Israël viole la vie privée du militant Frank Barat (interview vidéo)

 

Par David Cronin

Le gouvernement israélien a confirmé cette semaine (1) que les passagers arrivant à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv seraient susceptibles de voir leurs boîtes mail fouillées. Or, coïncidence de calendrier, le militant solidaire de la Palestine, Frank Barat, a fait l’expérience de ce type d’intrusion lundi soir 22 avril, après y avoir atterri. Peu après que Frank Barat soit arrivé au Bureau de l’immigration à l’aéroport, un officier des services du renseignement intérieur d’Israël, le Shabak, est venu à sa rencontre. Plus tard, on lui a tendu un papier où on lui a demandé d’écrire toutes les adresses e-mail qu’il possède.

Israël viole la vie privée du militant Frank Barat (interview vidéo)

Frank Barat (à g.) avec Desmond Tutu, archevêque sud-africain et Michael Mansfield, avocat britannique pour les droits de l’homme. (Sumaya Hisham)
La première série des questions posées à Barat a concerné le but de son voyage et le lieu où il résiderait, avant d’aborder des questions à caractère personnel. Il a ensuite été informé que selon une nouvelle mesure de sécurité, les autorités peuvent exiger d’un visiteur de se connecter à sa boîte mail. Préparé pour une telle mesure, Barat avait ouvert un nouveau compte mail quelques jours auparavant. Une fois son mot de passe entré, l’officier « s’est énervé » parce que sa boîte était vide.

Le français Barat, qui a coordonné le Tribunal Russell pour la Palestine, estime que les Autorités israéliennes étaient déjà bien au courant de son activisme politique. « J’ai vraiment eu l’impression qu’ils en savaient beaucoup, » m’a-t-il dit. « Leur objectif était de recueillir plus d’informations et c’est pourquoi ils n’ont cessé d’insister pour obtenir mon adresse mail, parce qu’ils savent que par ce biais, ils peuvent reconstruire les réseaux. Ce qu’ils voulaient vraiment était d’accéder à mon compte pour le fouiller. »

« Ecœurant »

Au total, l’interrogatoire de Barat a duré quatre heures. Il a finalement été emmené vers une cellule de rétention, dans l’enceinte de l’aéroport. « Ce n’était pas propre, » a-t-il commenté. « Les draps étaient collants et les toilettes étaient dégoûtants. J’ai demandé à sortir et suis resté sous surveillance tout le temps. J’ai eu deux sorties de 10 mn en 24 heures. »

Barat n’a eu le droit d’avertir sa famille de sa détention que par un sms. Il n’a pas eu la possibilité de contacter un avocat en France ou l’Ambassade de France à Tel Aviv. Après une journée d’incarcération israélienne, il a été déporté vers Bruxelles où il réside. Il était prévu qu’il participe à une conférence sur les prisonniers politiques palestiniens, à Ramallah, à l’occasion des 11 ans d’emprisonnement de Marwan Barghouti.

Garantie bidon

Le 24 mars, l’Association pour les Droits civils en Israël (ACRI) a reçu une réponse à la requête qu’elle avait adressée au Procureur général Yehuda Weinstein, il y a presque un an. Le Bureau de Weinstein y admettait que le Shabak (également connu sous le nom de Shin Bet) pouvait fouiller les comptes mails des visiteurs étrangers lorsqu’il y avait des « indices probants de suspicion ». Arguant que les recherches se faisaient avec le « consentement » du visiteur, le Bureau reconnaissait que refuser de coopérer pouvait être pris en considération pour autoriser, ou non, l’entrée d’un visiteur en Israël.

La garantie concernant le « consentement » est carrément bidon. Aucun choix réel n’a pas été donné à Barat avant que le Shabak ne s’introduise dans sa vie privée.

J’ai arrêté de compter le nombre de fois où les hommes politiques israéliens revendiquent leur ferme attachement aux « valeurs » européennes, en guise de tentative de se démarquer des despotes d’un Moyen-Orient élargi. Si ces « valeurs » signifient Droits de l’homme et démocratie, parcourir les boîtes mail des activistes à la pêche d’informations est alors un affront à ces valeurs. Le Droit à la vie privée est inscrit dans la Convention européenne des Droits de l’homme.

Barat a publié, ou coédité, les livres « Gaza, l’état de siège » et « Corporate Complicity in Israël’s occupation » et a écrit de nombreux articles sur la Palestine. Parce qu’il est un critique éloquent et bien informé de l’apartheid israélien, il fait le commerce de la chose qu’Israël redoute le plus : la vérité. Et Israël, dans son absolue détermination à cacher la vérité, fouine dans les affaires de ses opposants et les déporte.

(1) http://www.ism-france.org/communiques/Entree-en-Israël-l-inspection-du-courrier-electronique-autorisee-article-18087

 

Interview de Franck Barat (en anglais) pour Al-Jazeera au sujet de l’épisode « Ben Gourion »
http://www.youtube.com/watch?v=6VFOELu4VRQ&feature=player_embedded
Source : Electronic Intifada

Traduction : CR pour ISM




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