Avancer tout en célébrant le passé de l’art palestinien

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Khalil Rabah, « Exposition artistique », impression numérique, 300×500 cm, 2016 (avec l’aimable autorisation de l’artiste)

A la différence d’Autres Sauts, exposition présentée jusqu’à fin juin au Musée de l’université de Birzeit en Cisjordanie occupée, permet de réaliser la lourde démarche qui consiste à regarder en arrière tout en avançant.

Conçue à la fois comme une célébration et une rétrospective, l’exposition est accueillie et présentée par la formidable fondatrice du musée, la célèbre artiste Vera Tamari, qui a supervisé sa transformation de Musée d’Art et d’Ethnographie de l’université de Birzeit en centre d’art contemporain palestinien et international, ce qu’il est aujourd’hui.

La directrice actuelle du musée, l’artiste Inass Yassin, imagine plus d’une autre réitération du saut évoqué par le titre de l’exposition. Le musée, a-t-elle dit, « pour reprendre l’expression, est un verbe ; il s’y passe toujours quelque chose. » Pour Yassin, l’exposition reflète « la relation organique entre l’université et son contexte », toujours croissant, changeant, s’adaptant et renaissant.

L’exposition, tirée de la collection permanente de 300 oeuvres du musée, comprend des peintures, des esquisses, des œuvres multimédia, des installations vidéo et des photographies, la production d’une période d’environ 70 ans.

Unité et fragmentation

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Jabra Ibrahim Jabra, sans titre, encre sur verre, 70×85 cm, 1947 (avec l’aimable autorisation du Musée de l’université de Birzeit)

Le verre fêlé qui sert de canevas à Jabra Ibrahim Jabra pour un portrait à l’encre sans titre d’une femme lisant agit comme un puissant symbole du thème de la fragmentation qui traverse l’exposition.

Recouvrant un esprit fantomatique, une grenade mûre, une poitrine nue et une pomme posée sur les pages ouvertes du livre, les craquelures en toile d’araignée qui traversent chaque partie du portrait de Jabra servent à ébranler la scène somptueuse tout en unifiant toutes ses parties.

L’unité dans la fragmentation rassemble aussi la masse de lignes gravées de « Démarcation #18 » de Bashir Makhoul, les colombes isolées de « Transformation #2 » d’Inass Yassin et « Transit », histoire en photos de Taysir Barniji, qui présente, avec des instantanés, les sentiers impossibles pour entrer et sortir de Gaza au cours des années.

« L’exposition artistique » de Khalil Rabah résume très intelligemment la mission de A la différence d’autres sauts : une seule image composée de quelque 50 photographies d’expositions d’art palestinien qui remontent aussi loin que 1954, présentée dans des lieux sur la terre entière.

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Inass Yassin, « Transformation #2 », techniques mixtes sur toile, 200×130 cm, 2008 (avec l’aimable autorisation du Musée de l’université de Birzeit)

L’exposition comporte aussi des œuvres d’artistes internationaux qui – bien que réunies sur un seul mur de la galerie – font intégralement partie de l’histoire du musée.

Les premières œuvres du musée ont été offertes par le peintre suisse René Feurer à l’occasion de la signature des accords d’Oslo par Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine en 1994. Ses toiles imposantes sont accrochées en permanence dans le bâtiment administratif de l’université.

Seules trois œuvres de la collection permanente du musée ont été achetées, dont la plus grande à un collecteur de fonds pour les enfants de la Fondation culturelle Ghassan Kanafani – toile peinte par les enfants eux-mêmes.

Toute autre œuvre accrochée et toute sculpture en dépôt a été offerte, soit par les artistes eux mêmes, ou des bienfaiteurs palestiniens solidaires, soit par des personnalités internationales qui alimentent le musée en geste de solidarité.

 

Une collection qui grandit

Alors qu’il a été installé pendant ce qui est connu comme la « période d’Oslo » en Cisjordanie, le musée a évité les pièges de la politique des donateurs et a mobilisé à la fois les Palestiniens et les internationaux pour aider à accroître la collection.

Le musée a encouragé la production de nouvelles œuvres par de jeunes artistes, telle la sérigraphie « Thelicon » d’Amer Shomali, présentée après le spectacle Encadré/Non encadré pour lequel cette oeuvre avait été conçue et commandée. L’oeuvre originale, faite de 3.500 tubes de rouge à lèvres, qui évoque l’icône image de la résistance Leila Khaled, fait maintenant partie d’une collection privée et est une des œuvres les plus connues de Shomali.

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Taysir Batniji,  image de la video “Transit,” 2004 (avec l’aimable autorisation de l’artiste)

« Faire connaître de jeunes artistes fait partie de notre mission », a dit Yassin. « Cela alimente notre programme d’apprentissage artistique et notre mission éducative qui accompagne chaque nouvelle réalisation. »

Selon Yassin, la diversité de la collection d’oeuvres du musée dans l’un des rares lieux publics dédiés à l’art en Palestine « a convaincu l’administration de l’université de la vraie valeur des beaux arts sur le campus », où l’éventualité d’un programme de maîtrise de beaux arts a été en discussion pendant des décennies pour n’être prévu que récemment.

L’importance croissante des beaux arts dans la principale université de Palestine donne des raisons pour célébrer les années à venir de son musée.

Nora Parr a récent obtenu son doctorat en Littérature arabe à l’Ecole des Etudes Orientales et Africaines (SOAS), à l’université de Londres, et est actuellement chercheuse associée à l’Institut Kenyon à Jérusalem.

Traduction : J Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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