Par Ali Abunimah, mercredi 23 avril 2014
Parallèlement au “processus de paix” palestino-israélien sans fin et stérile, il y a une autre interminable saga : le « processus de paix » entre les principales factions palestiniennes, le Hamas et le Fatah.
Le Hamas dirige la branche de l’Autorité Palestinienne assiégée et isolée dans la bande de Gaza, tandis que le Fatah, avec le soutien appuyé des Etats Unis, de l’Union européenne, d’Israël et des régimes arabes, dirige l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie. Aujourd’hui, les leaders du Hamas et de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) dominée par le Fatah, ont signé un accord de « réconciliation » à Gaza. Les termes de l’accord incluent la formation, dans cinq semaines, d’un « gouvernement d’unité nationale » ayant à sa tête Mahmoud Abbas, le leader du Fatah, et des élections dans la bande de Gaza occupée et en Cisjordanie dans les six mois.
Pas si vite
« Voici la bonne nouvelle que nous annonçons à notre peuple : l’ère de la division est révolue », a dit Ismaïl Haniyeh, premier ministre de la branche de l’Autorité Palestinienne dirigée par le Hamas à Gaza, à la conférence de presse sur cet accord. L’enthousiasme avec lequel de nombreux Palestiniens ont accueilli la nouvelle de l’accord reflète bien la frustration du public face à cette interminable division et son aspiration à une véritable direction nationale. Mais la déclaration d’Haniyeh est plus que prématurée. Cette « réconciliation » n’ira pas plus loin que les précédents accords signés au Caire en 2011, à Doha en 2012 et de nouveau au Caire en 2012.
Des différences fondamentales
Les raisons son simples : les différences entre le Fatah et le Hamas sont fondamentales et n’ont pas changé. Le Hamas, bien qu’il observe actuellement le cessez-le-feu négocié avec Israël en novembre 2012, reste attaché à la résistance armée. Abbas reste attaché à la collaboration active – poliment appelée « coordination de la sécurité » – destinée à démanteler toute capacité de résistance armée palestinienne à Israël. Il n’y a pas de terrain d’entente entre ces deux positions et pas de confiance sur le terrain entre les forces de sécurité dirigées par Abbas sous supervision américaine d’un côté et la police du Hamas et ses forces armées de l’autre.
De bonnes relations avec l’occupation
Pas plus tard qu’hier, le journal israélien Haaretz rapportait qu’Abbas avait réaffirmé « qu’en ce qui le concerne, la coordination de la sécurité avec Israël continuerait aussi longtemps qu’il resterait à son poste ». « C’est un devoir, pas un choix » a dit Abbas. « Même en dehors des négociations, nous avons maintenu cette coordination de la sécurité, de manière à empêcher un bain de sang et le chaos. Nos relation avec l’armée [israélienne] et les forces de sécurité sont bonnes et nous sommes intéressés à les maintenir ».
Après les dernières élections en Cisjordanie et à Gaza en 2006, l’Autorité d’Abbas a conspiré avec Israël et les Etats Unis pour saper le gouvernement d’unité nationale de l’époque. La tentative de coup d’Etat appuyée par les USA a conduit à une brève et sanglante guerre civile palestinienne et à la division actuelle entre la Cisjordanie et Gaza.
Abbas, l’allié indéfectible d’Israël
Abbas est demeuré l’un des plus redoutables alliés d’Israël dans sa guerre contre la résistance et contre le Hamas en particulier. Israël a averti Abbas à l’avance de son invasion de Gaza en 2008-2009. Pour autant, Abbas n’a rien fait pour avertir les Palestiniens et sauver les vies des 1400 civils pour la plupart, qu’Israël a tués. Le camp d’Abbas a systématiquement fait pression pour qu’Israël resserre son étau dans le siège de Gaza. Rien qu’en 2011, selon des sources israéliennes, les forces d’occupation israéliennes et l’Autorité Palestinienne ont tenu 764 réunions de sécurité visant à empêcher la résistance palestinienne à l’occupation. Et récemment, en 2012, Abbas a mendié publiquement des armes à Israël, pour, disait-il, assurer la « sécurité » d’Israël.
L’Autorité Palestinienne dirigée par Abbas joue exactement le même rôle que « l’armée du sud-Liban » collaboratrice qu’Israël a armée et financée pendant les 22 ans de son occupation du sud-Liban. Il est tout simplement absurde d’imaginer un « gouvernement d’unité nationale » dont une partie soutient la résistance armée et l’autre reste totalement attachée à jouer le rôle de contrôleurs indigènes de l’occupation israélienne.
Voués à l’échec
Il n’a fallu que quelques heures à Israël et à son sponsor étasunien pour annoncer leur opposition au dernier accord de réconciliation. Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou a annoncé qu’il convoquerait son « cabinet de sécurité » pour en discuter et il a déclaré qu’Abbas pouvait choisir entre la « paix » avec Israël ou la paix avec le Hamas mais pas les deux. Le département d’Etat américain a annoncé – c’est ridicule – que l’accord était de nature à « compliquer » les efforts de paix inexistants. L’argument de base est celui-ci : l’AP dirigée par Abbas n’existe et ne fonctionne qu’à la discrétion d’Israël et des Etats Unis. Israël ne permettra pas de réconciliation ni d’élections s’il en juge autrement.
Ses prestataires ne laissent aucune marge de manœuvre à Abbas. Les USA l’ont récemment rappelé vertement à l’ordre contre l’idée de dissoudre l’Autorité Palestinienne et maintenant ils font connaître leur objection à la réconciliation.
Alors, pourquoi signer ?
S’il n’y a pas la moindre chance de succès, pourquoi le Hamas et le Fatah signeraient encore un accord de réconciliation ? Pour le Hamas, c’est un geste de désespoir, dans son isolement à Gaza, assiégé par Israël et par le régime égyptien issu du coup d’Etat et soutenu par les USA.
Pour Abbas, c’est du gagnant-gagnant. Il utilise le Hamas pour se retourner vers les USA et Israël à propos des négociations ratées, comme ce qu’il a fait en signant récemment un certain nombre de traités de l’ONU. Il sait en même temps, que l’accord ne conduira nulle part puisqu’Israël et les USA ne le permettront pas. Mais en signant une réconciliation (de plus), il rehausse sa propre position, blanchit sa complicité dans les crimes israéliens et – avec la bénédiction du Hamas – raffermit son image de « leader national » légitime.
Les Palestiniens ne doivent pas se tromper : aucune réconciliation qui laisse en place une AP collaboratrice agissant comme exécutant d’Israël, ne pourra donner lieu à la direction unie capable de tenir à tête à Israël, à laquelle ils aspirent.
S’il peut servir les intérêts politiques de court terme de certaines factions, un tel accord ne ferait que compromettre les droits du peuple palestinien et nuire à sa lutte de libération.
http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/another-stillborn-palestinian-reconciliation
Traduction SF pour CCIPPP