Le 3 août, un bombardement israélien sur une école des Nations Unies a fait 10 morts et des dizaines de blessés – Photo : APA/Ashraf Amra
La semaine écoulée, nous avons été témoins d’une autre attaque qui a ciblé une enceinte des Nations Unies qui abritait des civils, tuant 17 personnes et blessant 120. Une autre attaque visant un marché à Shujaiya pendant le supposé cessez-le-feu a tué 18 personnes et en a blessé 200.
Aujourd’hui à Rafah, Israël a bombardé une autre école dirigée par l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés Palestiniens, où des milliers de civils se réfugiaient. Même le Département d’Etat Américain a, contrairement à son habitude, condamné Israël en qualifiant l’attaque d’ « épouvantable » et de « scandaleuse. »
Ceci est un cauchemar. Mais c’est le type de cauchemars dont on sait qu’il ne disparaitra pas au réveil.
La politique israélienne à l’égard de Gaza, traduite par le ciblage illégal de zones à forte concentration de la population et de leurs maisons, résulte en des horreurs indicibles et indescriptibles.
Israël est en train de punir, délibérément, les civils dans le seul but d’exercer une pression politique sur le Hamas. Ils infligent une punition collective à 1.8 millions de citoyens de la Bande de Gaza. Sinon, comment expliquer les statistiques ?
Les tous derniers chiffres recueillis par le Centre Palestinien des Droits de l’Homme (PCHR) indiquent que 1,817 Palestiniens ont été tués, dont 1,545, soit un taux incroyable de 85%, sont des civils : les soit-disant « personnes protégées » par le droit humanitaire international.
Des centaines de milliers de civils ont été déplacés. Ils ont reçu l’ordre de s’enfuir alors qu’il n’y a nul endroit sûr où aller : les refuges de l’ONU qui hébergent les civils ont à plusieurs reprises été ciblés. La Bande de Gaza est en ruines. La destruction de Shujaiya est difficile à comprendre. Même la centrale électrique n’y a pas échappé. Comment nos hôpitaux continueront-ils leur travail ? Comment les centres de traitement des eaux usées fonctionneront-ils ? Comment avoir de l’eau potable ?
Nos revendications
Dans ce déchirement et cette destruction, nous voulons une fin immédiate de la violence. Nous voulons qu’il soit mis fin à cette horreur, à cette souffrance. Beaucoup d’enfants sont morts. Les crimes de guerre sont devenus notre réalité quotidienne.
Cependant, un cessez-le-feu n’est pas suffisant.
Nous demandons à ce que justice soit faite, à ce qu’il y ait des responsables pour tout ce que nous avons enduré. Nous demandons à être traités comme des êtres humains, à ce que notre dignité humaine inhérente soit reconnue. Nous réclamons la levée du blocus sur la Bande de Gaza.
Durant les sept dernières années, Israël a soumis la Bande de Gaza à un blocus très strict. En fermant les frontières, Israël a lentement étouffé Gaza, nous soumettant délibérément à processus de de régression et de recul.
Avant le déclenchement de l’actuelle offensive, 65% de la population ne recevait pas son salaire ou était au chômage. 85% de la population dépend de l’aide alimentaire distribuée par des organisations internationales. Les patients dont le traitement qui sauve leurs vies n’est pas disponible à Gaza n’obtiennent pas les autorisations de quitter la Bande. Ils meurent.
La vie sous blocus n’est pas une vie. Nous ne pouvons plus retourner à cette réalité. Je ne peux pas imaginer sept autres années de fermeture. Le blocus signifie l’absence d’espoir. Il signifie que les jeunes de Gaza n’auront plus d’avenir. Pas de travail. Aucune opportunité pour partir. Même lorsque la guerre éclate, nous n’avons aucune issue pour nous enfuir.
Toutefois, le blocus ne représente que la moitié de la dure réalité dans la Bande de Gaza. L’autre étant l’absence totale de l’état de droit. Les crimes de guerre sont commis en toute impunité. Le blocus lui-même est un crime de guerre et est la politique officielle du gouvernement d’Israël.
En plus de cela, nous sommes constamment les victimes d’attaques et d’offensives fréquentes. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à la troisième offensive majeure depuis l’imposition du blocus. Des milliers de civils ont été tués. Des milliers, voire plus, de maisons et de quartiers ont été détruits.
L’impunité totale
Ces crimes de guerre sont commis en toute impunité. Après l’Opération Plomb Durci, l’offensive du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, le PCHR a déposé 490 plaintes criminelles au nom de 1.046 victimes. Dans les cinq années qui ont suivi, nous n’avons reçu que 44 réponses. Les autorités israéliennes ont décidé que 446 affaires ne justifiaient même pas de réponse.
Les résultats ?
Un soldat a été condamné pour le vol d’une carte de crédit et sa peine a été de sept mois.
Deux soldats ont été condamnés pour avoir utilisé un garçon de 9 ans comme bouclier humain. Chacun d’entre eux a eu trois mois de prison avec sursis.
Un soldat a été condamné pour le « mauvais usage d’une arme à feu » en tirant sur un groupe de civils brandissant des drapeaux blancs, tuant ainsi deux femmes. Ce soldat a été condamné à 45 jours d’emprisonnement.
Ceci n’est pas justice. L’impact de ces crimes de guerre permanents et l’impunité qui en découle nie et rejette notre propre dignité, notre valeur en tant qu’êtres humains. Tout cela démontre que nos vies ne sont pas sacrées, que nous n’avons aucune considération.
Confrontés à cette existence, nos demandes ne sont pas excessives. Elles ne sont pas, non plus, irréalistes.
Nous voulons être traités sur un pied d’égalité. Nous voulons que nos droits soient respectés et protégés. Nous appelons à l’application égale du droit international, en Israël comme en Palestine, aux Israéliens comme aux Palestiniens. L’état de droit international doit être respecté et tous les responsables de ces violations devront rendre des comptes.
Nous demandons des enquêtes sur ceux soupçonnés de crimes de guerre et la poursuite des responsables ? Est-ce déraisonnable et excessif ?
Nous voulons la levée complète du blocus. Il ne fait aucun doute que la politique de fermeture adoptée par Israël est illégale. Dans une déclaration publique assez rare, le Comité International de la Croix Rouge a explicitement déclaré que la politique de fermeture israélienne constitue une punition collective, ce qui est une violation du droit international. Les conséquences de cette politique sont patentes et évidentes dans le quotidien de la Bande de Gaza.
Nous demandons la fin du blocus. Nous voulons avoir l’opportunité de vivre notre vie dans la dignité. Est-ce trop demandé ?
Ces demandes ne sont pas politiques. Ce sont des demandes de gens qui veulent être traités et considérés comme des êtres humains.
Un cessez-le-feu ne peut pas suffire. Il ne mettra pas un terme à la souffrance. Il ne fera que nous transporter de l’horreur de la mort par bombardement à l’horreur de la mort par asphyxie progressive.
Nous ne pouvons plus redevenir ces prisonniers dans la cage qu’Israël secoue comme bon lui semble avec ses offensives destructives les plus brutales qui soient.
* Raji Sourani est le directeur du PCHR, Palestinian Centre for Human Rights
Traduction: Info-Palestine