Le 3 mai, Fatah et Hamas, ont signé un accord ouvrant la voix à un gouvernement transitoire et à des élections d’ici un an dans les territoires palestiniens. Le président américain Barack Obama a proposé la reprise de négociations de paix avec Israël sur la base des frontières de 1967. Le Premier ministre israélien a refusé, faisant craindre une nouvelle impasse. L’Irlandais Proinsias De Rossa a mené une délégation du Parlement européen dans les territoires occupés le mois dernier. Il raconte.
Proinsias De Rossa (Socialistes et démocrates) est le président de la délégation du Parlement européen auprès du Conseil législatif palestinien.
M. De Rossa, vous vous êtes rendu en Cisjordanie et à Jérusalem-Est le mois dernier. Quelle est la situation sur place ?
Proinsias De Rossa : Nous avons vu les abus, l’humiliation et les violations des droits de l’homme auxquels les Palestiniens sont quotidiennement soumis. De nombreux jeunes sont en prison : il y a 200 enfants palestiniens qui croupissent dans les geôles israéliennes en ce moment. (…)
A Hébron, nous avons fait un tour sur le marché de plein air, qui est couvert par un grillage. Ce grillage est recouvert de cailloux, de pierres et de toutes sortes de débris jetés par les colons israéliens qui vivent dans les bâtiments qui dominent la rue. Une personne de notre groupe a été arrosée d’eaux usées quand nous sommes passés car les colons ne veulent pas d’étranger, ils ne veulent pas que le coin devienne une attraction pour les visiteurs.
C’est mineur par rapport à ce qui se passe pour les Palestiniens. Nous avons visité la maison d’un Palestinien qui est constamment harcelé. Une de ses enfants, un petit garçon de trois ans, a une entaille sur le front car il avait été touché par une pierre la semaine précédente. La situation est scandaleuse.
Barack Obama a proposé de prendre les frontières de 1967 comme base de négociations entre Israël et les Palestiniens. Le Premier ministre israélien a refusé. Le processus de paix est-il encore dans l’impasse ? Que peut faire l’Union européenne ?
PDR : Le refus de Benjamin Netanyahou (le Premier ministre israélien, ndlr) n’est pas une surprise pour les gens comme moi qui se rendent régulièrement dans la région. Le gouvernement israélien actuel est intéressé (…) par l’expansion [de son Etat], et c’est ce qui se passe actuellement en Cisjordanie et à Jérusalem. La question est de savoir comment faire pression. Ce n’est plus tenable. (…)
L’Europe et Israël ont des relations commerciales importantes, estimées à des milliards d’euros de chaque côté. Nous avons un accord de partenariat avec Israël également. Dans l’accord commercial, il y a une clause qui stipule que chaque partie doit respecter les droits de l’homme. Si elles ne le font pas, c’est une violation de l’accord. Nous savons qu’il y a une violation de l’accord de la part des Israéliens et jusqu’à maintenant nous ne faisons rien pour nous assurer que l’accord soit respecté.
En conséquence, les Palestiniens estiment que l’Europe n’est pas cohérente. L’UE demande l’application des droits de l’homme et de la démocratie partout dans le monde. Les Palestiniens disent maintenant : « Et nous ? » L’UE ne peut avoir deux positions différentes sur les droits de l’homme et la démocratie. Les principes qui sont appliqués en Libye, en Tunisie et en Egypte doivent aussi être appliqués aux Palestiniens.
Si le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne, devait entrer dans le gouvernement palestinien, est-ce que l’UE continuerait son aide financière pour les territoires palestiniens ?
PDR : Ils se sont mis d’accord pour former un gouvernement de technocrates, pas de politiciens. Les membres du gouvernement mettront en œuvre de façon officielle et professionnelle le programme qui a été acté dans l’accord de réconciliation. Le Conseil de l’UE (représentant les Etats membres) a expliqué la semaine dernière que l’Union salue l’accord de réconciliation et qu’elle envisage de continuer son aide à l’Autorité palestinienne.
Les Palestiniens ont le droit de voter pour le gouvernement qu’ils veulent, comme les Tunisiens, les Egyptiens et les Libyens. Il faut respecter le résultat des élections sinon nous n’aurons aucune crédibilité dans la région. Si nous reconnaissons et respectons le résultat des élections en Egypte dans les mois à venir, nous ne pouvons pas nous comporter différemment en Palestine.
Nous ne pouvons pas être perçus comme traînant des pieds. Il y a beaucoup de choses en jeu, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens. La sécurité d’Israël dépend d’un accord avec les Palestiniens, de façon à ce que deux Etats puissent coexister en paix. Il n’y a pas d’avenir pour Israël sans cela. Cela plantera les germes de la paix pour le reste de la région.