La photographie en solidarité

The Electronic Intifada, 7 novembre 2016

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« Persistance et survie sont… les conditions qui permettent et la lutte et les photographies », écrit la coauteure Vered Maimon. Un manifestant pendant les confrontations avec les forces israéliennes en novembre 2015 au nord de la ville de Ramallah en Cisjordanie, près de la colonie de Beit El.

Activestills : La Photographie en tant que Protestation en Palestine/Israël

sous la direction de Vered Maimon et Shiraz Grinbaum, Pluto Press (2016)

« La photographie est un acte. Il ne s’agit pas que de produire des images… c’est un acte de protestation », a dit Vered Maimon, co-auteure, avec Shiraz Grinbaum, du nouveau livre Activestills : la Photographie en tant que Protestation en Palestine/Israël.

Le livre présente 500 photos prises par le collectif de photographes Activestills au cours des dix dernières années en Palestine.

Oren Ziv, depuis longtemps photographe dans le collectif, a dit à Electronic Intifada que le but d’Activestills était de fournir « une documentation durable sur la situation » alors que la violence quotidienne affecte les communautés et façonne les paysages physique et politique.

Activestills a développé une « nouvelle méthode dans laquelle la photographie documentaire devient un projet collectif », a dit Maimon à Electronic Intifada.

Les photographes ne font pas qu’aller sur l’événement, prendre quelques photos, puis s’en aller, a-t-elle dit : « Ils sont à la fois photographes et militants, ils prennent donc part à la lutte. »

« Derrière l’image »

Ziv a dit à Electronic Intifada qu’une partie de l’objectif d’Activestills, c’est d’apporter leur soutien aux communautés et de « faire en sorte que les luttes soient plus visibles, mais aussi que la communauté puisse utiliser ces images ».

Il a fourni des documents sur la lutte à al-Araqib, village du désert du Naqab dans l’Israël d’aujourd’hui qui a été détruit plus de 100 fois depuis 2010 tandis que le Fond National Juif veut planter une forêt sur la terre du village.

Ziv a dit que les photos que lui et ses collègues ont prises lors de la première démolition ont été utilisées par la communauté « pour montrer à quoi ressemblait le village avant ».

Après la première destruction, a-t-il dit, « c’était difficile d’imaginer qu’auparavant, il y avait vraiment [là] un village.

Les résidents d’al-Araqib se servent aussi des photos dans leur campagne pour arrêter le transfert forcé de leur communauté.

« Un événement dans le domaine de la photographie »

Pour le livre, les photographes d’Activestills ont interviewé des gens qu’ils avaient photographiés afin d’obtenir « l’histoire derrière l’image », a dit Ziv.

Activestills présente aussi des expositions sur la guérilla urbaine, et les 18 premières photos du livre – pleine page, présentées sans légendes ni commentaires – présentent ces manifestations et la façon dont le public y réagit.

« Les participants aux conflits se voient eux mêmes dans les photographies et Activistills documentera cet acte de se regarder comme faisant partie d’une communauté », a expliqué Maimon.

« Produire l’image, présenter l’image, disséminer l’image, c’est est projet essentiel pour Activestills », ajoute-t-elle.

Coauteure et membre d’Activestills, Shiraz Grinbaum a dit que le processus de conversation et de rédaction, pratiqué pendant plusieurs années, a été « fascinant ».

Le collectif, a-t-elle dit, « voulait raconter l’histoire d’Activestills comme un événement dans le domaine de la photographie et comme un événement ici en Palestine-Israël ».

Ecoutez toute l’interview avec Maimon, Ziv et Grinbaum via Soudcloud.

Note de la rédactrice : Une version antérieure de cet article disait qu’il y a 800 photos dans le livre au lieu de 500. Ceci a été corrigé.

Texte de Nora Barrows-Friedman, rédactrice adjointe d’Electronic Intifada. Toutes les photos sont d’Activestills.

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Dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie, des soldats israéliens arrêtent Nariman Tamimi, elle-même photographe, tandis que sa fille de 8 ans, Ahed, essaie de la libérer pendant une manifestation contre l’occupation en août 2012. Nariman dit à Activestills : « Mon lien avec l’appareil photo est très important ; je pense que l’appareil photo est une sorte d’arme parce que, avec l’appareil et les photos que je prends, je parle avec les autres, afin qu’elle ou lui change d’idée, parce que je vois la très grande majorité des Israéliens comme des victimes de l’occupation, tout comme les Palestiniens sont victimes. Avec mon arme, l’appareil photo, je leur montre la vérité sur l’occupation que le gouvernement israélien essaie de leur cacher. Je tente de raviver l’humanité chez l’autre. »

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A al-Araqib, a dit à l’Electronic Intifada le photographe d’Activestills Oren Ziv, les médias internationaux « ne voient pas le lien qu’il y a entre la [situation des] Bédouins et la question palestinienne en général… Plus tard seulement, lorsqu’st arrivé le Plan Prawer et qu’al-Araqib a été démoli si souvent, les gens ont commencé à voir la connexion entre les déplacements des Bédouins et les autres formes de déplacementen Palestine ». Des enfants sont assis au milieu de leurs affaires après une démolition du vllage d’al-Araqib, au sud de l’Israël d’aujourd’hui, octobre 2009.

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« Quand je parle d’al-Araqib aux gens, je dis que c’est le seul endroit au monde où on chasse les gens pour les remplacer par des arbres », a dit Ziv dans une conversation avec les résidents d’al-Araqib publiée dans le livre. « Partout dans le monde, des arbres sont abattus pour faire de la place pour les êtres humains, pour construire une ville ou un village et ici, le [Fond National Juif], qui s’occupe de la municipalité civile, coopère à la tentative de vous chasser et, après les faits, de planter une ‘forêt’ sur vos terres à la place du village. » Des colombes planent près d’un pigeonnier démoli à al-Araqib, septembre 2010.

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« En dirigeant l’attention de leur public aussi vers les ‘marges’ des événements, le travail d’Activestills déplace le paradigme de ‘l’instant décisif’ du photojournaliste et défie la logique et l’économie de la consommation de nouvelles », ont déclaré Shiraz Grinbaum et Vered Maimon dans l’introduction du livre. Des manifestants mettent en scène une action de solidarité avec Khader Adnan, qui s’est embarqué dans une longue grève de la faim pour protester contre sa détention par Israël sans charges ni procès, dans le village de Bilin en Cisjordanie, février 2012.

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« Se voir [les photographes] comme faisant partie de ces luttes a nécessité une couverture continue sur une base répétitive, qui a conduit à des relations renforcées avec les communautés photographiées et à l’idée que les photos leur appartenaient », selon Grinbaum et Maimon. Des Palestiniens attendent un échange de prisonniers à la prison militaire d’Ofer, près de la ville de Ramallah en Cisjordanie, octobre 2011.

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« Je crois que le nœud de la contribution d’Activestills repose non seulement dans leur approche vigilante du témoignage, mais aussi et surtout dans leur sens de la solidarité avec leurs sujets », écrit la théoricienne de la photographie Meir Wigoder. Des demandeurs d’asile africains et leurs soutiens se rassemblent dans le parc Levinsky, TelAviv, décembre 2013.

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Une photographie Activestills de Bassem Abu Rahmah, courant comme un cerf-volant le long du mur d’Israël en Cisjordanie, apparaît dans une affiche commémorant la mort d’Abu Rahmah après qu’il ait été frappé par une grenade lacrymogène tirée par un soldat israélien dans le village de Bilin. L’affiche a alors été accrochée sur sa maison et à travers le village comme faisant partie d’un mémorial pour marquer le lieu de son assassinat, ainsi qu’avec des grenades lacrymogènes vides. La photo a ensuite été transformée en panneau et en bouclier utilisé pour protéger les manifestants des grenades lacrymogènes tirées par les forces israéliennes, Bilin, mai 2009.

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Des soldats israéliens essaient d’arrêter le photographe d’Activestills Oren Ziv pendant une manifestation contre la violence des colons en Cisjordanie, octobre 2012.

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Au cours de l’attaque d’Israël sur Gaza en été 2014, la photographe d’Activestills Anne Paq a pris cette photo. « L’homme, assis dans un camion, se cramponne à un petit corps enveloppé dans un drap blanc. Paq pensait qu’elle photographiait un jeune père pleurant un enfant mort dans ses bras mais, après avoir appris le nom des victimes de l’opération militaire israélienne, elle comprit que toute la proche famille de l’enfant avait été tuée et que l’homme sur la photo était Mohammad Madi, l’oncle de la petite que Paq avait vu et photographié le jour même », écrit la chercheuse et auteure Ruthie Ginsburg.

Traduction J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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