Le secret des dattes Medjool en Cisjordanie

Par Carolina Landsmann, le 7 août 2022

L’État d’Israël avait 19 ans lorsqu’il a conquis les territoires. Cette année, il a eu 74 ans. L’occupation et les colonies ne sont pas une étape dans sa vie, bien au contraire. Les années au cours desquelles il n’a pas été un occupant et n’a pas eu une entreprise de colonisation florissante sont l’exception dans sa vie.

C’est pourquoi il faut accepter la description courante et pertinente d’Israël comme un groupe de colonies ayant un État, et non un État ayant quelques colonies. Lorsque Yitzhak Rabin, dans une interview qu’il a donnée en 1976, a décrit le mouvement des colons du Gush Emunim comme un «mouvement de colonisation qui est comme un cancer dans le tissu social et démocratique d’Israël», il n’était pas moins prophétique que le professeur Yeshayahu Leibowitz, qui a averti qu’occuper une autre nation corromprait le pays. Tous deux ont parlé d’un processus de métastase. Ils ont averti que ce qui se passe dans les territoires ne reste pas là. Il se propage et infecte d’autres systèmes.

C’est ainsi, par exemple, que la maladie progresse: la semaine dernière, le conseil d’administration du Fonds national juif a approuvé l’allocation de 61 millions de shekels (18 millions de dollars) pour l’achat de terres palestiniennes dans la vallée du Jourdain. Quel intérêt lié à la sécurité pourrait justifier un appel du ministère de la Défense à un institut «national» pour l’aider à acquérir des terres palestiniennes privées? En outre, il ne s’agit pas d’une zone qui sera utilisée par les militaires. Non pas que cela rendrait tout cela normatif, mais cela introduirait au moins une certaine logique dans cette folie; par exemple, «écoutez, nous devons placer un réacteur nucléaire ici; c’est un endroit idéal, que pouvons-nous faire d’autre? Sinon, nous serons anéantis.» OK, si c’est le cas, achetez le terrain. Mais l’ensemble du processus n’était pas destiné à des fins militaires, alors pourquoi le ministère de la défense a-t-il servi de courtier en immobilier? Il s’agit de terres palestiniennes privées qu’Israël – faites semblant d’être surpris – a interdites par une injonction militaire en 1969. Dans les années 1980 – faites semblant d’être encore surpris – une partie de ces terres a été donnée à des colons, qui les utilisent encore aujourd’hui pour la culture de dattes destinées à l’exportation.

En 2018, certains de ses propriétaires palestiniens ont adressé une pétition à la Haute Cour de justice, demandant que l’injonction soit annulée et que les colons soient retirés. Ils avaient apparemment l’impression que les dattes ne servaient pas à des fins militaires. L’armée annulerait-elle l’injonction et mettrait-elle à la porte des colons qui, depuis 30 ans, vivent sur des terres privées dont les propriétaires ont été chassés pour des raisons «sécuritaires» inventées de toutes pièces? Pas question.

Le ministère de la Défense a donc décidé de sortir des sentiers battus. Et la boîte, bien sûr, c’est l’État et ses lois restrictives. Demandons à Moishele du JNF de régler les problèmes du ministère de la Défense et d’acheter le terrain à ses propriétaires palestiniens. Le tout en toute discrétion, bien sûr, sous couvert d’un bâillon, car après tout, Israël est en pleine opération militaire depuis sa création et il ne faut pas parler de peur que l’ennemi ne découvre le secret des dattes Medjool. On peut évidemment toujours compter sur le JNF. Ses membres sont toujours animés par le mode de fonctionnement d’avant l’État, vivant le rêve. Ne leur parlez pas d’immobilier, ce n’est pas de leur ressort. Ils rachètent la terre. Je ne sais pas à quel stade en est ce cancer, mais il est clair qu’Israël a besoin de plusieurs types de chirurgie: la religion doit être séparée de l’État et les colonies de l’Israël souverain. Les instituts «nationaux» doivent être démantelés un par un sans hésitation, même l’Agence juive, et pas seulement en Russie. Le plus tôt sera le mieux. Ce n’est pas nous, c’est l’occupation qui ne cessera de tout corrompre jusqu’à ce que nous la supprimions.

Source : Haaretz

Traduction Thierry Tyler-Durden pour l’Agence média Palestine

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