« Le plus important, c’est que les gens sachent que cette peinture murale est un cadeau qui vient de la Palestine » dit Taqi Spateen à Mondoweiss. « C’est tout ce qui compte ».
Par Yumna Patel, le 11 juin 2020
C’est au milieu de la nuit que Taqi Spateen s’est emparé de son carton de peinture aérosol et qu’il s’est mis en route pour le mur de séparation israélien, à l’extrémité nord de la ville de Bethléhem, dans le sud de la Cisjordanie occupée.
Après avoir passé des jours à suivre les manifestations et les marches qui se sont multipliées aux États-Unis après l’assassinat de George Floyd par un policier, l’artiste, basé à Bethléhem, s’est laissé guidé par son inspiration, et par un soudain sentiment d’urgence.
Sous la surveillance étroite de soldats israéliens stationnés au mirador militaire tout proche, Spateen s’est empressé de commencer une peinture murale de Floyd. Et quand elle a été terminée, deux heures plus tard, il a remballé ses affaires, et il est rentré à la maison.
Depuis que Spateen a peint la fresque de Floyd, qui maintenant se trouve à côté de celle, plus grande que nature, de la jeune militante palestinienne Ahed Tamimi, et du médecin assassiné dans sa fonction Razan al-Najajr, les photos de sa fresque sont devenues virales sur les médias sociaux, et elles figurent même sur le compte Instagram de CNN.
Quand Mondoweiss lui a demandé ce qu’il pensait de l’accueil qui était réservé à sa peinture murale, Spateen a répondu qu’il ne s’attendait absolument pas à ce qu’elle explose comme elle l’a fait. Quand nous lui avons montré le message sur la page Instagram de CNN, il a été sidéré.
« Le plus important, c’est que les gens sachent que cette peinture murale est un cadeau qui vient de la Palestine » a dit Spateen. « C’est tout ce qui compte ».
Spateen est un peintre et graffiteur bien connu en Palestine, avec un certain nombre de ses peintures murales qui sont disséminées tout au long du mur de séparation d’Israël.
En marchant le long du mur à Bethléhem, sous un petit nombre de peintures murales, on peut voir le nom de Spateen, griffonné au coin de chacune de ses peintures – toutes, sauf une.
« J’ai fait un effort réfléchi pour ne pas signer mon nom au bas de cette fresque » dit-il. « Je n’ai pas voulu qu’il s’agisse de moi, car il ne s’agit pas de moi ».
Spateen a dit à Mondoweiss qu’il avait d’abord hésité à avoir cet entretien, affirmant qu’il ne voulait pas détourner l’attention du véritable problème.
« Je veux que toutes celles et ceux qui passent devant ce mur maintenant voient cette fresque de George Floyd, et qu’ils se souviennent de lui et l’honorent » dit-il. « Je veux que les gens, en Amérique, qui voient cette peinture murale sachent que nous, en Palestine, nous nous tenons à leur côté, parce que nous savons ce que c’est que d’être étouffé, tous les jours ».
Pour Spateen, il était important de peindre la fresque de Floyd sur le mur de séparation pour une raison majeure. « George Floyd a été tué parce qu’ils l’ont pratiquement étouffé, et qu’ils lui ont coupé la respiration » dit Spatten. « Et tous les jours, ce mur nous étouffe et fait qu’il est difficile pour nous de respirer ».
« Il faut se rappeler que George Floyd n’est pas mort pour avoir manqué d’oxygène. Il est mort à cause d’un manque de justice ».
À la suite de notre entretien avec Spateen, il a saisi son pinceau et son échelle, et il a commencé à travailler sur sa plus grande peinture murale jusqu’à ce jour : une autre fresque de George Floyd.
Plus de cinq heures plus tard, la fresque, qui s’étend sur toute la hauteur du mur, lequel fait 25 pieds (plus de 7 mètres), était terminée. À côté du visage de George Floyd, Spateen avait écrit les mots : « Je ne peux pas respirer. Je veux la justice, pas de l’O2 (oxygène) ».
Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine
Source : Mondoweiss