Dans les caravanes de Khuza’a, à Gaza, les familles craignent un autre hiver

Les abris de fortune dans ce quartier de Gaza ne sont pas bien équipés pour faire face au froid et à la pluie.

 

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Souvent, les habitants ne peuvent pas se laver et la communauté est un terrain propice à la propagation des bactéries et des virus. [Lara Aburamadan/Al Jazeera]

 

Khuza’a, bande de Gaza – Alors qu’une pluie froide de fin d’automne tombait sur la bande de Gaza le mois dernier, Yousef al Najjar regardait son abri de fortune s’enfoncer de plus en plus dans la boue et ses minces sols stratifiés se fissurer.

Prévus pour être une solution temporaire pour les habitants que la guerre d’Israël à Gaza en 2014 a faits sans-abri, les mobil-homes de Khuza’a (un ensemble d’environ 70 habitations en tôle à la périphérie de la ville, payées par des pays donateurs comme le Qatar et les Emirats Arabes Unis) ne sont pas assez équipés pour y passer un autre hiver. Yousef al Najjar craint que le froid et davantage de pluie ne les rendent inhabitables.

« Nous vivons dans des conditions épouvantables », dit Yousef al Najjar, 47 ans et père de trois enfants, à Al Jazeera. « Cette zone de Khuza’a est la plus basse de toutes. Quand il pleut, l’eau s’y accumule. »

« Les [caravanes] ne sont pas isolées et au fil du temps elles se sont dégradées », continue-t-il. « L’air s’engouffre, donc il fait plus ou moins chaud selon la saison. On nous donne des radiateurs, mais ils ne sont pas efficaces. L’année dernière, nous avons essayé de faire du feu dans la caravane, mais nous avons arrêté. Nous savons que c’est dangereux. Et si nous nous étions endormis et qu’elle avait pris feu ? »

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Le temps froid et humide a de graves répercussions sur la santé de toutes les familles qui vivent dans le campement.

« Ici, la santé des gens est toujours mauvaise », dit Mohammed Mohanna, médecin de la Société palestinienne de secours médical (PMRS), une association médicale locale, à Al Jazeera, dans sa clinique mobile de Khuza’a. « Mais on peut voir une grande différence en hiver. Leur santé est bien plus mauvaise. »

Mohammed Mohanna s’occupe de plus de 50 000 Palestiniens dans le nord et le centre de Gaza chaque semaine, et il dit que c’est à Khuza’a qu’il rencontre les cas les plus graves.

L’hygiène est l’un des problèmes majeurs. Sans plomberie, chaque caravane est équipée de trois grands barils d’eau pour les sanitaires, mais les canalisations utilisées pour acheminer l’eau ont été détruites dans les récentes inondations. Souvent, les habitants ne peuvent pas se laver et la communauté est un terrain propice à la propagation des bactéries et des virus.

« Au début de l’hiver, l’amygdalite, les affections cutanées contagieuses comme l’impétigo, la grippe, tout devient un problème grave », dit Mohammed  Mohanna. « Ces affections peuvent vite être aggravées par  des infections bactériennes secondaires provoquant des amygdalites aigües, de fortes fièvres bactériennes et une aggravation des éruptions cutanées. »

Il dit que la grippe peut même être mortelle chez des habitants qui vivent dans ces conditions.

Mohammed Mohanna se souvient d’un habitant d’une caravane qui a eu la chance d’obtenir un prêt et des fonds d’associations humanitaires pour bâtir une nouvelle maison à Khuza’a. « Je lui ai rendu visite cette semaine. La maison n’a pas de meubles, pas de papier peint ; c’est seulement des murs en béton avec quelques matelas et quelques tapis. Mais pour lui, c’est un palace. Il aura chaud et sera propre cet hiver. »

Certains habitants ont fait reconstruire leurs maisons avec des fonds donnés par l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Mais la reconstruction a été lente pour diverses raisons, dont le siège de Gaza par Israël qui a retardé l’entrée des matériaux de construction. L’UNRWA est aussi confronté à une crise financière et la première des milliers de maisons de réfugiés complètement détruites n’a été reconstruite qu’en octobre dernier.

« La raison pour laquelle la reconstruction a pris du retard est une conjonction du siège et de l’absence de fonds », a déclaré Christopher Gunness, porte-parole de l’UNRWA, à Al Jazeera, en soulignant que des dizaines de milliers de familles dont les maisons ont été endommagées pendant la guerre n’ont pas encore reçu de fonds pour les réparations.

« Nous avons tendance à définir [le siège] par ce qui peut entrer dans Gaza, mais c’est aussi ce qui n’en sort pas : les exportations », dit Gunness. « Si nous reconstruisons tout demain mais qu’ils ne peuvent pas avoir une économie prospère, alors cela ne répond pas à leurs besoins ni à leurs problèmes en tant qu’êtres humains ».

De retour à Khuza’a, Yousef al Najjar dit qu’il espère recevoir bientôt une aide financière pour reconstruire sa maison endommagée. Sa famille a toutes sortes de problèmes de santé : lui souffre de cécité, d’hypertension et d’insomnie, et son fils de 3 ans, Ahmed, est atteint d’une maladie génétique qui le paralyse. La mère de Yousef al Najjar, 83 ans, qui est aveugle et a la maladie d’Alzheimer, vit aussi avec eux.

The Najjar family stands for a photo after spending a few minutes propping Ahmed, 3, on his mother's leg. Ahmed suffers from genetic paralysis.
The Najjar family stands for a photo after spending a few minutes propping Ahmed, 3, on his mother’s leg. Ahmed suffers from genetic paralysis.

La famille Najjar craint qu’un autre hiver dans leur abri de fortune n’aggrave leurs problèmes de santé. [Lara Aburamadan/Al Jazeera ]

Le frère de Yousef al Najjar, Mustafa, qui vit avec sa femme dans une caravane voisine, dit qu’en plus des problèmes de santé physiques, la vie en caravane provoque de graves répercussions psychologiques.

« Je ne dors pas bien depuis plus d’un an », dit-il à Al Jazeera. « Parfois, les souris me réveillent ; parfois, ce sont les cauchemars parce que nous avons été traumatisés par la guerre. »

Yousef al Najjar dit que les problèmes de santé de sa famille ont empiré après leur installation dans la caravane de 33 m² qui héberge six personnes. Et l’idée d’y passer un autre hiver l’inquiète.

« Après un hiver de plus ici », dit-il, « qui sait quels problèmes j’aurai? »

Traduction: E.C pour l’Agence Média Palestine

Source: Al Jazeera

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