Saison France – Israël: 2018 sera-t-elle l’année carte blanche pour l’apartheid israélien ?

Par Laëtitia Fromenteau – Agence Média Palestine – 9 février 2018

De juin à novembre 2018, les cultures, sciences, innovations et l’éducation israéliennes seront mises à l’honneur en France. L’Institut français célèbrera le rapprochement entre les deux pays à travers une opération de propagande « Saison croisée France-Israël ». A l’heure où de nombreuses associations appellent au boycott culturel et économique de l’Etat d’Israël, le timing est pour le moins étonnant.

Comme en 2006, l’Institut français a décidé, à nouveau, de mettre à l’honneur Israël. Selon le site qui lui est dédié, « la Saison France-Israël 2018 marquera une nouvelle et importante étape dans les relations entre les deux pays. Elle mettra à l’honneur, dans tous les domaines de la création, les liens étroits et de haut niveau qui existent déjà, tout en traçant des lignes d’horizon pour l’avenir »« avec des événements de grande ampleur en France et en Israël, l’initiative vise à présenter l’image des deux pays à travers des formes et des expressions des plus contemporaines », peut-on encore lire.

Paris espère donc tirer profit de cette Saison France-Israël et « nouer et renforcer des relations bilatérales entre professionnels, étudiants, universitaires et entrepreneurs ». Nul doute que, comme pour l’opération « Tel-Aviv sur Seine en 2015 », l’événement amènera son lot de polémiques. Et pour cause, Israël viole régulièrement les résolutions de l’ONU et la France s’apprête à célébrer là un pays condamné plusieurs fois par les différentes instances internationales pour ses attaques répétées contre le peuple palestinien.

Derrière la vitrine culturelle israélienne, une intolérable occupation

Le choix de 2018 pour cette opération de propagande ne peut-être une coïncidence. L’année prochaine marque le 70ème anniversaire de la Nakba. Ce terme arabe qui signifie « catastrophe » ou « cataclysme » se réfère à un tragique épisode historique lié à l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens de leur terre d’origine, ainsi que la destruction de près de 600 communautés et plus largement, de la vie palestinienne. Rappelons que cette appropriation territoriale s’est caractérisée, depuis 1948, par un remodelage du paysage afin qu’Israël puisse dénoter l’identité et la mémoire sionistes, tout en excluant l’identité et la mémoire palestiniennes.

Pour Emmanuel Halperin, principal co-organisateur israélien du festival 2018 (journaliste et présentateur de télévision, ainsi qu’ancien diplomate ayant à plusieurs reprises fait la promotion de la propagande anti-palestienne), « la catastrophe » des Palestiniens n’existe pas. L’année dernière, Halperin a déclaré que « le principal objectif des Palestiniens est la destruction d’Israël », grâce à « une stratégie très perverse ». Selon lui, les Palestiniens veulent « laisser la situation pourrir, afin de continuer à ternir l’image d’Israël et de soumettre le pays à la pression internationale ». Le ton est donné !

Récupérer la culture à des fins de propagandes

Ces événements visant à promouvoir Israël font passer les principes universels de justice et ceux des droits de l’homme au second plan. Et sa capacité à critiquer le gouvernement Netanyahou est remise en cause. « La Saison Croisée France-Israël » en est le parfait exemple. La bivalence du discours et des actes de la France maintient un dangereux double jeu. Une culture prise en otage à des fins politiques pour redorer l’image internationale d’un Etat.

Mais peut-on vraiment faire un focus sur ce pays sans parler des artistes palestiniens et cela d’autant plus dans un contexte très particulier avec une politique de répression sans limite menée par le gouvernement de Netanyahu, conduisant par exemple à la fermeture récente de théâtres à Jérusalem-Est ?

La culture ne doit pas être prise en otage pour les simples intérêts économiques d’un pays. A travers cette saison annoncée « France-Israël 2018 », la France lance un message de soutien à la politique coloniale d’Israël.

Un accord passé sous le quinquennat de François Hollande

Pour sa première visite d’Etat en Israël, François Hollande n’a pas hésité à défendre corps et âme le régime israélien, lors de sa déclaration du 18 novembre 2013. « Vous êtes une grande démocratie – vous l’avez rappelé et vous pouvez en être fiers – car malgré les épreuves que vous avez rencontrées, jamais, je dis jamais, vous n’avez cédé sur la démocratie, sur le pluralisme, sur les droits. » Jamais un président français n’était allé aussi loin dans l’expression de « son soutien indéfectible » à cet Etat colonisateur.

La coopération culturelle, scientifique et technique entre la France et Israël est fondée sur un accord bilatéral datant de 1959. La France occupe la position de 5ème partenaire d’Israël en matière de recherche scientifique et technologique. C’est sur cette coopération que François Hollande a voulu donner un nouveau souffle à l’amitié franco-israélienne. « … des entreprises françaises sont présentes en Israël dans des domaines importants : les énergies, les transports, les nouvelles technologies. Il y a eu des accords – et j’en suis heureux – entre entreprises françaises et entreprises israéliennes pour des infrastructures, notamment ferroviaires, ou pour le photovoltaïque. Mais reconnaissons qu’il n’y a pas assez d’entreprises françaises présentes en Israël, qu’il n’y a pas assez d’échanges commerciaux entre nos deux pays, que nous devons faire davantage. »

Nul doute que cette visite en compagnie d’Audrey Azoulay, actuelle directrice générale de l’UNESCO et anciennement conseillère culturelle et premier ministre de la culture et de la communication sous le quinquennat de François Hollande consistait à augmenter la part de marché de la France en Israël, ainsi que les flux commerciaux entre les deux pays. « Je parlais de culture, je propose que nous organisions une saison croisée, entre la France et Israël, en 2018, pour le soixante-dixième anniversaire de votre Etat. Voilà ce que nous avons à faire ensemble, comme pays amis. »

BDS dénonce une opération de communication masquée

Jeudi 26 octobre 2017, des militants de la campagne BDS France « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » se sont rassemblés devant le siège de l’Institut français à Paris pour « dénoncer la scandaleuse opération de propagande France-Israël 2018, visant à renforcer les relations entre la France et le régime israélien d’apartheid ». A travers une série de slogans « Année France-Israël 2018: Année de l’apartheid! » Ou encore « Année France-Israël 2018, ou comment divertir l’apartheid israélien ? », BDS dénonce l’occupation et appelle la France à prendre ses responsabilités face à un Etat hors la loi. « Nous ne nous laissons pas abuser par les appels au dialogue quand ils concernent un État qui utilise la culture à des fins politiques pour redorer son image internationale. La culture ne pourra jamais blanchir l’État israélien de ses crimes, ses persécutions et ses discriminations, que ce soit contre les populations de Gaza ou de Cisjordanie, contre les Palestiniens vivant en Israël, ou contre les réfugiés palestiniens. »

Une propagande qui servirait principalement à présenter une image démocratique, libérale, dynamique et fausse d’un Etat d’exception permanent, colonisateur, visant à normaliser ce que l’ONU a récemment qualifié, dans un de ses derniers rapports – censuré par la suite – de « plus longue occupation de l’histoire récente ». Et le verdict est sans appel, en 50 ans d’occupation israélienne, les Territoires palestiniens n’ont cessé de s’appauvrir. Le rapport fait état d’une dégradation des conditions de vie sur l’ensemble des Territoires palestiniens et Gaza.

En l’absence totale de perspective de droit, et de paix, la célébration France Israel n’est ni opportune ni soutenable.

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