
Mais de se rabattre sur le dernier groupe de prisonniers palestiniens n’est qu’un écran de fumée pour cacher le fait qu’Israël n’a manifesté aucune intention de bouger quant à l’accès des Palestiniens à un État viable dans le territoire occupé par les forces israéliennes en 1967, ce qui bien sûr signifierait un retour aux frontières de 1967, obligerait les colons juifs à partir et donnerait l’accès aux Palestiniens à une partie de Jérusalem pour en faire leur capitale. Kerry, semble-t-il, a essayé de persuader Israël d’accepter une telle formule, qui en partie impliquerait de travailler sur des arrangements pour que des troupes US prennent position le long du fleuve Jourdain, sur ce qui serait donc la frontière est d’un État palestinien, et ce, afin d’apaiser les préoccupations sécuritaires israéliennes. Beaucoup de détails avaient été réglés, notamment le temps que les colonies pourraient se maintenir, le temps que les forces israéliennes et internationales pourraient rester dans ce qui est actuellement la Cisjordanie occupée, et d’autres encore. Et Kerry avait apparemment pris les premières mesures pour amasser des milliards de dollars de sources internationales – des fonds destinés au développement économique palestinien, à la réinstallation des réfugiés palestiniens, au déplacement des colons juifs et même à l’indemnisation d’Israël pour le coût de l’accueil des réfugiés juifs venus des pays du Moyen-Orient au cours des dernières décennies.
Si Kerry dévoilait son plan maintenant, soit, (a), il révèlerait qu’il penchait à ce point vers Israël que c’était sans espoir depuis le début, soit, (b), il mettrait Israël sous forte pression pour qu’il accepte un plan équilibré avec le plein soutien des États-Unis. Dans la longue histoire du conflit Israël-Palestine, les États-Unis n’ont jamais annoncé un plan qui soit le leur propre, ni déclaré leurs propres idées sur ce à quoi pourrait bien ressembler un accord. Au lieu de cela, Président après Président, les États-Unis ont toujours dit que cela « incombait aux deux parties ». Mais avec Israël qui a quasiment toutes les cartes en main, cela signifie que tout accord privilégierait considérablement le point de vue israélien. Hier, c’est un Kerry frustré qui a jeté l’éponge, qui a annulé un voyage prévu au Moyen-Orient et qui a déclaré, « Finalement, cela incombe aux parties ».
Israël a posé toute une série de barrages tout au long de la route, notamment, le plus récent, cette nouvelle exigence que les Palestiniens acceptent Israël « en tant qu’État juif », quel qu’en soit le sens. Du point de vue d’Israël, cela semble signifier que les Palestiniens qui vivent actuellement à l’intérieur d’Israël devront rester des citoyens de seconde classe. Au XXIe siècle, quel État aurait le toupet de déclarer (et de confirmer) qu’il a été conçu exclusivement pour une ethnie ou une religion particulière ? Eh bien, en dehors de divers pays ultra-islamiques, notamment, pour beaucoup, dans le but de calmer les extrémistes musulmans au sein de leurs frontières, Israël est le seul. Très bien si c’est leur choix, mais pourquoi exigent-ils que les Palestiniens le ratifient avant un accord ?
Source:
The Nation : http://www.thenation.com/blog/179134/palestine-talks-break-down-havent-we-seen-headline
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine