Qui était l’homme du Hamas recherché à Jénine ? Par Gidéon Levy

Gideon Levy – Ha’aretz – 23 mars 2014

 

 

La première fois que j’ai rencontré Hamzi c’était en juin 2003, il avait alors 11 ans et ses deux parents étaient en prison ; quand je l’ai revu, il y a deux semaines, il n’avait rien d’un fugitif. Il a été assassiné à Jénine, samedi.

 


Membre du Hamas, recherché, « Hamzi » Abu al-Haija, assassiné à Jénine, le 22 mars 2014


Photo Alex Levzac


J’ai rencontré le fugitif Hamza « Hamzi » Abu al-Haija il y a environ deux semaines, chez lui, sur les pentes du camp de réfugiés de Jénine (http://www.haaretz.com/weekend/twilight-zone/.premium-1.578341). Hamzi n’avait pas le comportement d’un homme recherché. Il a passé la journée dans sa maison familiale, se comportant normalement ; il n’était pas armé et ne montrait aucun signe de la nervosité qui caractérisait les hommes en fuite que j’ai rencontrés au fil des années. Vêtu d’un chandail, il a joué avec sa petite nièce et s’est joint à la conversation que nous avions avec sa mère. Il souriait beaucoup, et il a dit qu’il n’avait pas peur.

 

Il nous a raconté que le soir du 18 décembre, les soldats sont venus chez lui pour l’arrêter alors qu’il fêtait la naissance d’un neveu avec des amis. Ils ont entendu des bruits suspects venant de la rue et ils ont d’abord pensé que c’était des hommes de l’Autorité palestinienne qui, eux aussi, tentent d’arrêter les hommes du Hamas dans le camp. Ce n’est que quand lui et trois de ses amis furent montés à la terrasse et qu’ils ont regardé dans la rue qu’ils ont compris que c’était les Forces de défense d’Israël.

 

Hamzi a réussi à leur échapper en se sauvant par les terrasses et à travers les ruelles, mais son ami, Nafaa Saidi, a été abattu par les soldats. Au cours des trois mois qui ont suivi, personne n’a essayé de l’arrêter et Hamzi a pu donc continuer sa vie quotidienne ; pendant la journée, il restait dans sa maison familiale, mais la nuit, il allait dormir ailleurs. Il a expliqué qu’il avait étudié la coiffure et que, quelques semaines plus tôt, un homme du Shin Bet disant s’appeler Shalom l’a appelé et lui a dit : « Je vais venir te trouver bientôt. Il faut terminer cette histoire avec toi. »

 

Donc, samedi, en début de matinée, l’histoire a été terminée. Selon des témoins du camp, Hamzi était avec quelques amis dans une maison en haut de la colline sur laquelle s’est construit le camp. Il était environ 3 h du matin, des soldats ont pris d’assaut la maison en faisant feu. Hamzi, qui était armé, a riposté, mais quand il s’est trouvé à court de munitions, il s’est dirigé vers les soldats, lesquels ont tiré sur lui et l’ont tué. Voilà ce qui s’est dit dans le camp de réfugiés de Jénine, samedi.

 

Mais les récits les plus graves qui circulaient concernaient les circonstances dans lesquelles les deux autres hommes qui étaient avec Hamzi ont été assassinés : selon ces témoins, ils ont été tués alors qu’ils transportaient le corps de Hamzi vers sa maison familiale, qui est éloignée de l’endroit où il avait été abattu. Des tireurs d’élite dans le camp les ont tués, alors même qu’ils n’étaient pas armés.

 

Hamzi était le plus jeune fils de Sheikh Jamal Abu al-Haija, ancien chef du Hamas dans le camp, qui a été condamné à neuf peines de prison à perpétuité pour son rôle dans l’envoi d’un volontaire pour un attentat suicide au carrefour de Meron, en août 2002, dans une attaque qui a fait neuf tués israéliens. Sheikh Jamal est incarcéré depuis 12 ans, et Hamzi ne l’a pas revu depuis son arrestation. Il nous a dit qu’il se souvenait à peine de lui.

 

La première fois que j’ai rencontré Hamzi c’était en juin 2003. Il avait 11 ans et ses deux parents ainsi que son frère aîné étaient en prison ; et les cinq enfants qui restaient, tous jeunes alors, ont été contraints de se débrouiller par eux-mêmes. J’ai décrit alors Hamzi comme un garçon marqué et silencieux. Sa mère, Asmaa, était placée en détention administrative (arrestation sans jugement). Elle a passé neuf mois en prison, alors qu’elle souffrait d’une tumeur au cerveau. La maison familiale a été démolie en 2002 par un missile tiré depuis un hélicoptère Apache, mais elle a été reconstruite et c’est maintenant une maison spacieuse, agréable et bien entretenue, avec des photos du père et des fils sur une grande affiche dans le salon. Deux des frères de Hamzi, Abed et Amad, sont eux aussi emprisonnés en Israël.

 

Après avoir appris que son fils avait été assassiné samedi, Asmaa a dû être hospitalisée. Quand nous l’avons quitté il y a deux semaines, et que nous lui avons recommandé de prendre soin de lui, il nous avait répondu : « Il n’y a rien à craindre ».

 

http://www.haaretz.com/mobile/1.581425?v=CA13EA8107CC9024CC95D46663450846

 

http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/1.581425

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

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