Ali Abunimah – The Electronic Intifada – 1er juillet 2014
Israël a lancé des frappes aériennes contre la bande de Gaza occupée dans les premières heures ce mardi matin, et selon des rapports venant d’Hébron, en Cisjordanie, les forces d’occupation ont endommagé ou détruit les maisons des familles des deux hommes qui, prétend Israël, sont derrière l’enlèvement et la mort des trois jeunes Israéliens.
Israël dit que son bombardement de Gaza vient en « représailles » des tirs de roquettes partant de ce territoire, mais Israël a envenimé la situation ces jours derniers avec une recrudescence des exécutions extrajudiciaires. Aucune information dans l’immédiat n’est arrivée sur des blessés.
Les politiciens israéliens réclament du sang, l’un d’eux exige que le Ramadan devienne un « mois de ténèbres ». De leur côté, les États-Unis appellent à la « retenue ».
Les corps trouvés
Les récentes violences israéliennes font suite à la découverte lundi des corps des trois jeunes, près d’Hébron, en Cisjordanie occupée.
Ils avaient disparu le 12 juin alors qu’ils faisaient de l’autostop entre des colonies israéliennes.
Israël a prétendu que le Hamas était responsable des meurtres, une accusation que le groupe a réfutée.
L’utilisateur de Twitter@Pal_48, à Hébron, a posté cette image d’un habitant du quartier qui tente de combattre l’incendie de l’une des maisons que les forces israéliennes ont fait sauter :
Cette vidéo montre la maison de la famille d’Abu Eishe après qu’elle eut été mise à sac, mais pas démolie : https://www.youtube.com/watch?v=p2zAzjCWoWw
Israël a récemment annoncé qu’il envisageait de reprendre les démolitions punitives de maisons, après en avoir suspendu la pratique il y a une décennie.
Une punition collective est un crime de guerre en vertu de la Quatrième Convention de Genève (art. 33) (http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/INTRO/380) qui stipule qu’aucune personne vivant sous occupation « ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement ».
Les Palestiniens se préparent au pire alors que les dirigeants israéliens réclament du sang en réponse à la mort des adolescents.
Des appels à la vengeance
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’est mis en tête de la meute, traitant ceux qui ont tué les jeunes d’ « animaux humains » et déclarant, « le Hamas est responsable. Le Hamas paiera. » Netanyahu utilise spécifiquement le mot « vengeance », faisant allusion à ce qu’il a en réserve. Mais beaucoup sont allés encore plus loin.
L’ancien député israélien, Michael Ben-Ari, a posté une vidéo et une déclaration exigeant « de transférer la douleur à l’ennemi cruel. Faire que le Ramadan soit un mois de ténèbres pour lui ! ».
Nous vivons dans une « jungle », dit Ben-Ari, traitant les enfants palestiniens de « petits terroristes ».
Il appelle à un rassemblement à Jérusalem ce mardi, exigeant : « la mort pour l’ennemi, son évacuation, et de lui ôter (son) sourire. Et à commencer par Haneen Zoabi, laissons-la aller aider la Syrie, » déclare-t-il en parlant de la députée palestinienne au parlement d’Israël, la Knesset.
Le ministre du Logement, Uri Ariel, demande l’exécution extrajudiciaire des dirigeants du Hamas, et à Israël, de « lancer une vague de constructions dans les colonies en réponse à l’assassinat des personnes enlevées ».
Limor Livnat, ministre de la Culture et des Sports, écrit sur Facebook, « Que Dieu venge leur sang ».
Tzachi Hanegbi, ancien ministre du parti Likoud au pouvoir, fait des spéculations, « Je ne sais pas combien de dirigeants du Hamas seront encore en vie après ce soir ».
Tzipi Hotovely, autre député du Likoud, et vice-ministre, écrit qu’ « Israël doit déclarer une guerre d’anéantissement du Hamas, qui est responsable de l’assassinat, et revenir à la politique d’assassinats. »
Le ministre de l’Économie, Naftali Bennet, dirigeant du parti ultra-anti-palestinien, le Foyer juif, déclare, « Pas de pardon pour les assassins des enfants et ceux qui les dirigent. Maintenant est le temps des actions, pas des paroles ».
Le ministre de l’Agriculture, Yair Shamir, se saisit de l’information comme d’une opportunité pour exciter contre les citoyens palestiniens d’Israël, qu’il accuse de défendre l’enlèvement. « Il ne faudra pas longtemps avant que l’histoire ne règle ses comptes avec vous, » écrit-il sur Facebook.
Les demandes de retenue, sous quelle que forme que ce soit, sont pratiquement absentes. Alarmé par l’atmosphère d’incitation, le groupe israélien de défense des droits de l’homme, B’Tselem, a demandé au gouvernement de « s’abstenir de tout acte de vengeance » et il a mis en garde contre des attaques « vengeresses » de colons.
Incitation sur les médias sociaux
Dès que la nouvelle a éclaté que les corps des jeunes israéliens avaient été trouvés, les médias sociaux israéliens, notamment les pages Twitter et Facebbok des principaux médias israéliens, comme Walla ! News, ont été très vite envahis par des appels envahissants et épouvantables à une effusion de sang, appels qui sont devenus tous trop familiers.
En voici quelques exemples avec des utilisateurs Facebook comme Kobi et Karen Haddad, qui demandent qu’Israël « incinère Gaza et Hébron ».
Et Lior Banay qui demande qu’Israël « détruise Hébron ».
« Ces Arabes » écrit Yuval Efrat, « nous devons tous les éliminer, juste y aller et les pulvériser. Ça suffit ! ».
Les appels de « Mort aux Arabes » sont trop nombreux pour les compter, mais certains vont encore plus loin. L’utilisateur Twitter Daniel Ronen, par exemple, écrit « Mort aux Arabes ! Nous devons les incinérer et pendre leurs cadavres devant leurs enfants ».
Lior Aminov, sur Facebook, participe à une discussion à plusieurs, apparemment dans le but de s’organiser pour y aller et porter des attaques d’autodéfense contre les Arabes. Il poste la photo ci-dessous d’un uniforme et d’armes de l’armée israélienne qu’il a l’intention d’utiliser contre ses victimes.
Il y a des articles concernant plusieurs cas de représailles et de manifestations par des Israéliens.
À Jérusalem, des dizaines de personnes « ont convergé vers une pizzéria dans le quartier de Ramat Shlomo pour protester contre l’emploi d’un salarié arabe, » selon Ynet.
Ce salarié aurait été « sauvé » par la police.
Les États-Unis exhortent à la « retenue »
Le Président US Barack Obama a publié une déclaration de condoléances aux familles des trois jeunes et condamné leur assassinat comme « un acte insensé de terrorisme contre des jeunes innocents ».
Obama n’a jamais exprimé la moindre sympathie ni adressé la moindre condoléance pour aucun des plus de 1400 enfants palestiniens assassinés par les forces d’occupation et les colons israéliens.
Mais avec la situation extrême que connaît la région, les USA semblent désireux d’éviter qu’elle ne s’envenime encore, et Obama exhorte « toutes les parties à s’abstenir de mesures qui pourraient déstabiliser davantage la situation ».
La responsable de la politique étrangère pour l’Union européenne, Catherine Ashton, qui elle aussi ignore les assassinats courants par Israël d’enfants palestiniens, condamne également les meurtres des jeunes Israéliens et espère que les « auteurs de cet acte barbare seront rapidement traduits en justice ».
Ashton sait sûrement aussi que les Palestiniens ne peuvent rien obtenir de ce qui pourrait ressembler à de la « justice » dans le système judiciaire militaire d’Israël.
À la suite d’Obama, Ashton exhorte « à une retenue de la part de toutes les parties concernées afin de ne pas aggraver une situation fragile sur le terrain ».
Une invasion de Gaza incertaine
Sur Ynet, Ron Ben-Yishai, un auteur proche des sources des Renseignements et de l’armée, estime qu’Israël ne devrait pas se lancer dans une invasion à grande échelle de Gaza.
Le cabinet va se voir demander d’envisager un coup de force militaire sérieux contre Gaza. Ce type d’opération est une nécessité à l’heure présente, pas seulement parce que le Hamas est le responsable de l’enlèvement, mais aussi parce qu’il ne fait rien pour empêcher les tirs intenses de roquette sur Israël.
Cependant, si l’option d’une opération contre Gaza est soulevée, il est probable que la plupart des ministres du cabinet la refuseront. Pourquoi ? Parce que le Hamas dans Gaza n’est pas impliqué dans l’enlèvement, et qu’une invasion des FDI sur la Bande serait perçue comme une punition collective que la communauté internationale ne comprendrait pas et même condamnerait. L’une des choses que l’État d’Israël ne peut pas perdre, c’est la légitimité internationale pour ses actions, et il ne peut pas être perçu comme un pays qui punit une population entière sans motif légitime.
Reste à voir quelles voix les dirigeants d’Israël vont écouter : celles qui exigent du sang dans les rues palestiniennes, ou celles des sponsors internationaux d’Israël qui ne souhaitent pas être embarrassés et dérangés par une nouvelle série de meurtres vengeurs et sauvages, à un moment où le reste de la région se trouve dans une conjoncture particulièrement désastreuse.
Merci à Dena Shunra pour son aide à la recherche et à l’analyse.
The Electronic Intifada : http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/israelis-demand-blood-after-youths-bodies-found?utm_source=EI+readers&utm_campaign=794611ffa0-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_e802a7602d-794611ffa0-299171081
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine