Le temps hivernal conduit à un désastre de plus à Gaza

Par Ola Mousa, le 26 janvier 2021

Des pluies diluviennes et un temps glacial ont frappé Gaza où les infrastructures sont mal équipées pour faire face à des conditions climatique extrêmes. Mohammed Salem APA Images

L’hiver tombe durement sur Gaza.

Les pluies diluviennes depuis novembre ont provoqué l’inondation des maisons et des routes, particulièrement dans de nombreux camps de réfugiés à Gaza.

Dans le camp de réfugiés d’al-Shati (Beach camp) à Gaza ville, Baha Hamad, 40 ans, se tient debout pour mieux surveiller les dommages causés par la pluie qui s’est répandue depuis son toit en amiante en décembre.

« Je n’ai pas d’argent pour construire les murs qu’il faudrait pour empêcher l’eau de s’infiltrer à l’intérieur » a-t-il dit à The Electronic Intifada.

La maison de Hamad abrite aussi sa femme et leurs cinq enfants, et leur situation difficile n’est pas unique. De nombreuses maisons dans le camp ont besoin d’être protégées de la pluie, particulièrement dans les secteurs qui surplombent la Méditerranée, où les habitations sont directement exposées à des vents violents et à de fortes pluies.

Les ruelles et les routes du camp sont elles aussi facilement inondables.

« Les routes du camp ont été endommagées par les pluies au cours des dernières années, et les maisons ont été touchées en raison de la médiocrité de l’infrastructure », explique Hamad.

Ces situations auraient en partie pu être évitées avec un meilleur drainage. Mais c’est le genre de projet d’infrastructure que les Palestiniens de Gaza ne peuvent entreprendre à cause du blocus israélo-égyptien qui dure depuis 14 ans.

Une année mauvaise, une décennie pire

Comme partout ailleurs, 2020 a été difficile à Gaza. Mais dans cette bande de terre côtière surpeuplée, assiégée et appauvrie, les confinements et les difficultés économiques et humanitaires résultant de la pandémie mondiale de la COVID-19 n’ont fait qu’aggraver une situation déjà désespérée.

Plus de la moitié de la population vivait déjà sous le seuil de pauvreté. Et l’économie a souffert de façon radicale à cause du blocus israélo-égyptien sur Gaza et des opérations militaires réitérées d’Israël qui, selon les Nations Unies, ont coûté au territoire près de 17 milliards de dollars dans la décennie 2007-2017.

Les Nations Unies affirment que sans le blocus et sans les opérations militaires israéliennes, la pauvreté à Gaza aurait pu tomber aussi bas que 15 % en 2017.

Certes, les projets d’infrastructure – les réseaux d’égouts, les usines de dessalement de l’eau, les réparations de l’unique centrale électrique de la région – et un accès fiable et direct aux médicaments et aux équipements médicaux auraient pu épargner aux deux millions de Palestiniens de Gaza bien des souffrances au cours de l’année écoulée de la COVID-19.

Mais au lieu de cela, l’impact de la pandémie a été exacerbé par un manque chronique et dramatique de médicaments essentiels et d’équipements individuels de protection pour les professionnels de la santé, un manque d’eau potable, et l’insuffisance d’installations pour un enseignement à distance pendant cette période de quarantaine forcée.

Et maintenant, il faut ajouter l’hiver

Avec un février toujours à venir, l’hiver a déjà été  très chargé pour le service de défense civile de Gaza. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, les secouristes avaient répondu à plus de 130 cas d’urgence liés à la météo à la mi-janvier, un nombre qui ne fera qu’augmenter avant la fin de l’hiver.

Pas d’argent, pas de réparations

En février de l’an dernier, la maison de Jamil Abu Riyala, également dans Beach camp, était endommagée au cours d’une même période hivernale de pluies diluviennes et d’orages quand deux feuilles d’amiante ondulées ont été arrachées de leur toit.

Les pluies intenses de novembre ont ensuite provoqué une fuite du toit. Le mois dernier, deux autres tôles se sont détachées du toit, qui a recommencé à fuir.

Abu Riyala, 38 ans, ne peut pas se permettre les réparations incessantes qu’imposent tous ces dégâts ni de colmater les fuites par lesquelles l’eau s’infiltre jusque dans sa maison. L’ancien forgeron y vit avec sa femme et leurs trois enfants, ainsi qu’avec quatre frères sans emploi, dont l’un a deux enfants.

Ils vivent la pire situation financière qu’ils n’ont jamais connue et les réparations, aussi nécessaires soient-elles, ne font qu’ajouter à ce fardeau.

« Je n’ai pas l’argent nécessaire pour acquérir les matériaux dont j’ai besoin pour boucher les trous dans mon toit » dit Abu Riyala à The Electronic Intifada. Mais ne pas faire ces réparations entraîne de possibles coûts supplémentaires.

« Malheureusement, l’eau s’est infiltrée dans ma maison et a endommagé le mobilier ».

Hamad, un ancien pêcheur aujourd’hui sans emploi, manque aussi de l’argent qu’il lui faudrait pour réparer les dégâts causés dans sa maison par ces temps rigoureux.

Leur situation difficile est, chaque hiver, partagée par les autres résidents du camp.

« Les maisons du camp sont surpeuplées. Beaucoup d’entre elles vont être gravement endommagées si les routes sont inondées. Les années précédentes, nous avons essayé de mettre des barrières de sable, mais elles n’ont pas beaucoup aidé », a dit Abu Riyala à The Electronic Intifada.

On s’attend à ce que cet hiver soit encore plus rude, en raison des restrictions de confinement de la pandémie qui ont contraint à la fermeture de nombreux commerces, poussant encore davantage plus de personnes dans la pauvreté.

Dans le camp de réfugiés de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, les résidents vivent dans des conditions plus difficiles encore. Là, Suzan Huneidek, 40 ans, son mari et ses six enfants, âgés de 3 à 15 ans, doivent ramasser du bois de chauffage pour garder au chaud une maison qui fuit depuis deux mois maintenant.

Le mari de Huneidek, Muhammad, 42 ans, était agriculteur mais il est sans emploi depuis cinq ans. Ils n’ont simplement plus d’argent pour les réparations. Et ils ont toujours froid.

L’année la plus rude

Huneidek essaie de brûler du bois pour garder ses enfants au chaud et les regroupe tous dans une seule pièce près de la porte, où l’eau de pluie ne s’infiltre pas.

« Nous nous battons avec acharnement pour protéger la nourriture de partout. Je fais un peu de ménages pour avoir de l’argent. Mais nous ne pouvons pas échapper aux rudesses de l’hiver.  Durant les pluies de décembre, l’eau s’est infiltrée dans les lits de mes enfants et j’ai dû les recouvrir de ma couverture » dit-elle.

Muhammad dit que la famille n’a pas été en mesure de remplacer les matelas et les couvertures humides des enfants.

« C’est l’hiver le plus rude de tous les temps. Nous ne pouvons parfois même pas assurer la nourriture.  Et nous ne pouvons rien nous permettre pour nous protéger du froid » a dit l’ancien agriculteur à The Electronic Intifada.

Dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza ville, Muhammad Radi, 40 ans, a passé deux nuits avec de l’eau de pluie qui s’écoulait du toit de sa maison. Il a essayé de réparer les fuites à plusieurs reprises, mais sans succès.

Il avait l’habitude d’apporter chaque année un matériel spécial pour les réparer, et certaines années, il a installé des feuilles de nylon pour détourner l’eau de pluie vers la route.

Il ne peut plus se le permettre. Parfois, l’ancien ouvrier du bâtiment sans emploi ne peut pas assurer la nourriture de ses quatre enfants.

« Cette année est difficile pour nous tous. Je passe tout mon temps à réfléchir à la façon d’assurer la nourriture, pour moi et mes quatre enfants, mais je suis au chômage, depuis trois ans » dit Radi à The Electronic Intifada. « Je ne reçois des colis de nourriture de l’UNRWA que tous les deux ou trois mois ».

L’UNRWA est l’organisme des Nations Unies qui s’occupe des réfugiés palestiniens.

Durant l’hiver, poursuit Radi, les résidents du camp sortaient normalement pour ramasser du bois pour le chauffage afin de garder au chaud leur maison inondée pleine d’amiante, mais les restrictions de la pandémie les empêchent également de faire cela.

« Cet hiver est dur pour nous » dit Radi. « Dès le début, ma maison n’a plus été adaptée pour abriter des humains. Maintenant, il fait trop froid pour que même les animaux puissent le supporter ».

Ola Mousa est une artiste et écrivain de Gaza.

Source : The Electronic Intifada

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

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