Les limites du nationalisme palestinien dans la lutte contre l’apartheid

Par Haidar Eid, le 27 juillet 2021

Le peuple palestinien n’a pas été fragmenté seulement par Israël, mais aussi par sa direction corrompue. Il revient à la base de corriger la capitulation d’Oslo.

Des Palestiniennes manifestant en solidarité avec des prisonniers en grève de la faim dans des prisons israéliennes, devant le siège de la Croix Rouge dans la ville de Gaza, le 26 juillet 2021.14 prisonniers palestiniens au total sont actuellement en grève de la faim dans des prisons israéliennes, en signe de protestation contre l’injustice de leur détention administrative, sans accusation ni procès, selon la Commission des Affaires concernant les Prisonniers et ex-Prisonniers. (Photo: Mahmoud Nasser/APA Images)

Avant d’entrer dans une critique approfondie de la crise actuelle du leadership politique en Palestine, permettez-moi de signifier très clairement qu’une des plus grandes réussites de l’Intifada de l’Unité en cours est la montée de la visibilité régionale et internationale des Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et des zones de 1948, c’est-à-dire de la Palestine historique.

L’intégrité du peuple palestinien est directement issue de la force de sa position vis-à-vis du véritable état politique de la situation. Dans ce contexte, il s’avère d’une importance cruciale de prêter attention aux avertissements critiques d’Afrique du Sud qui apportent des enseignements importants de l’Afrique du Sud pour la Palestine. L’agitation et l’insatisfaction actuelles dans toute l’Afrique du Sud sont des avertissements pour nous tous ici en Palestine, qui nous disent que notre programme pour la libération ne devrait jamais inclure des compromis sans principes sur les droits socioéconomiques de communautés historiquement privées de leurs droits.

En fait, le leadership du mouvement national palestinien, comme celui de l’ANC, a déjà trahi ses propres principes. Nous sommes arrivés à un moment où nous pouvons défendre l’idée qu’Israël a perdu la bataille, intellectuellement et moralement. Nous, Palestiniens, comme les Noirs sud-africains avant nous, avons prouvé être ceux qui sont à l’avant-garde du combat pour la justice universelle. Pour autant, à la fin de la deuxième décennie et au début de la troisième du millénaire, un esprit de dictature et de tyrannie a envahi l’âme du nationalisme palestinien tel que défini et contrôlé par la droite. 

Il suffit de jeter un coup d’œil à ses échecs pour voir que le nationalisme palestinien, tel que défini par la droite de mèche avec la gauche stalinienne vient à son terme. Et je dis cela du point de vue d’un engagement profond pour la cause palestinienne mais aussi d’un point de vue autocritique. Les succès du nationalisme palestinien sont derrière nous et voici maintenant l’hiver de son déclin, ses promesses de libération et de retour non tenues. 

La droite palestinienne a réussi à fragmenter le cadre palestinien de l’identité collective en réduisant le peuple palestinien aux seuls habitants des territoires occupés de 1967 – les réfugiés palestiniens (qui sont la source de la cause palestinienne) sont ignorés comme ceux qui vivent en citoyens de troisième classe dans l’Israël de l’apartheid. Le nationalisme palestinien semble s’être mis en vacances de la résistance critique ! Des militants et intellectuels critiques, doivent donc faire avec le fardeau historique consistant à corriger la poussée à la capitulation de la vie pseudo-intellectuelle d’Oslo. 

Pire encore– et fragmenter davantage les composantes déjà fragmentées du peuple palestinien – le caractère de classe de la Palestine (déguisé en discours nationaliste) s’est récemment révélé sous forme de ressentiment vis-à-vis des Palestiniens de Gaza perçus soit comme des soutiens et membres du Hamas, soit comme des voix dissidentes indésirables, et qui constituent donc une sérieuse menace au soi-disant « Projet national ». La Palestine est aujourd’hui plus divisée que jamais, entre une majorité écrasante abusée par « l’industrie de la paix » et les quelques-uns qui en bénéficient.

Mais, comme le dit Antonio Gramsci : « La crise consiste précisément dans le fait que le vieux monde se meurt et que le nouveau peine à naître ; dans cet interrègne, une grande variété de symptômes morbides apparaît »[1]. Et l’un de ces symptômes est l’appel véhément à des programmes alternatifs, dont l’appel à établir un État laïque et démocratique entre le Jourdain et la Méditerranée – un appel à s’éloigner de la bantoustanisation et du séparatisme. 

Nombreux sont ceux, y compris certains de ceux qui étaient à l’avant-garde de la lutte pour un État palestinien dans les frontières de 1967, qui sont venus à réaliser que la solution raciste à deux États a toujours été maniée pour justifier une nouvelle capitulation. Au long de l’histoire, la Palestine a toujours eu un caractère multiculturel, qui ne peut être restauré que dans un seul État démocratique qui représente la volonté collective de tout son peuple : Juifs, Chrétiens, Musulmans, et autres. De nouveau, et sur la base des enseignements tirés des erreurs de l’Afrique du Sud, cela ne devrait pas se faire aux dépends des droits socioéconomiques fondamentaux de tous ceux qui en sont privés, en particulier les réfugiés vivant dans de misérables camps dans toute la région et en diaspora. 

[1] La citation de Gramsci est ici formulée à partir de la traduction anglaise que Haidar Eid a choisie sans connaître l’italien. Elle pose un problème car Gramsci parle de monstres et non de symptômes. Or, l’auteur de ce texte s’appuie sur le sens du symptôme pour donner comme exemple la solution d’un État unique qu’il appelle de ses vœux. Il confirme ce choix qui paraît erroné à la traductrice mais qu’elle respecte.La traduction généralement admise en France est la suivante : Le vieux monde se meurt. Le nouveau tarde à apparaître. Et, dans ce clair-obscur, surgissent les monstres. Et la phrase originale de Gramsci est : Il vecchio mondo sta morendo. Quello nuovo tarda a comparire. E in questo chiaroscuro nascono i mostri.

Source : Mondoweiss

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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