Des enfants décrivent la torture dans le système d’isolement carcéral israélien
Par Ali Abunimah, lundi 12 mai 2014
Les forces d’occupation israéliennes essaient d’arrêter un enfant palestinien lors d’une manifestation contre le mur de séparation construit dans un village de Cisjordanie al-Maasara, le 9 novembre 2012 (Oren Ziv / ActiveStills)
Une proportion croissante d’enfants palestiniens arrêtés par les forces d’occupation israéliennes subissent l’isolement au secret, des interrogatoires brutaux et des mauvais traitements équivalents à de la torture, selon un rapport publié aujourd’hui par Défense des Enfants International-Section Palestine (DCI-Palestine).
« Dans 21,4 % des cas recensés par DCI-Palestine en 2013, les enfants détenus dans le système carcéral israélien disent avoir subi l’isolement au secret comme faisant partie du fonctionnement de l’interrogatoire. Ce chiffre représente une augmentation de deux pour cent par rapport à 2012 », communiqué de presse accompagnant les déclarations du rapport.
DCI-Palestine a rassemblé, en 2013, 98 déclarations sous serment d’enfants palestiniens âgés de 12 à 17 ans. Les découvertes dérangeantes de ce rapport proviennent des 40 cas d’isolement au secret répertoriés en 2013.
Arrestations de nuit
Dans la très grande majorité des cas (34 sur 40), les enfants sont tirés de leur lit. « Les enfants racontent que des soldats israéliens lourdement armés les arrêtent avec violence au cours de raids nocturnes sur leurs maisons familiales », dit le rapport.
Les enfants sont souvent réveillés par le bruit que font les soldats israéliens en cognant sur la porte d’entrée avant qu’un membre de la famille ouvre la porte ou que les soldats forcent leur passage, chamboulant tout dans la maison.
Puis, les soldats d’occupation « rassemblent, dans une pièce ou dehors, les occupants de la maison, sans tenir compte de leur âge, et leur réclament leur identité. Généralement, la maison tout entière sera fouillée pendant le raid. Lorsque l’identité d’un enfant a été vérifiée d’après sa carte d’identité, sa famille sera informée que l’enfant doit partir avec les soldats.
Les yeux bandés
Les enfants ni leurs parents ne sont presque jamais informés des chefs d’accusation et, dit le rapport, ce moment « est très probablement la dernière fois que la famille verra l’enfant jusqu’à sa présentation à un tribunal militaire après une période indéterminée d’isolement au secret et d’interrogatoires. »
« Une fois que les soldats ont identifié l’enfant, on lui attache les mains avec des liens en plastique, très vraisemblablement derrière le dos, on lui bande les yeux et on le conduit jusqu’au véhicule de l’armée. »
Plus de la moitié des enfants ont fait état de diverses sortes de violence physique au cours de l’arrestation et durant le trajet vers le centre d’interrogatoire, parmi lesquels le centre de détention de Petah Tikva, le centre de détention de Kishon (également connu sous le nom de al-Jalame) près de Haïfa, ou la prison de Shikma près d’Ashkelon.
Ces locaux sont sous le contrôle du Service Carcéral Israélien et/ou de la police secrète du Shin Bet. Al-Jalame fait partie du nombre des locaux équipés par l’entreprise G4S qui profite du système carcéral international.
« Puanteur »
En moyenne, les enfants ont passé 10 jours en réclusion au secret, mais des enfants ont été maintenus jusqu’à 29 jours à l’isolement. Des enfants détenus à Kishon ont dit avoir été enfermés dans une petite cellule sans fenêtre, éclairée 24 H. sur 24 par une ampoule faiblarde.
Là, ils dormaient sur une couche en béton, sur le sol, ou sur un maigre matelas dont ils disaient souvent qu’il était « sale » et « puant ». Les murs de la cellule sont gris « avec des protubérances acérées ou rugueuses rendant l’appui douloureux. »
Aveux contraints
Privés de conseil juridique, de contacts familiaux et pour ainsi dire jamais informés sur leurs droits, dont le droit de se taire, les enfants sont soumis à des interrogatoires prolongés, des insultes et des violences équivalents à de la torture.
La plupart des enfants sont accusés d’avoir jeté des pierres, « crime potentiellement passible d’une condamnation jusqu’à 20 ans de prison selon l’âge de l’enfant. « Mais l’accusation peut servir de prétexte pour contraindre les enfants à fournir des informations utiles aux efforts d’Israël pour supprimer toute forme de résistance à l’occupation.
« Les techniques d’interrogatoire sont généralement mentalement et physiquement coercitives, comprenant fréquemment un mélange d’intimidation, de menaces et de violence physique dans le but évident d’obtenir des aveux », déclare DCI-Palestine. « Vociférations et intimidations sont régulièrement utilisées pour extorquer des aveux, des accusations et des informations sur les voisins ou les membres de la famille. »
Pendant les interrogatoires, « les enfants racontent qu’on les a obligés à s’asseoir sur une chaise basse en métal fixée au sol, pieds et mains menottés à la chaise, souvent pendant plusieurs jours. « Dans 31 cas sur 40, les enfants disent avoir subi cette « maltraitance posturale », dont la forme la plus fréquente est que l’enfant est entravé sur une chaise dans une position douloureuse pendant de longues séquences.
Le rôle des informateurs
Après avoir subi des abus scandaleux et des journées d’isolement au secret, les enfants sont psychologiquement vulnérables. Les inquisiteurs israéliens en tirent profit en utilisant des informateurs. DCI-Palestine décrit la technique utilisée par Israël, d’après les récits des enfants : Après de nombreux jours à l’isolement et à subir de longues séances d’interrogatoire, un enfant sera informé que l’interrogatoire est terminé et qu’on va le transférer dans une cellule.
Quand l’enfant arrive dans une cellule typique, un prisonnier adulte l’accueille chaleureusement, souvent en lui apportant de la nourriture chaude, un paquet de cigarettes ou d’autres choses. Le prisonnier adulte essaie de gagner la confiance de l’enfant en partageant des informations sur les membres de sa famille ou de sa communauté. Les enfants racontent qu’on leur conseille de ne parler de leur interrogatoire à quiconque, excepté cet individu là. Souvent, le prisonnier adulte ou bien questionnera l’enfant sur son interrogatoire et les questions qu’on lui a posées, ou bien il proposera d’alerter d’autres personnes à l’extérieur s’il partage ses informations.
Après un jour ou deux, l’enfant est à nouveau emmené à l’interrogatoire où on le confronte souvent à un enregistrement audio ou aux déclarations qu’il a faites au prisonnier informateur. Au cours de l’interrogatoire, l’enfant réalise pour la première fois que le prisonnier adulte est un informateur qui collabore avec les officiers de renseignement israéliens et que l’échange de l’enfant avec cet individu faisait partie du processus de l’interrogatoire.
Après avoir été confrontés à cette réalité, les enfants passent généralement aux aveux, sans accès à un conseil sur les allégations avancées contre eux pendant l’interrogatoire.
Impunité
Le rapport de DCI-Palestine a été soumis à de nombreux organismes des Nations Unies et comporte une analyse sur le fait que la maltraitance des enfants par Israël et l’usage croissant de la mise au secret équivalent à des violations graves des lois internationales, y compris les conventions sur la torture.
« Il faut reconnaître comme une forme de torture l’utilisation de l’isolement au secret des enfants dans les prisons israéliennes et les faire cesser immédiatement », dit le rapport.
Mais il constate aussi l’impunité totale qui a permis à Israël de poursuivre ses abus sans restriction.
En 2013, DCI-Palestine relate qu’elle a enregistré 15 plaintes envers les autorités israéliennes concernant des mauvais traitements et actes de torture sur dix enfants pendant leur détention dans une prison militaire israélienne.
Mais, dit le rapport, « pas une seule accusation n’a été émise contre un coupable et, dans de nombreux cas, on ne sait même pas si une enquête a été initiée. »
Accumulation de preuves
Le dernier rapport de DCI-Palestine s’ajoute à une montagne de preuves sur les abus systématiques d’Israël et le meurtre d’enfants palestiniens, dont les rapports précédents de DCI-Palestine, B’Tselem, Human Rights Watch et Amnesty International.
En décembre dernier, le collectif d’avocats le Comité Public Contre la Torture en Israël (PCATI) a révélé que les autorités israéliennes ont enfermé des enfants dans des cages à l’extérieur pendant une très rigoureuse tempête hivernale.
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Traduction : J.Ch. Pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada