La grève de la faim est arrêtée, mais la torture dans les prisons israéliennes continue

Les Palestiniens se sont mobilisés pour soutenir les prisonniers en grève de la faim, ici devant le siège de la Croix-Rouge à Jérusalem, le 12 juin.
(Saeed Qaq/APA Images)

Des dizaines de Palestiniens, détenus sans inculpation ni jugement par Israël, sont entrés hier dans leur 63e jour de grève de la faim – marquant la plus longue grève de la faim dans l’histoire du mouvement des prisonniers palestiniens.

Des groupes de défense des droits de l’homme, palestiniens et israéliens, ont déclaré aujourd’hui qu’environ 80 des grévistes de la faim sont toujours hospitalisés et enchaînés à leurs lits.

Quant au gouvernement israélien, il se prépare à faire voter une loi qui permettrait de forcer les grévistes de la faim à s’alimenter, une menace brandie par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dans une tentative de briser cette grève de deux mois.

Des experts des Nations-Unies ont demandé hier à Israël d’abandonner ce projet de loi, le décrivant comme un traitement « cruel et inhumain ».

Gavan Kelly, membre d’Addameer, groupe de défense des prisonniers et des droits humains palestiniens, a déclaré à The Electronic Intifada la semaine dernière, que la tactique de l’alimentation forcée équivalait à une « torture… à une échelle industrielle ».

Et Kelly d’ajouter que « depuis la seconde moitié de 2011, il ne s’est pas passé un jour sans au moins un Palestinien en grève de la faim. Et les Israéliens ont été incapables de faire face aux grèves de la faim… nous considérons que leur façon de traiter les grèves de la faim passe par l’introduction d’une forme de gavage ».

Dans une courte vidéo publiée hier, Hassan Jabareen, fondateur et directeur général d’Adalah, groupe de défense des droits humains palestiniens, explique quel est l’objectif de ces grèves de la faim massives et ce qui motive Israël pour les briser :

 

Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=vThu0Gv89yg

 

Si les détails d’un quelconque accord pour la fin de la grève de la faim de masse restent flous, ce qui est certain c’est qu’Israël va continuer à fouler aux pieds les droits des milliers de prisonniers politiques palestiniens dans ses prisons de l’occupation militaire.

À l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, Addameer a demandé ce jour aux Nations-Unies de procéder à une enquête sur les « violations flagrantes d’Israël de la Convention contre la torture, et de l’en faire tenir responsable devant la Cour pénale internationale ».

Plus d’une centaine de prisonniers politiques palestiniens sont morts sous détention israélienne depuis qu’Israël a ratifié la Convention des Nations-Unies contre la torture, en 1991, déclare Addameer.

L’usage généralisé, systématique, de la torture contre les prisonniers palestiniens inclut, comme le montre Addameer, « l’enchaînement des prisonniers dans des positions stressantes, des coups, des mises en isolement ou en confinement au cachot, et la privation de sommeil et sensorielle ».

Les enfants palestiniens arrêtés par les forces israéliennes sont eux aussi soumis régulièrement à la torture.

Addameer ajoute :

« Début 2014, Rasheed Risheq, 14 ans, a été agressé par des soldats et des policiers de l’occupation israélienne, devant un supermarché du quartier d’Al-Wad, dans Jérusalem occupée. Une dizaine de soldats lui ont sauté dessus, l’étranglant afin de lui enchaîner les mains et les jambes, le bloquant à terre tout en le frappant à la tête, lui donnant des coups de poing dans le visage, des coups de pied dans les jambes et le ventre. Puis il dut supporter un long interrogatoire rigoureux, durant lequel il fut fouillé au corps, gardé nu en isolement, endura de graves menaces portées contre sa famille et fut privé de nourriture, tout cela pour essayer de lui extorquer des aveux et de le faire signer une déclaration sous serment, en hébreu, langue qu’il ne lit ni ne comprend. »

Selon Addameeer, 75 % des enfants palestiniens sont physiquement maltraités durant leur arrestation.


Un supplice psychologique

L’emploi généralisé par le système judiciaire militaire israélien de la détention administrative, « qui permet la détention illimitée des Palestiniens sans s’encombrer de leur droit à un jugement », sur la base d’un dossier secret auquel les détenus et leurs avocats n’ont même pas accès, est « une forme de torture psychologique », selon Addameer.

Addameeer affirme :

« Salem Badi, qui a passé plus de 6100 jours en détention administrative, a témoigné de la douleur psychologique provoquée par cette politique : « La détention administrative est un cauchemar pendant lequel les détenus et leurs familles sont maintenus dans l’attente du choc de renouvellements continuels de l’ordre de détention administrative. » Badi, qui participait à la dernière grève de la faim, témoignait aussi des méthodes très dures auxquelles les grévistes de la faim sont soumis, notamment les agressions physiques brutales, l’isolement cellulaire et les menaces de gavage. Des grévistes de la faim ont témoigné dans le passé que les médecins leur avaient fait miroiter de la nourriture dans des tubes qu’ils faisaient balancer devant leur visage, afin de les intimider et de les pousser à cesser leur grève. La politique contre les grévistes de la faim, comprenant à la fois la torture, qui est sanctionnée par la loi, et les pratiques de tous les jours, cherche à limiter les acquis politiques des grévistes de la faim. »

La législation israélienne interdit l’usage de la torture, mais une lacune juridique permet à l’Agence de Sécurité israélienne (ISA) de considérer un individu comme un « ticking-bomb » (agresseur possible, une bombe à retardement) en « cas de nécessité », afin de pouvoir exercer sur lui une « pression physique modérée » pour obtenir des informations. Cette politique, en violation directe de la Convention des Nations-Unies contre la Torture (CAT), est pratiquée intensivement contre les prisonniers palestiniens. Plus de 90 % des prisonniers ont déclaré avoir été soumis à une forme ou une autre de torture physique et psychologique durant leur interrogatoire ou détention. Arafat Jaradat, jeune père de deux enfants, a été trouvé mort dans sa cellule de prison, quelques jours après son arrestation à son domicile, à Sa’eer-Hébron. Il avait plusieurs côtes cassées, des ecchymoses sur tout le corps et d’autres blessures qui confirment qu’il a bien été torturé.

Jaradat est l’un de ces 75 prisonniers palestiniens morts sous des tortures flagrantes dans les geôles israéliennes, et l’un de ces 23 prisonniers palestiniens morts depuis qu’Israël a ratifié la CAT. Au moins 27 prisonniers sont morts à cause de négligences médicales, notamment Maysara Abu Hamdiyeh qui fut privé de soins en 2013. Cinquante-quatre prisonniers ont été tués durant des raids d’arrestations ou des irruptions dans des prisons, comme ce fut le cas de Ziad Julani, 41 ans, de Jérusalem occupée, abattu à bout portant pendant son arrestation, en 2010, et celui de Mohammad Ashkar, tué par les forces spéciales israéliennes qui tiraient au jugé sur les prisonniers, lors d’un raid dans la prison de Ketziot, en 2007.

D’après les chiffres d’Addameer, il y avait près de 5300 prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël au 1er mai, dont près de 200 sans inculpation ni jugement, en vertu d’ordres de détention administrative.

Ce nombre a grossi durant les deux dernières semaines, où les forces israéliennes ont arrêté, selon les estimations, 500 Palestiniens, dans le cadre d’un assaut plus vaste après que, le 12 juin, trois adolescents israéliens disparurent en faisant de l’autostop en Cisjordanie.

Le quotidien israélien Ha’aretz a rapporté lundi que l’armée israélienne projette de publier deux cents nouveaux ordres de détention administrative pour des Palestiniens arrêtés durant sa campagne militaire. Cela portera au double le nombre de détenus administratifs, « le nombre le plus élevé depuis juillet 2009 » selon Ha’aretz.

Cinq Palestiniens, dont un enfant, ont été tués par des tirs à balles réelles lors de raids contre des camps de réfugiés, des villages et des villes, dans toute la Cisjordanie.

Source:

http://electronicintifada.net/blogs/maureen-clare-murphy/hunger-strike-over-israel-prison-torture-continues?utm_source=EI+readers&utm_campaign=a4412bf54e-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_e802a7602d-a4412bf54e-299171081

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

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