Israël : Nous ne pouvons pas perdre notre démocratie, nous n’en avons jamais eu !

4 août 2013 – Haaretz
L’illusion d’une démocratie en Israël n’est que l’une des nombreuses
illusions pour la croyance desquelles nous, les Israéliens, avons été
éduqués.

Bien des hymnes funèbres ont été entendus déplorant la mort de notre
démocratie avec la loi sur la Gouvernance votée en première lecture à
la Knesset la semaine dernière.

Il y a lieu de se lamenter : c’est effectivement une mesure
législative mauvaise et dangereuse. Mais pour qu’une chose meure,
encore faut-il qu’elle ait vécu. Existait-il une démocratie en Israël
avant le vote sur la Gouvernance ? La réponse est non.

Pendant toutes les 65 années d’existence d’Israël, cet État n’a jamais
été un État démocratique. Depuis sa fondation jusqu’en 1966, Israël a
imposé une loi martiale sur les communautés arabes dans son
territoire. Depuis l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de
Gaza en 1967 jusqu’à aujourd’hui, Israël impose sa loi aux milliers
d’habitants palestiniens de ces territoires : une population occupée
qui a vu ses libertés et ses droits fondamentaux supprimés.

Il n’y a eu qu’une illusion de démocratie ici, ou bien une démocratie
pour les seuls juifs. Termes évidemment contradictoires. Ce n’est que
l’une des nombreuses illusions pour la croyance desquelles nous, les
Israéliens, avons été éduqués. Il n’est pas facile de découvrir à quel
point la vie et l’éducation ici sont gorgées d’endoctrinement, parce
qu’en ne faisant qu’érafler légèrement la surface, on ne révèle que la
couverture qui recouvre une réalité complètement différente. Certains
d’entre nous le découvre dès leur plus jeune âge, d’autres plus tard.
Il y a aussi ceux qui ne le découvre jamais, peut-être préfèrent-ils
même ne pas le voir.

Parmi les exemples les plus frappants il y a les mythes comme « faire
fleurir le désert », ou la déclaration « une terre sans peuple pour un
peuple sans terre » ; des concepts de base du sionisme qui expriment
une vision du monde ignorant les habitants de cette terre. Il y a le «
travail hébreu  », l’aspiration que les juifs qui ont investi cette
terre travaillaient de leurs propres mains au lieu de diriger les
autres, ce qui a été perçu comme positif jusqu’à ce que nous
comprenions que cela signifiait l’exclusion des Arabes natifs de ce
travail. Un autre phénomène mis sur un piédestal est la renaissance de
la langue hébraïque. Même si c’était un heureux miracle, il a été
rendu possible lui aussi en écartant de nombreuses autres langues et
cultures, et pas rarement par la violence ; cela paraît déjà moins
réconfortant.

Il existe aussi des clichés comme « notre main est tendue dans la paix
», comme nos politiciens ont coutume de le dire alors qu’ils sont
toujours à fignoler des ruines. Dans d’autres versions, encore en
usage aujourd’hui, il y a des mantras comme « pas de partenaire pour
la paix  ». Et qui peut oublier « l’armée la plus morale du monde » ?
Cette même armée qui vient récemment d’arrêter un enfant palestinien
de cinq ans pour enquête, et cet État qui projette d’expulser 1300
Palestiniens de leurs maisons dans les collines du sud d’Hébron pour
économiser du temps et des ressources, pour ne citer que ces deux
exemples parmi d’innombrables autres.

Ce sont là des pensées ennuyeuses. Est-il possible que tout ce qu’on
nous a enseigné, ou au moins la plus grande partie, soit faux ? Quel
est le sens de tout cela ? Et en posant ces questions, nuit-on à notre
existence ici ? Si notre existence ici doit être basée sur une forte
poigne, sur l’élimination des autres, le nationalisme, le chauvinisme
et le militarisme, alors, la réponse est oui. Mais est-ce vraiment le
cas ?

Dans l’histoire du sionisme, il y avait d’autres options que celle de
la force du style Ben-Gourion. Par exemple, le chemin indiqué par les
professeurs Zvi Ben-Dor Benite et Moshe Behar, dans leur livre
récemment publié, Pensée juive pour un Moyen-Orient moderne : écrits
sur l’identité, la politique et la culture. Des intellectuels juifs
originaires du Moyen-Orient au début du XXe siècle avaient prévenu
contre l’adoption d’une arrogance européenne à l’égard des habitants
de cette terre, et appelé à un dialogue respectueux avec eux. Mais
leurs paroles sont tombées dans des oreilles de sourds. La faction
Brit Shalom d’Hugo Bergmann et Gershom Sholem avait aussi proposé une
autre voie dans les années trente, qui n’a pas été acceptée. (*)

L’État qui s’est établi ici n’était pas, malgré ses prétentions, « la
seule démocratie au Moyen-Orient ». Il semble que la première
condition pour vraiment fixer cette situation, si c’est encore
possible, est de reconnaître que nous n’avons pas aujourd’hui perdu
une démocratie. Il n’y en a jamais eu ici.

(*) Désillusion sioniste. Ils devront pousser leur raisonnement
jusqu’au bout : il n’existe pas de bonne voie pour voler le pays d’un
peuple (ndt)

Source: http://www.info-palestine.net/spip.php?article13823

 

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