L’opération de Gaza vise à maintenir son occupation illégale
31 juillet 2014, par John Dugard
Israël affirme agir à Gaza à titre d’auto-défense, se dépeignant ainsi comme victime dans le conflit. Le président Barack Obama et les deux chambres du Congrès américain ont adhéré à cette justification de l’usage de la force. Mais est-ce une évaluation exacte ?
Gaza n’est pas un état indépendant comme le Liban ou la Jordanie. Israël reconnaît cela, mais voit Gaza comme une « entité hostile », un concept inconnu dans le droit international et qu’Israël n’a pas cherché à expliquer.
Mais le statut de Gaza est clair. C’est un territoire occupé — une partie du territoire palestinien occupé. En 2005, Israël a retiré de Gaza ses colons et les forces de défense israéliennes, mais continue à en garder le contrôle, non seulement par des incursions intermittentes dans le territoire et des bombardements réguliers, mais aussi en contrôlant effectivement les points de passage vers Gaza, son espace aérien, ses eaux territoriales, et son registre d’habitants, qui détermine qui peut entrer et sortir.
Le contrôle effectif est un test d’occupation. La Cour internationale de justice l’a récemment confirmé dans la dispute entre le République démocratique du Congo et l’Ouganda. La présence physique d’Israël [sur le territoire en question] n’est pas requise, dès lors que cet État maintient un contrôle effectif et l’autorité sur le territoire par d’autres moyens. La technologie moderne permet maintenant un contrôle effectif depuis l’extérieur du territoire occupé, et c’est ce qu’Israël a établi.
Que Gaza soit occupé est un fait accepté par les Nations Unies et tous les états, à l’exception d’Israël.
Une occupation illégale
L’occupation militaire ou armée est un statut reconnu par le droit international. Selon les termes de la 4e convention de Genève de 1949 — dont Israël fait partie — un état est autorisé à occuper un territoire acquis au cours d’un conflit armé en attendant un règlement pacifique. Mais l’occupation doit être temporaire, et la puissance occupante est obligée d’équilibrer ses besoins de sécurité avec le bien être de la population occupée. Les punitions collectives sont strictement interdites.
L’occupation de Gaza est maintenant dans sa 47e année, et Israël est largement responsable pour l’échec d’un accord sur un règlement pacifique. De plus, résultat du siège imposé à Gaza depuis 2007, Israël viole beaucoup de dispositions humanitaires contenues dans la 4e convention de Genève. Pour résumer, Gaza n’est pas seulement un territoire occupé, c’est aussi un territoire illégalement occupé.
L’opération actuelle sur Gaza —Operation Protective Edge (Opération Coussin de protection) — ne doit donc pas être vue comme un acte d’auto-défense par un état soumis à des actes d’agression de la part d’un état étranger ou d’un acteur non étatique. Au contraire, elle doit être vue comme l’action d’une puissance occupante visant à maintenir cette occupation — l’occupation illégale de Gaza. Israël n’est pas la victime. Elle est la puissance occupante qui use de la force pour maintenir son occupation illégale.
« Les fusées tirées par les factions palestiniennes de Gaza doivent être comprises comme des actes de résistance d’un peuple occupé et comme l’assertion de son droit reconnu à l’auto-détermination ».
L’histoire est pleine d’exemples de puissances occupantes usant de la force pour maintenir leur occupation. L’Afrique du Sud de l’apartheid a usé de la force contre le peuple de Namibie ; l’Allemagne a usé de la force contre les peuples de France et des Pays-Bas pendant la deuxième guerre mondiale.
Les fusées tirées par les factions palestiniennes de Gaza doivent être comprises comme des actes de résistance d’un peuple occupé et comme l’assertion de son droit reconnu à l’auto-détermination.
Avant qu’Israël ne se retire physiquement de Gaza en 2005, les actes palestiniens de résistance violente étaient dirigées contre les forces israéliennes à l’intérieur du territoire. C’était pendant la deuxième intifada. Depuis, les militants palestiniens ont été obligés de porter leur résistance à l’occupation et au siège illégal de Gaza vers Israël même. L’alternative est de ne rien faire, une solution qu’aucun peuple occupé de l’histoire n’a jamais acceptée.
Il est inhabituel pour un peuple occupé de porter sa résistance hors du territoire occupé. Mais il est aussi inhabituel pour une puissance occupante de maintenir une occupation brutale depuis l’extérieur du territoire. Quand, à cause d’actes de résistance sur son propre territoire, la puissance occupante maintient son statut par la force militaire à l’intérieur du territoire occupé, comme Israël l’a fait, ceci opère comme le renforcement de l’occupation — pas comme l’auto-défense d’un état.
Absence d’obligation à rendre des comptes
Un état cherchant à renforcer son occupation, tout comme un état agissant pour son auto-défense, doit respecter le droit international humanitaire. Ceci inclut le respect pour le principe de proportionnalité, le respect envers les civils et la distinction entre cibles militaires et cibles civiles, et l’interdiction de punition collective. Les militants tant israéliens que palestiniens sont obligés d’agir à l’intérieur de ces règles.
Malheureusement, Israël viole ces trois principes de base. Son action est clairement une punition collective du peuple de Gaza. Le nombre des morts et des blessés et le dommage infligé aux biens sont complètement disproportionnés par rapport au petit nombre de civils tués et blessés et de biens endommagés en Israël. Il est aussi clair, vu le bombardement d’écoles, d’hôpitaux et de maisons privées qu’Israël fait peu d’efforts, voire aucun, pour distinguer les cibles civiles des militaires.
Que doit-on faire ? Les Nations Unies sont impuissantes à agir face au veto des États-Unis. Ceci place un lourd fardeau sur les états européens pour qu’ils usent de leur influence afin d’arrêter le bain de sang.
Il incombe aussi à la Cour pénale internationale d’agir. La Palestine, reconnu comme un état par l’Assemblée générale des Nations Unies a accepté la juridiction de la Cour pénale internationale. Sous la pression des États-Unis et de l’Europe, le procureur de la Cour pénale internationale [Fatou Bensouda] refuse de faire rendre des comptes à Israël pour ses crimes. L’histoire jugera surement sans bienveillance tant le procureur que l’institution qu’elle sert si rien n’est fait.
John Dugard est professeur émérite de droit international law à l’Université de Leiden (Leyde) aux Pays-Bas et ancien rapporteur spécial aux Nations Unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés.
Les vues exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale d’Al-azeera America.
Source: Al Jazeera America




