« Nous ne renoncerons jamais »

Patricia de Blas, The Electronic Intifada, 1er Juillet 2016

Le fils de Mourad Shtaiwi, dirigeant du comité populaire de résistance, a été blessé à la jambe par une balle enrobée de caoutchouc, tirée par les soldats israéliens lors d’une manifestation hebdomadaire  à Kafr Qaddoum.

« Nous aimons notre terre et nous nous battrons »

Voilà ce qui est écrit sur une peinture murale de Kafr Qaddoum, un village palestinien du nord de la Cisjordanie occupée.

Le slogan, décoré de papillons de la couleur du drapeau palestinien qui flotte au dessus d’une clôture de barbelés, est en toile de fond de la manifestation qui se déroule régulièrement contre l’occupation israélienne dans le village depuis juillet 2011.

Depuis cinq ans maintenant les villageois manifestent chaque semaine en réclamant l’accès à la route principale qui conduit à la ville de Naplouse et à d’autres localités proches.

Fermeture

L’armée israélienne a fermé cette route en 2003 au moment le pus fort de la deuxième Intifada, sous le prétexte d’assurer la sécurité  à environ 4 000 colons de la colonie proche de Kadoumim.

Kadoumim, comme toutes les colonies de Cisjordanie, est illégale selon le droit international qui interdit à une puissance telle qu’Israël de transférer sa population civile dans le territoire qu’elle occupe.

La fermeture oblige les habitants du village à de longs détours  – ce qui était autrefois un bref déplacement d’à peine 6 km jusqu’à Naplouse, prend trois fois plus de temps. Cela entraîne une perte à la fois de temps et d’argent.

Des villageois sont morts du fait de l’interdiction faite par l’armée israélienne aux ambulances d’emprunter la route principale.

A la fermeture de la route s’ajoute la confiscation par Israël de plus de 10% des terres de Kafr Qaddum au bénéfice de ses colonies.

Plus de la moitié des terres du village est située dans une zone placée sous contrôle israélien total. L’obligation faite aux habitants d‘obtenir un permis d’Israël pour accéder à leurs champs les empêche de prendre soin de leurs vergers – les oliviers sont la principale culture du village – et ils n’ont droit qu’à quelques jours pour la récolte, chaque année.

C’est catastrophique pour un village d’agriculteurs

Le vendredi, les villageois quittent la mosquée après la prière de midi et défilent vers le barrage routier, en criant des slogans, lançant des pierres et brûlant des pneus.

Là, ils sont confrontés aux soldats israéliens qui ont le renfort de tanks et de bulldozers militaires.

Blessures

Plus de 80 manifestants ont été blessés par des armes à feu, selon Mourad Shtaiwi, le dirigeant du comité populaire de résistance de Kafr Kaddoum.

Wael Abdallah, un jeune de16 ans, a été blessé à la cuisse par les soldats, début juin. La veille, deux frères respectivement âgés de 19 et 20 ans, ont aussi été blessés par des armes à feu, lors d’une manifestation spéciale  de commémoration de la Naksa, la conquête militaire israélienne de la bande de Gaza en 1967, a dit Shtaiwi.

L’armée tire aussi des balles métalliques enrobées de caoutchouc  ou de plastique, de même que des grenades lacrymogènes.

Shtaiwi a ajouté que les soldats « commencent à lancer une nouvelle sorte de gaz lacrymogène, beaucoup plus puissant, directement sur les manifestants et sur leurs maisons ».

L’arsenal militaire israélien comporte aussi de l’eau puante dont l’odeur a été décrite dans The Economist, comme celle « d’eaux usées mêlées à des carcasses de vaches en putréfaction ». « Les manifestations sont aspergées de liquide dont l’odeur est immonde, depuis des canons à eau montés sur des camions ».

Une personne qui reçoit cette eau puante doit se doucher et laver ses vêtements plusieurs fois pour se débarrasser de la puanteur. Parfois le liquide est vaporisé à l’intérieur des maisons et des cours, où l’odeur persiste longtemps.

« Punition collective »

Cette arme de control des foules par l’eau puante, mise au point en Israël, a été utilisée presque exclusivement sur les Palestiniens et non sur des manifestants israéliens.

B’Tselem, le groupe de défense israélien des droits humains a « de sérieuses raisons de penser que l’eau puante est utilisée comme mesure de punition collective contre les habitants des villages où se déroulent des manifestations hebdomadaires près des zones d’habitation de ces villages ».

Mais ces mesures ne découragent pas les manifestants.

« Nous défendons notre droit à utiliser pacifiquement la même route que nos grands parents. Israël nous a volé ce droit et l’a donné aux colons. Cette route était là avant l’existence d’Israël et c’est notre seul lien avec les principales villes » a expliqué un enseignant qui participait à une récente manifestation.

C’est pour cette raison que nous ne renoncerons jamais ».

Patricia de Blas et une journaliste indépendante et photographe espagnole dont le travail est centré sur les droits humains et les questions de développement. Elle est sur Twitter et Flickr.

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Des jeunes se préparent à lancer des pierres sur des soldats israéliens sous le regard d’un journaliste, lors d’une manifestation hebdomadaire à Kafr Kaddoum

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Un jeune porte un masque pour se protéger des gaz lacrymogènes et de la fumée des pneus en feu

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Des jeunes essaient d’allumer une grenade lacrymogène non explosée et de la renvoyer aux soldats israéliens

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Dans une ambulance qui est présente à chaque manifestation, un médecin du Croissant Rouge Palestinien traite un homme blessé par l’explosion d’une grenade lacrymogène

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Un villageois montre une blessure causée par une balle caoutchoutée reçue lors d’une précédente manifestation. Il lui faut des points.

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Des journalistes filment les soldats israéliens bombardant d’eau puante lors d’une manifestation

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Des hommes portent des pneus pour les brûler  à l’entrée d’une route fermée par l’armée

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Mourad Shtaiwi, dirigeant du comité populaire de résistance, tient une grenade lacrymogène non explosée, lancée sur les manifestants part des soldats israéliens

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Une barrière métallique empêche l’entré de véhicules dans la colonie de Kadoumim qu’on voit à l’arrière-plan, depuis la route principale de Kafr Kaddoum à laquelle les Palestiniens n’ont pas accès

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Sculpture à proximité du checkpoint de l’entrée de la colonie israélienne de Kadoumim. Une jeune femme de la colonie, qui a refusé de donner son nom, a dit que les habitants de Kadoumim sont bien au fait des manifestations  de Kafr Kaddoum. « On peut voir la fumée noire et l’odeur des pneus brûlés. Ils font ça chaque semaine. C’est embêtant » s’est-elle plainte. « Mais l’armée a le contrôle sur eux. « Nous nous sentons en sécurité ».

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Des enfants regardent la télé dans un café de la colonie de Kadoumim. Un serveur du café a prévenu les soldats de la présence de ce journaliste et d’un collègue. Les soldats ont pris nos passeports, nous ont interrogés et nous ont donné l’ordre de quitter la colonie.

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Regardant la colonie de Kadoumim après une manifestation, un des manifestants enlève son masque et se tient à côté d’un tas de pneus en feu au début de la route interdite aux Palestiniens.

Traduction: SF pour l’Agence Media Palestine

Source: Electronic Intifada

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