Par Guillaume Lavallee, 11 août.
Gaza (Territoires palestiniens) (AFP)— Avec des milliers de foyers réduits à des décombres et son infrastructure en ruine, la reconstruction de Gaza coûtera des milliards et exigera au moins un assouplissement du blocus israélien pour donner accès aux matériaux de construction.
Le ciment sera un élément clé parmi ses matériaux, mais son importation sera controversée puisqu’il a été au cœur d’une guerre souterraine entre Israël et Hamas.
De Beit Lahiya dans le nord à Rafah dans le sud, la dernière offensive israélienne a laissé en ruines des pans entiers de la bande de Gaza.
Pendant les brèves accalmies du combat, les familles viennent fouiller les débris de leurs maisons à la recherche de leurs biens, attendant de commencer à reconstruire leurs vies.
En face de son appartement —réduit à une masse grise de poussière, de décombres et de fer tordu — Jamal Abed tire sur sa cigarette en égrenant son chapelet de prières.
« Ils ont tout détruit ici, il n’y a rien qu’on puisse faire », dit-il.
Il sait qu’il pourrait passer des mois, voire des années, sans un endroit pour vivre parce que sa maison doit être complètement aplanie avant de pouvoir être reconstruite.
Mais pour que la reconstruction commence, il faut une fin négociée au combat.
Il faut aussi du ciment, beaucoup de ciment, et l’enclave palestinienne souffre de pénurie chronique de ce matériau de construction cruciale.
Israël a commencé à imposer un blocus sur Gaza depuis l’été 2006 quand des militants de la région ont capturé un soldat au cours d’une attaque à partir d’un tunnel à la frontière.
Le blocus s’est renforcé significativement un an plus tard lorsque le mouvement islamiste Hamas a pris le contrôle de l’enclave, Israël imposant alors de sévères restrictions sur l’entrée du ciment, du gravier et de l’acier.
Israël dit que les restrictions sont destinées à empêcher les militants islamistes de construire des bunkers et autres fortifications.
-« 100 ans pour reconstruire » –
James Rawley, un résident et coordinateur humanitaire de l’ONU, a assuré que l’échec d’un allègement du blocus pourrait causer de nouveaux conflits à Gaza dans l’avenir.
Si ces mesures ne sont pas levées, « non seulement nous verrons très peu de reconstruction, mais je crains que les conditions soient en place pour un autre round de violence comme nous le voyons maintenant », a-t-il dit à l’AFP dimanche.
En 2010, Israël a allégé ses restrictions sur les importations de nourriture et de matériaux de construction après l’indignation internationale qui a suivi un raid israélien bâclé sur une flotille à destination de Gaza essayant de briser le blocus, et la mort de 10 militants turcs.
Depuis qu’Hamas a pris le pouvoir en 2007, Israël a lancé deux offensives majeures sur Gaza : l’opération « Plomb durci » [ou fondu] de 22 jours au Nouvel An 2009 et l’opération « Pilier de défense » de 8 jours en novembre 2012.
Les deux ont causé des destructions étendues dans l’enclave meurtrie.
Les Gazaoui ont été largement capables de contourner les restrictions du blocus en important du ciment depuis l’Égypte dans des tunnels de contrebande à travers la frontière.
Mais après que l’armée égyptienne a renversé l’allié islamiste de Hamas, le président Mohamed Morsi, en juillet 2013, le nouveau régime de Abdel Fattah al-Sisi a sévi contre les tunnels, détruisant plus de 1600 d’entre eux et portant un coup fatal à l’industrie de contrebande.
Une tente est dressée en face des tours Nada détruites, alors que des Palestiniens reviennent dans le quartier pour inspecter ce qui reste de leurs maisons, le 11 août 2014, à Beit Lahia dans le nord de la bande de Gaza (AFP Photo/Mahmud Hams)
Depuis, la reconstruction de Gaza dépend des matériaux dont Israël a autorisé l’entrée, les fournitures étant permises uniquement pour des projets de construction internationaux.
« Cela prendrait 100 ans pour reconstruire Gaza au niveau actuel de matériaux de construction autorisé », dit Sari Bashi, co-fondatrice de l’ONG israélienne Gisha, qui fait campagne pour la liberté palestinienne de mouvement et de commerce.
« Pendant toutes les années où le ciment a été banni d’entrée à Gaza, Israël n’a pas réussi à empêcher le creusement de tunnels », dit-elle.
« C’est une politique qui nuit surtout aux civils de Gaza avec peu ou pas de bénéfice pour la sécurité d’Israël ».
– Cimenter la trêve ?-
L’ONU estime que plus que 11800 foyers ont été détruits ou rendus inhabitables, plus que deux fois le nombre détruit pendant l’opération Plomb durci.
À l’époque, la communauté internationale s’était engagée pour 4.5 milliards de dollars (3.4 milliards d’euros) afin de reconstruire l’infrastructure brisée de Gaza.
Cette fois, les Palestiniens disent qu’ils ont besoin de 6 milliards de dollars pour arranger les hôpitaux, les routes, les écoles, les installations pour l’eau et les usines frappées par la cannonade et le bombardement.
Mahir al-Tabaa, directeur de la Chambre de l’industrie et du commerce à Gaza, dit que « plus de 350 bâtiments industriels » ont été détruits dans les combats, y inclus 50 usines clés.
Mais le conflit qui a commencé le 8 juillet n’est pas terminé.
Les combattants des deux côtés ont accepté une trêve de trois jours pour permettre aux négociateurs israéliens et palestiniens de se rencontrer au Caire et de discuter d’une fin plus durable au combat.
La question du ciment est l’un des défis clés dans les efforts des deux côtés pour atteindre un accord.
Les officiels israéliens ont reconnu l’importance de reconstruire Gaza mais ils ne veulent pas lever le blocus —la principale demande des Palestiniens.
« Il n’y aura pas d’accord sans la levée du blocus, sans que du ciment puisse entrer à Gaza », dit Daifallah al-Akhras, un haut-fonctionnaire palestinien.
« Comment voulez-vous que nous reconstruisions sans ciment ? »
Source: Yahoo.com