Par Mohamed Mandour, Doja Daoud, Ignacio Miguel Delgado Culebras et Samir Alsharif le 5 juin 2024
Depuis le début de la guerre entre Israël et Gaza le 7 octobre, les journalistes et les médias de la région sont confrontés à un environnement hostile qui a rendu exceptionnellement difficiles les reportages sur la guerre.
En plus de documenter le nombre de cas croissant de journalistes tué.es et blessé.es, les recherches du CPJ ont révélé de nombreux types d’incidents au cours desquels des journalistes ont été pris.es pour cibles dans le cadre de leur travail en Israël et dans les territoires palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie.
Il s’agit notamment de 44 arrestations, ainsi que de nombreuses agressions, menaces, cyber-attaques et censures. Au 5 juin, les registres du CPJ indiquaient que 33 de ces journalistes étaient toujours en état d’arrestation.
(Note de la rédaction : ces chiffres sont régulièrement mis à jour au fur et à mesure que de nouvelles informations sont disponibles).
Plusieurs journalistes ont également perdu des membres de leur famille alors qu’ils et elles couvraient la guerre.
Le 13 novembre, huit membres de la famille du photojournaliste Yasser Qudih ont été tué.es lorsque leur maison dans le sud de Gaza a été frappée par quatre missiles, selon l’agence de presse Reuters et The Guardian. Ce drame s’est produit cinq jours après qu’un rapport publié le 8 novembre par HonestReporting, un groupe qui surveille ce qu’il décrit comme des « biais idéologiques » contre Israël dans les médias, a soulevé des questions autour de l’idée que Qudih et trois autres photographes basés à Gaza auraient eu connaissance de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. Les principaux médias, dont Reuters, ont réfuté ces allégations. HonestReporting a par la suite retiré ses accusations, mais son rapport a incité le bureau du premier ministre israélien à tweeter que les photographes étaient complices de « crimes contre l’humanité » et le membre du cabinet de guerre israélien Benny Gantz à dire qu’ils devraient être traités comme des terroristes. Qudih a survécu à l’attaque.
Le 25 octobre, Wael Al Dahdouh, chef du bureau d’Al-Jazeera à Gaza, a perdu sa femme, son fils, sa fille et son petit-fils lorsqu’une frappe aérienne israélienne a touché le camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza, selon une déclaration d’Al-Jazeera et de Politico. Le 7 janvier, le chef du bureau d’Al-Jazeera a perdu un cinquième membre de sa famille. Son fils, Hamza Al Dahdouh, journaliste et caméraman pour Al-Jazeera, a été tué avec un collègue. Alors qu’ils rentraient à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, après avoir filmé les conséquences d’une frappe aérienne, leur véhicule a été frappé par les Forces de défense israéliennes (FDI), selon plusieurs rapports de presse.
À Gaza, les risques sont très élevés. Israël a répondu à l’attaque surprise du Hamas par des frappes aériennes et une agression terrestre sur la bande de Gaza, qui est contrôlée par le groupe militant palestinien.
Le CPJ enquête sur des informations selon lesquelles plus de 50 bureaux ont été endommagés à Gaza, laissant de nombreux journalistes sans lieu sûr pour effectuer leur travail, alors qu’ils et elles doivent également faire face à d’importantes coupures d’électricité et interruptions de communications, à des pénuries de nourriture et d’eau, et qu’ils et elles doivent parfois fuir avec leur famille.
Tant à Gaza qu’en Israël, les journalistes qui couvrent la guerre ont indiqué qu’ils et elles manquaient d’équipements de protection individuelle (EPI). Le CPJ a reçu de nombreuses demandes de journalistes indépendant.es ayant besoin d’EPI, mais la livraison de ces équipements aux journalistes de la région est difficile. Le CPJ recommande actuellement aux journalistes de consulter le guide EPI du CPJ pour se procurer leur propre équipement.
« Les journalistes de Gaza sont confrontés à un danger exponentiel », a déclaré Sherif Mansour, coordinateur du programme du CPJ pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Mais leurs collègues de Cisjordanie et d’Israël sont également confrontés à des menaces, des agressions et des intimidations sans précédent, visant à entraver leur travail essentiel de couverture du conflit. »
Des journalistes de la BBC, d’Al-Jazeera, de RT Arabic et d’Al-Araby TV ont signalé que la police et l’armée israéliennes, entre autres, avaient entravé leurs reportages depuis le début de la guerre. Voici quelques-uns de ces incidents :
Agressions
Le 18 décembre, un soldat israélien a tiré sur le journaliste palestinien et photographe indépendant Ramez Awad, le blessant à la cuisse, alors qu’il couvrait les opérations israéliennes dans le village de Jaffna, au nord de la ville de Ramallah en Cisjordanie, selon le Syndicat des journalistes palestiniens, le journal panarabe Al-Araby Al-Jadeed, basé à Londres et financé par le Qatar, l’agence de presse Wafa, administrée par l’Autorité palestinienne, et le groupe de défense de la liberté de la presse SKeyes, basé à Beyrouth.
Le 26 novembre, plusieurs journalistes ont déclaré avoir été agressé.es par les forces israéliennes alors qu’ils elles attendaient devant la prison d’Ofer, située entre Ramallah et Beituniya, selon le Syndicat des journalistes palestiniens (PJS), le site d’information The New Arab, basé à Londres, et la chaîne de télévision Al Araby TV. Ils elles étaient venu.es couvrir la libération par Israël de prisonniers palestiniens dans le cadre de la trêve et de l’accord d’échange de prisonniers entre le Hamas et Israël.
Les journalistes de Sky News Arabia, Firas Lutfi et Raed El-Helw, qui avaient déjà été agressés le 7 octobre, ont indiqué au PJS que les forces israéliennes les avaient visés avec des gaz lacrymogènes et des balles non identifiées alors qu’ils se trouvaient dans ce qu’ils pensaient être une zone sûre, loin des affrontements devant la prison d’Ofer. Ils portaient leur gilet de presse et ont informé les soldats israéliens qu’ils étaient journalistes. Suite à cette attaque, El-Helw a été blessé à la main alors qu’il tentait de récupérer son appareil photo et de quitter la zone. El-Helw a déclaré qu’il s’agissait d’une attaque délibérée d’un sniper et qu’il avait pu noter une lumière laser sur sa main juste avant d’être pris pour cible. PJS a diffusé des extraits vidéos des entretiens avec Lutfi et El-Helw, ainsi qu’une autre vidéo montrant la blessure d’El-Helw. PJS a ajouté que les équipes de TRT et de Roya News étaient présentes lors de l’attaque contre les journalistes.
Lors d’un autre incident survenu le 26 novembre près de la prison d’Ofer, le journaliste d’Al-Araby TV, Fadi Al-Assa, un caméraman d’Al-Araby et un autre journaliste ont également été visés par des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc alors qu’ils se trouvaient sur des toits à proximité de la prison. Al-Assa a déclaré à The New Arab qu’un drone des FDI a volé juste au-dessus d’eux, et qu’ils étaient clairement identifiables comme des journalistes tenant leurs caméras. Les forces israéliennes sont entrées dans la maison, les ont rejoints sur le toit et les ont fouillés. Ils ont confisqué la carte mémoire du caméraman d’Al-Araby et les ont forcés à partir sous la menace d’une arme, selon le New Arab et Al Araby TV.
Le 17 novembre, le vidéaste d’Al-Jazeera English, Joseph Handal, a été agressé par des colons israéliens à Bethléem, en Cisjordanie, selon l’agence de presse officielle de l’Autorité palestinienne, Wafa, le Réseau d’information palestinien et le Syndicat des journalistes palestiniens. Les agresseurs ont brisé les phares et les vitres de la voiture de Handal, et l’ont frappé au visage avec une pierre avant qu’il ne soit transporté à l’hôpital, ont indiqué ces sources.
Le 17 novembre, à Jérusalem, le reporter Murat Can Ozturk et le caméraman Ahmet Bagis de la chaîne d’information turque TRT Haber ont été agressés alors qu’ils étaient en direct de la zone et couvraient les affrontements entre les forces israéliennes et les fidèles palestiniens à la mosquée Al-Aqsa dans le quartier de Wadi Al Joz à Jérusalem-Est. Un officier de la police des frontières israélienne a brisé la caméra avec son arme, selon TRT Haber, le journal turc Daily Sabah, et le directeur de TRT à Jérusalem, Yalcin Aka, qui a parlé au CPJ par téléphone.
Le 16 octobre, le journaliste et chroniqueur Israel Frey est entré dans la clandestinité après que son domicile ait été attaqué la veille par une foule d’Israéliens d’extrême droite après qu’il ait exprimé sa solidarité avec les Palestiniens de Gaza, selon Haaretz et Middle East Eye.
Le 12 octobre, les reporters arabes de la BBC Muhannad Tutunji, Haitham Abudiab et leur équipe ont été tirés de leur véhicule, fouillés et tenus en joue par la police dans la ville israélienne de Tel Aviv, bien que leur véhicule ait été marqué « TV » avec du ruban rouge et que Tutunji et Abudiab aient présenté leurs cartes de presse à la police, a rapporté la BBC. Selon la BBC, M. Tutunji a été frappé au cou et son téléphone a été jeté par terre alors qu’il tentait de filmer l’incident.
En réponse, la police israélienne a publié une déclaration, citée par la BBC, selon laquelle ses officiers ont remarqué « un véhicule suspect et l’ont arrêté pour inspection » et ont fouillé le véhicule « par crainte de possession d’armes ».
Le 7 octobre, Sky News Arabia a déclaré que son équipe dans la ville d’Ashkelon, dans le sud d’Israël, avait été agressée par la police israélienne. Le correspondant de la chaîne, Firas Lutfi, a déclaré que les policiers avaient pointé des fusils sur sa tête, l’avaient forcé à se déshabiller, avaient confisqué leurs téléphones et les avaient escortés hors de la zone, selon Sky News Arabia et Alwafd news, basé au Caire.
Menaces
Le 22 novembre, Anas Al-Sharif, reporter et vidéaste pour Al-Jazeera Arabic dans le nord de la bande de Gaza, a déclaré avoir reçu des menaces par téléphone de la part d’officiers de l’armée israélienne, selon Al-Jazeera et le groupe de défense de la liberté de la presse SKeyes, basé à Beyrouth. M. Al-Sharif a déclaré sur Al-Jazeera qu’il avait reçu plusieurs appels téléphoniques d’officiers de l’armée israélienne lui demandant de cesser ses reportages et de quitter le nord de la bande de Gaza. En outre, il a reçu des notes vocales sur WhatsApp qui lui indiquaient où il se trouvait. Cependant, il a souligné son rôle en tant qu’un des rares journalistes restant à couvrir le nord de Gaza et a affirmé sa détermination à rester et à poursuivre ses reportages. Le Syndicat des journalistes palestiniens a publié une déclaration exprimant son inquiétude quant au risque imminent encouru par les journalistes dans le nord, citant des menaces à l’encontre de certains d’entre eux, y compris Al-Sharif.
Du 19 au 26 novembre, le journaliste Motaz Azaiza a reçu de multiples menaces provenant de numéros anonymes lui demandant de cesser ses reportages dans le nord de la bande de Gaza et de se rendre dans le sud ou de fuir en Égypte, selon son message sur X, anciennement Twitter, et les organes d’information Roya News et Al Bawaba, basés à Amman. Azaiza a rendu compte de la guerre via son compte Instagram, qui compte plus de 14 millions d’abonnés, et a acquis une reconnaissance importante dans les médias, car sa couverture a permis d’ouvrir au monde entier une fenêtre sur Gaza.
Le 5 novembre, une équipe de journalistes de la chaîne publique allemande ARD, dont le correspondant d’ARD Jan-Christoph Kitzler, accompagné d’un Palestinien et d’un employé de la chaîne allemande, revenait d’un reportage sur les violences commises par des colons à l’encontre de Palestiniens en Cisjordanie. Ils ont été arrêtés par des soldats israéliens au sud de la ville palestinienne d’Hébron. Les soldats ont menacé les journalistes avec leurs armes et leur ont même demandé s’ils étaient juifs, selon le service d’information de la télévision allemande Tagesschau et Haaretz. Un membre de l’équipe a également été traité de traître, selon les mêmes sources. M. Kitzler a publié une photo sur la plateforme de médias sociaux X, montrant l’un des soldats pointant une arme dans sa direction. M. Kitzler a attribué l’agression des soldats au fait que l’équipe effectuait un reportage sur la violence croissante des colons à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie, écrivant dans son message qu’ « il convient de noter que de nombreux soldats dans cette zone sont eux-mêmes des colons, ce qui crée un environnement dans lequel les journalistes ne sont généralement pas les bienvenus. »
Selon Tagesschau et Haaretz, Christian Limpert, directeur du studio ARD de Tel Aviv, a également qualifié l’incident de tentative d’empêcher ARD et d’autres médias internationaux de réaliser des reportages en Cisjordanie.
Après plus d’une heure, la situation s’est apaisée lorsque le bureau des affaires étrangères de l’IDF, responsable des correspondants étrangers, a joué le rôle de médiateur par téléphone. Selon Haaretz, les FDI se sont excusées et ont affirmé leur engagement à garantir la liberté de la presse en Cisjordanie. M. Limpert a indiqué que quelques jours avant cet incident, des soldats avaient retenu pendant deux heures un caméraman de l’ARD et son preneur de son pour un reportage sur les violences commises par les colons près de Qawawis, dans le sud d’Hébron. Au cours de cet incident, leurs téléphones et leur caméra ont été temporairement confisqués, selon Haaretz et la déclaration de l’Association de la presse étrangère en Israël (FPA).
Le 30 octobre, la correspondante d’Al-Jazeera dans la bande de Gaza, Youmna El-Sayed, a déclaré à la chaîne que son mari avait reçu un appel menaçant d’un numéro privé de la part d’un homme qui s’est présenté comme un membre des FDI et qui a dit à la famille « de partir ou de mourir », selon le groupe de défense des droits humains Women In Journalism et CNN Arabic. Mme El-Sayed a déclaré à Al-Jazeera English qu’elle estimait qu’il était trop risqué de conduire sur une route de Gaza, d’autant plus que deux voitures avaient été bombardées par un char plus tôt dans la journée et que la dernière fois que sa famille avait tenté de fuir la ville de Gaza, elle avait été contrainte de faire demi-tour en raison des bombardements israéliens sur le sud de la bande de Gaza.
Le 15 octobre, la correspondante de RT Arabic, Dalia Nammari, et son équipe, qui détenaient des cartes de presse israéliennes, ont été arrêtées par la police israélienne à la frontière pour un contrôle d’identité, selon RT Arabic et le Syndicat des journalistes palestiniens. Un officier a menacé Dalia avec son arme et ils ont averti l’équipe de ne pas retourner sur les lieux sous peine d’être arrêtée, ont indiqué ces sources.
Le 15 octobre, une vidéo publiée par Al-Araby TV montrait un officier de police israélien criant et jurant contre son correspondant alors qu’il effectuait un reportage en direct d’Ashdod, dans le sud d’Israël. Le journaliste a déclaré à l’antenne que le policier était armé.
Le 14 octobre, Al-Jazeera a diffusé des images d’une zone du sud d’Israël proche de la bande de Gaza, connue sous le nom d’enveloppe de Gaza, montrant quatre soldats des FDI ordonnant aux journalistes d’Al-Jazeera d’arrêter de filmer et de quitter la zone immédiatement. L’incident a également été couvert par Arabia News 24.
Les courriels du CPJ demandant des commentaires sur ces incidents au porte-parole des FDI pour l’Amérique du Nord et à la police israélienne n’ont reçu aucune réponse.
Cyber-attaques
Le 11 novembre, le Syndicat des journalistes palestiniens a annoncé que son site web avait fait l’objet de cyber-attaques. Le syndicat a ajouté qu’il pensait qu’il s’agissait d’une attaque ciblée en raison de son rôle dans la couverture des crimes commis contre les journalistes, selon le syndicat et Rania Khayyat, qui travaillait pour le syndicat et a parlé avec le CPJ.
Le 10 novembre, Plestia Alaqad, une journaliste palestinienne dont les reportages Instagram de Gaza ont été présentés par NBC News et le New York Times, a déclaré sur X, anciennement Twitter, qu’elle avait subi de multiples incidents de piratage sur son compte Instagram. Cette information a également été rapportée par Sinar Daily. Plusieurs autres journalistes effectuant des reportages sur Gaza via Instagram ont également fait état de tentatives de piratage. La journaliste Yara Eid a suggéré que ces incidents pourraient être des cyberattaques à motivation politique visant à saper la crédibilité et le travail des journalistes palestiniens, selon la Coalition pour les femmes dans le journalisme et Sinar Daily.
Le 3 novembre, la chaîne de télévision jordanienne Al-Mamlaka TV a subi des cyberattaques sur son site web, selon une déclaration de la chaîne et du groupe SKeyes, basé à Beyrouth. La chaîne a déclaré sur X, anciennement Twitter, que cette attaque était liée à sa couverture de la guerre à Gaza.
Le 31 octobre, Al-Jazeera a publié un communiqué confirmant que ses sites web et ses serveurs avaient été la cible d’une cyberattaque, attribuée à sa couverture de la guerre entre Israël et Gaza. Al-Jazeera a révélé que les adresses IP de certains attaquants étaient liées à une partie participant activement au conflit en cours, tandis que d’autres IP s’efforçaient de masquer leur véritable origine, selon Al-Jazeera et le site web d’information libanais Al-Modon.
Le 18 octobre, l’agence de presse officielle de l’Autorité palestinienne, Wafa, a subi une cyberattaque qui a perturbé son site web, selon Wafa et le média Roya News, basé à Amman. « Cette attaque fait partie d’un effort plus large visant à supprimer les médias palestiniens et à réduire au silence les plateformes de vérité », a déclaré Wafa. Le CPJ n’a pas été en mesure de déterminer l’auteur de l’attaque.
Le 9 octobre, le Jerusalem Post a signalé que son site web était hors service en raison d’une série de cyber-attaques survenues la veille. Le groupe Anonymous Sudan a revendiqué la responsabilité de ces attaques sur Telegram, ont rapporté Axios et Time magazine.
Censure
Le 23 novembre, le ministre israélien des communications, Shlomo Karhi, a proposé une résolution gouvernementale visant à mettre fin à toute publicité, abonnement ou autre lien commercial avec le quotidien Haaretz, selon Haaretz et le Times of Israel. Il a cité ce qu’il a décrit comme la « propagande défaitiste et mensongère » de la publication contre l’État d’Israël en temps de guerre. Cependant, le cabinet n’a pas approuvé la proposition, probablement en raison des critiques de l’Union des journalistes, qui l’a qualifiée de « nuisible à la liberté de la presse » et de manœuvre « populiste » pour s’attirer les faveurs de la base politique. Karhi, qui a mené des efforts pour faire passer des réglementations d’urgence visant à fermer les diffuseurs étrangers considérés comme nuisibles à la sécurité nationale, a également inclus les médias nationaux dans son projet initial, a rapporté le Times of Israel.
Le 12 novembre, le cabinet de sécurité israélien a approuvé la décision de fermer en Israël le radiodiffuseur basé au Liban et la chaîne de télévision Al-Mayadeen, affiliée au Hezbollah. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une réglementation d’urgence adoptée le mois dernier, qui permet au gouvernement de fermer des organes de presse étrangers considérés comme portant atteinte à la sécurité nationale, comme l’ont rapporté le Jerusalem Post et le Times of Israel. Selon ces sources, le ministre israélien des communications, Shlomo Karhi, a été autorisé à ordonner la fermeture des bureaux de la chaîne en Israël et la confiscation de son matériel.
Le 8 novembre, la Knesset israélienne a adopté un amendement à la loi antiterroriste, introduisant une nouvelle infraction pénale appelée « consommation de matériel terroriste », avec une peine maximale d’un an d’emprisonnement, selon Al-Jazeera et le Times of Israel. L’amendement ajoute une nouvelle infraction à l’article 24 de la loi antiterroriste israélienne, décrite comme la « consommation systématique et continue de publications d’une organisation terroriste dans des circonstances qui indiquent une identification avec l’organisation terroriste ». Plusieurs organisations de défense des droits humains se sont inquiétées des conséquences de cette loi sur la liberté d’expression, la liberté de la presse et les journalistes. Les termes généraux de la loi pourraient être utilisés comme arme contre les journalistes qui consomment des informations provenant d’entités ou de sources désignées comme « terroristes » par Israël, ce qui compromettrait leur travail.
Le 30 octobre, le magazine Rolling Stone a annoncé que le gouvernement israélien avait refusé une carte de presse à son journaliste Jesse Rosenfeld, qui a couvert de manière critique l’administration du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. « Rolling Stone n’est pas un organe d’information et nous n’avons pas affaire à ce monsieur, merci », a déclaré Ron Paz, directeur israélien de la presse étrangère, à Rolling Stone lundi, selon Rolling Stone et le site web de divertissement The Wrap.
Le 29 octobre, les autorités israéliennes ont fermé la station de radio Dream, basée à Hébron, la plus grande ville de Cisjordanie, au motif qu’elle perturbait la circulation de leurs avions, selon l’agence de presse officielle de l’Autorité palestinienne, Wafa, l’agence de presse palestinienne Maan et le Syndicat des journalistes palestiniens. Le directeur de la station, Talab Al-Jaabari, a déclaré au CPJ que « le chef des services de renseignements israéliens m’a appelé et m’a menacé de confisquer le matériel. Il n’y a pas eu d’ordre officiel ». Dream avait déjà été fermée par les FDI en 2015 et en 2022.
Le 16 octobre, Israël a proposé une nouvelle réglementation d’urgence qui lui permettrait d’interrompre les émissions des médias qui nuisent au « moral national ». Les autorités ont menacé de fermer les bureaux locaux d’Al-Jazeera en vertu de cette proposition de règlement et d’empêcher le média mondial de rendre compte librement de la guerre.
Le 16 octobre, l’armée israélienne a ordonné la fermeture de l’agence J-Media, basée en Cisjordanie, selon le groupe palestinien de défense de la liberté de la presse MADA et le site d’information The New Arab, basé à Londres. Dans un communiqué, l’armée israélienne a qualifié l’agence de presse d' »organisation illégale » et a déclaré que sa fermeture était nécessaire pour « la sécurité de l’État d’Israël, la sécurité du public et l’ordre public », ont indiqué ces sources, ajoutant que J-Media s’était conformée à cette décision et avait immédiatement cessé ses activités. J-Media fournit des images et des services médiatiques aux diffuseurs et couvre l’actualité palestinienne, selon le groupe de liberté de la presse basé à Beyrouth, SKeyes, et l’examen de son site web par le CPJ.
Obstruction
Le 11 mai, des officiers de police israéliens ont brièvement détenu une équipe d’Al-Araby TV composée du reporter Ahmed Darawsha et du caméraman Ali Mohamad Dowani. C’est arrivé alors qu’ils couvraient une manifestation à Tel Aviv pour la libération des otages israéliens pris par le Hamas le 7 octobre, selon l’employeur des journalistes, des images postées sur les réseaux sociaux par des témoins oculaires, et Dowani, qui a parlé au CPJ via une application de messagerie le 12 mai.
« Alors que nous couvrions les manifestations anti-guerre à Tel Aviv, nous avons été détenus pendant deux heures et empêchés de travailler sous le prétexte que nous sommes affiliés à Al Jazeera, qui est interdite en Israël, simplement parce que nous parlons arabe », a déclaré M. Dowani.
Des images de l’incident montrent des policiers israéliens vérifiant les cartes de presse des journalistes et Darawsha tenant un microphone avec le logo de la chaîne de télévision Al-Araby.
Mohamed Mandour a rejoint le CPJ en tant que chercheur sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord en 2023. Il est titulaire d’un master en droits humains avec une mineure en droit et une majeure en sécurité nationale et responsabilité de l’école Humphrey de l’Université du Minnesota. M. Mandour a précédemment travaillé en tant que chargé de recherche Bassem Sabry à l’Institut Tahrir pour la politique du Moyen-Orient et a été reconnu comme un expert émergent par le Forum sur le commerce des armes. Ses recherches portent sur l’activisme en exil, la répression transnationale et la répression numérique dans la région MENA. Suivez-le sur LinkedIn.
Doja Daoud est la représentante du CPJ pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Avant de rejoindre le CPJ en mars 2022, Doja Daoud a travaillé pour le journal panarabe Al-Araby al-Jadeed en tant que rédactrice et rédactrice en chef, se focalisant sur la liberté de la presse et la surveillance des médias. Elle a également contribué à des organes de presse libanais et a cofondé Alternative Press Syndicate, un syndicat local de journalistes.
Ignacio Miguel Delgado Culebras a travaillé comme journaliste indépendant dans tout le Moyen-Orient, écrivant sur la société civile, la démocratisation et les droits humains. Il a été analyste des médias pour le bureau européen de l’Open Source Center pendant neuf ans et a travaillé comme chercheur, rédacteur et observateur électoral pour le Ibn Khaldun Center for Development Studies, basé au Caire.
Traduction: SD pour l’Agence Média Palestine
Source: CPJ